Sur son troisième album, Hybreed Chaos réalise une métamorphose ambitieuse. Le groupe maintient ses racines death metal à la fois vieille école et avant-garde à travers un changement drastique de personnel. Sous cette forme instrumentale et « avec violoncelle », le trio montréalais se révèle plus étonnant et prometteur qu’il ne l’a jamais été.
Comme toujours, la musique est en grande partie construite autour des idées rythmiques de Frank Camus, batteur et membre fondateur. Il allie les grooves entraînants à toute sorte de permutations rythmiques, notamment par l’emploi de motifs polyrythmiques et de métriques irrégulières. Cela donne une signature déroutante et intéressante, mais somme toute limitée. En effet, les bifurcations les plus intéressantes de la batterie tendent souvent à retomber sur des rythmes confortables. Quand la musique accélère, ça ne dure pas très longtemps non plus. Mais ces caractéristiques ne sont pas forcément mauvaises, puisqu’elles permettent à une atmosphère de pesanteur de s’installer au lieu du sentiment d’urgence souvent encouru dans le death metal moderne.
Ce qui surprend, c’est à quel point la musique fonctionne bien, même épurée de tout arrangement vocal. Le timbre du violoncelle électrique rend très bien la lourdeur nécessaire à ce type de musique, conférant du même coup une couleur inédite à la composante mélodique des pièces. Mélodies qui, soulignons-le, font davantage dans le chromatisme angoissant que dans le lyrisme. La formule en trio laisse également amplement de place à la basse pour gronder et souligner le rythme, mais aussi pour complémenter les phrasés du violoncelle. Assez court, Subliminal Abyssal Carnagesait toutefois garder les choses intéressantes, notamment avec une intro d’improvisation libre, un solo surprise de Daniel Mongrain (Martyr, Voïvod) et une finale brutale et chaotique.
Néanmoins, on a affaire à un groupe en transition et cela se ressent. Subliminal Abyssal Carnage est un album qui aurait bien pu ne jamais voir le jour, et c’est probablement ce qui lui donne un aspect un peu brouillon. La production est excellente, mais les arrangements auraient certainement pu être plus ambitieux, notamment en esquivant certaines répétitions et en assumant davantage le côté progressif des pièces. Le visuel laisse également à désirer. La belle pochette abstraite est gênée par une infographie et une police d’écriture amateurs. On espère qu’à long terme, Subliminal Abyssal Carnage sera la pierre angulaire nécessaire à une réincarnation unique qui continuera de se peaufiner. À surveiller!