Six longues années se sont écoulées depuis la dernière fois que Tineke Postma nous a donné de ses nouvelles. Durant ce silence discographique, la saxophoniste néerlandaise a donné naissance à son premier enfant et a pris le temps de veiller sur lui. De retour sur disque, elle place sa nouvelle œuvre sous l’égide de Freya, déesse nordique de la fertilité et de la création. D’autres figures de femmes – mythologiques ou réelles – sont également saluées par les titres des pièces au programme : Scáthach, Lucine, Aspasie ainsi que la pianiste Geri Allen, un des mentors musicaux de Postma.
La musicienne l’avoue : c’est la première fois qu’elle crée avec l’intention de passer un message. À l’écoute de Freya, on réalise vite que d’autres choses ont changé dans sa musique. Inspirée par le projet Made in Chicago de Jack DeJohnette, elle a voulu, elle aussi, marier des cuivres jouant à la limite du free à une section rythmique au groove irrésistible. De ce côté, les lignes de basse chaloupées de Matthew Brewer et le jeu souple du batteur Dan Weiss font mouche d’un bout à l’autre de l’aventure.
L’équipe américaine qui accompagne Postma sur Freya compte également le trompettiste Ralph Alessi et, au piano, la toujours probante Kris Davis. Les échanges succulents qui ont lieu entre la saxophoniste et ces deux musiciens feront le régal des amateurs de post-bop inspiré. Dans le genre, Postma se rapproche plus que jamais d’un autre de ses modèles : Wayne Shorter. Comme lui, elle sait faire preuve de lyrisme alors même qu’elle danse sur la frontière ténue qui sépare la tradition de l’avant-garde. En témoigne cet instant, à mi-parcours de Heart to Heart, où la musique s’enflamme de façon inattendue sans que l’équilibre en soit rompu. Moment magique.