Ça commence par Gelé su’l feu, riff tribal à tendance arabisante, grosses caisses qui pistonnent sur un méchant temps, voix gutturale à affoler un oto-rhino-laryngologiste. Les paroles sont limpides, « J’ai rien à faire icitte – J’ai rien dit pis j’le retire – Tant qu’à dépasser les limites – Vaudrait mieux partir »; Fuck Toute a statué, l’espoir se fait rare. Ça se poursuit pendant 36 minutes et demie, jusqu’à la dernière note de Persona. Cette longue, imposante et sombre pièce aurait pu servir de chanson-thème au film homonyme de Bergman. Puis, la question se pose : est-ce que les gars de Fuck Toute carburent aux suppositoires de capsaïcine? Est-ce qu’ils se malaxent des smoothies à base de DranoMD, de chaux vive et d’huile à tronçonneuse? Ça les regarde et le musicophile peut bien s’imaginer ce qu’il voudra, des études démontrent que les jeunes adultes mangent mieux qu’avant. De fait, pour jouer comme ils jouent, le guitariste Maxime Gouin, le bassiste David Horan, le chanteur François Gagnon et le batteur Antoine St-Germain doivent être en très bonne santé. Nous avons affaire à des praticiens adroits chez qui prime la rigueur harmonique, à des musiciens qui alternent les genres et les tempos sans coup férir. Sur ce deuxième opus complet, Fuck Toute édifie l’auditeur par sa cohésion musicale et textuelle. Ne vous fiez ni à la légèreté inhérente aux calembours et autres allusions, dans le titre de l’album et ceux des chansons, ni à l’autodérision que sous-entend la mouche à marde sur la pochette. Le groupe qui se trouve aujourd’hui au confluent du punk, du métal et du bruitisme québécois s’appelle Fuck Toute, qu’on se le dise.
