Jacob Collier est un prodige musical. Un virtuose. Certains ont même parlé de « génie ». L’arrangeur Quincy Jones en a fait son protégé ; le pianiste Herbie Hancock l’a comparé à Igor Stravinski.
Il peut harmoniser les voix à l’infini, joue de nombreux instruments, il s’est rendu célèbre par des relectures de grande chansons pop, notamment « Don’t Worry About a Thing » de Stevie Wonder, en 2013. II faut regarder la vidéo, elle est hallucinante!
Mais est-ce que ce talent incroyable mène forcément à de grandes chansons? C’est la question qui se pose avec la sortie de Djesse Vol 4, le dernier opus de cette tétralogie musicale entamée en 2018 par un album jazz-symphonique avec la collaboration du Métropole Orchestra de Vienne.
Après ce Vol 1 très riche musicalement , il y a eu un Vol 2 très folk et un Vol 3 plus R&B. Ce Vol 4 tente de synthétiser l’ensemble de l’œuvre. À 29 ans, Jacob Collier a déclaré qu’il souhaitait faire de la musique moins compliquée. Au fait, il a toujours l’air d’un adolescent en pyjama.
Djessie Vol 4 nous offre seize chansons et près de soixante-dix minutes de musique. À mon humble avis, le résultat est mitigé, mais, malgré tout, on trouve plein de pépites. Avec son immense talent, c’est impossible que Jacob Collier fasse un mauvais album. Mais, comme dit le proverbe, qui trop embrasse mal étreint.
« 100,000 Voices » (100,000 Voix) commence bien mal l’album. Ce collage qui vise à mettre en valeur l’auditoire nombreux de Collier, mène a un rock pseudo prog assez indigeste. Ça se passe un peu mieux avec « She Put Sunshine », mais, encore une fois, on se perd dans les effets en tous styles. « WELLLL », la quatrième pièce, nous plonge dans un pseudo metal qui se transforme en jazz vocal harmonique. Pas convaincu.
Par contre, les nombreuses balades assorties d’innombrables collaborateur.trice.s sont beaucoup plus intéressantes. À commencer par la bouleversante relecture de « Bridge Over Troubled Water », de Simon & Garfunkel, en compagnie de Tori Kelly et John Legend. Également, « Summer Rain », avec Madison Cunnigham et Chris Thile, « Little Blue », avec Brandi Carlile, et « Cinnamon Crush », avec Lindsey Lomis. La dernière pièce, « World O World », nous ramène dans l’atmosphère chorale d’église visité dans le Vol 1.
Jacob Collier se risque aussi dans une introspection indienne avec Anoushka Shankar. C’est plutôt réussi. Inversement, son immersion dans la musique pop hispanophone aurait profité d’une collaboration plus intéressante que celle du colombien Camilo. Natalia Lafourcade, Rosalia, Jorge Drexler, Kevin Johansen…pour la prochaine fois.
Entendons-nous : Djesse Vol 4 reste un album pop intéressant. Mais plus prévisible. Si vous ne connaissez pas Jacob Collier, mieux vaut commencer par le deux premiers volumes Djesse, qui sont beaucoup plus tintés par le jazz, les harmonies vocales et l’improvisation.
Maintenant que le cycle Djesse est terminé, nous verrons bien où le jeune prodige décidera d’aller. En attendant, il sera à la Place Bell à Laval, le 23 avril. Espérons qu’il nous présentera l’ensemble de la tétralogie.