Błoto, qui se traduit par « le bourbier », est un groupe un brin plus hargneux que celui dont il est issu, le sextet électro-jazz polonais conventionnel et bien élevé EABS. Les membres de ce quartet sont bien trop intelligents et habiles pour s’asseoir sur les lauriers de leur remarquable premier album. Erozje cependant, c’est autre chose. Plutôt le genre bête, sale et méchant qui peut donner la frousse ou faire vivre des instants panique, un marécage où l’on a peur d’attraper le palu mais qui est l’fun à mort.
La section rythmique se déchaîne, faisant souvent autant de bruit que les claviers et le saxo, lesquels profitent du chahut pour ruer encore plus dans les brancards. Les crises sont l’occasion de révoltes, non?
Błoto emprunte au hip-hop des années 90 quelques-uns de ses éléments les plus abrasifs qu’on peut entendre dans les rythmes têtus et l’ambiance menaçante de Bagna et Czarne ziemie. Le bref et hilarant Rędziny est une sorte de compte à rebours pour une imparable catastrophe, immédiatement suivi par le jazz lounge post-traumatique de Bielice.
Les trois derniers morceaux constituent un segment final solide et conséquent. Ziemie zdegradowane przez człowieka est un moment de calme où plane un doute qui laisse présager quelque déferlement ultérieur. Suit Glina qui tel un Pokemon malveillant se débarasse de ses peaux pour réapparaître chaque fois sous une nouvelle incarnation plus surprenante. C’est une séquence palpitante qui laisse l’auditeur haletant.
La pièce de clôture, Gleby brunante, prend toute la pression accumulée durant la précédente et la retourne comme un gant, permettant ainsi à un album chargé et intense, qui rend bien le caractère précaire de ces temps incertains, de se conclure sur une note de réconfort, voire de rédemption.