Pays : Canada (Québec) Label : Tour de bras Genres et styles : folk / rock / traditionnel Année : 2021

En concert au Petit Québec libre

· par Luc Marchessault

L’action se situe dans une commune appelée « Le Petit Québec libre » en septembre 1972, à l’orée du village estrien de Sainte-Anne-de-la-Rochelle, entre Granby et Sherbrooke. Les musiciens, activistes et communards Yves Charbonneau et Jean Préfontaine, tandem fondateur du groupe-mouvement Jazz libre du Québec, voué à l’avènement d’un Québec indépendant et socialiste, ont convoqué divers artistes à leur « grande fête des Travailleurs ». Or, comme on l’entend dans l’introduction, presque tous les invités se sont désistés : les Sinners pour cause de querelles intestines, les Champignons de Shawinigan par manque d’organisation, le Théâtre des travailleurs parce que certains de ses membres sont en Europe… Presque tous donc, car Erica Pomerance y est, et dangereusement en verve par-dessus le marché.

Cette Anglo-Montréalaise ouverte, curieuse et francophile, admiratrice de Vigneault, Ferré, Charlebois, Claude Gauthier et Diane Dufresne, pratique à l’époque le « folk libre ». Elle enregistre You Used to Think avec une troupe bigarrée mais fort compétente de musiciens, en 1968. L’opus, publié par l’étiquette free jazz new-yorkaise ESP-Disk, demeure son seul album studio. Cette même année, Erica vit les soulèvements de mai à Paris et prend part à l’occupation du théâtre Odéon et de la Sorbonne. Cette créatrice fascinante nous rappelle sa compatriote Myra Davies, historienne de l’art et praticienne du spoken word, qui évoquait il y a quelques années dans sa pièce Sirensle pionnier gai Armand « Monroe » Larrivée, avec l’appui musical des Allemandes Beate Bartel et Gudrun Gut.

Revenons à Erica Pomerance qui, ce jour d’automne 1972, entame son tour de chant en récitant une allégorie mystique du chef lakota Black Elk. Ensuite, dans J’ai mon voyage, elle apprend à l’auditoire que « (Robert) Bourassa a été mangé par la bibitte – La computer tu peux pas la détruire », puis que « Nous sommes des consommateurs – Va donc chier, j’ai pas besoin de Woolworth’s Wonderland – Ah oui, tout le monde va encore chez Dupuis Frères pis Woolworth pour acheter leurs underwears – Pis moi je mets du maquillage pour la fête des Travailleurs ». Dame Pomerance revisite aussi le Woodstock de Joni Mitchell : sur les accords bien connus de ce psaume fleur bleue, elle nous entraîne en des lieux où Joni n’a certes jamais mis les pieds. Cet hallucinogène récital se poursuit avec Mon cher frère / Medley trad, au cours duquel Erica cite autant À Saint-Malo, beau port de mer que le Land of a Thousand Dances popularisé par Wilson Pickett. Enfin, elle nous chante La révolution française, qui relate l’expérience susmentionnée chez nos cousins. 

Ce sont les experts en musiques d’improvisation de la maison Tour de Bras, à Rimouski, qui ont mis la main par hasard sur En concert au Petit Québec libre, document qu’il importe de diffuser car il s’écoute, un demi-siècle plus tard, comme un véritable vade-mecum de liberté. 

Tout le contenu 360

Suoni 2025 | Farida Amadou ++ : apothéose de l’in’’ouïe’’

Suoni 2025 | Farida Amadou ++ : apothéose de l’in’’ouïe’’

L’empreinte de Serge Fiori (1952-2025)

L’empreinte de Serge Fiori (1952-2025)

Suoni | Bozzini + Sarah Hennies : chocs et contrastes dans le post-minimalisme

Suoni | Bozzini + Sarah Hennies : chocs et contrastes dans le post-minimalisme

Chick Corea : The Visitors

Chick Corea : The Visitors

Peter Garland : Plain Songs: “Love Comes Quietly” (after Robert Creeley)

Peter Garland : Plain Songs: “Love Comes Quietly” (after Robert Creeley)

Queenie | Une artiste à surveiller

Queenie | Une artiste à surveiller

Le jazz au Festival international de jazz de Montréal expliqué par Modibo Keita

Le jazz au Festival international de jazz de Montréal expliqué par Modibo Keita

FIJM 2025 | La programmation expliquée par Modibo Keita (2e partie)

FIJM 2025 | La programmation expliquée par Modibo Keita (2e partie)

Festival de musique de chambre de Montréal | C’était un joli concert…

Festival de musique de chambre de Montréal | C’était un joli concert…

Montréal Baroque 2025 | 4 saisons : bienvenue au 21e siècle et dans la crise climatique, M. Vivaldi

Montréal Baroque 2025 | 4 saisons : bienvenue au 21e siècle et dans la crise climatique, M. Vivaldi

Montréal Baroque 2025 | Zarzuela, mon amour

Montréal Baroque 2025 | Zarzuela, mon amour

Suoni | Impro contemporaine, découverte latino-américaine

Suoni | Impro contemporaine, découverte latino-américaine

Francos | La candeur et la gentillesse d’Aliocha Schneider

Francos | La candeur et la gentillesse d’Aliocha Schneider

Francos | Retour dans le temps avec Saïan Supa Celebration

Francos | Retour dans le temps avec Saïan Supa Celebration

Francos | Carbonne, chaleur méditerranéenne à Montréal

Francos | Carbonne, chaleur méditerranéenne à Montréal

Festival d’art vocal de Montréal | Que se passera-t-il du 2 au 27 juillet à la salle Claude-Champagne ?

Festival d’art vocal de Montréal | Que se passera-t-il du 2 au 27 juillet à la salle Claude-Champagne ?

Francos | Cardinal se pose aux Foufs

Francos | Cardinal se pose aux Foufs

Piknik Elektronic | Le set de Nadim Maghzal, cofondateur de Laylit : électronique, SWANAesque, raffiné, festif, jouissif

Piknik Elektronic | Le set de Nadim Maghzal, cofondateur de Laylit : électronique, SWANAesque, raffiné, festif, jouissif

Suoni | Sanam, l’éloquence de Beyrouth à l’orée de tous les dangers

Suoni | Sanam, l’éloquence de Beyrouth à l’orée de tous les dangers

Francos | Honneur au slam avec Grand Corps Malade

Francos | Honneur au slam avec Grand Corps Malade

Orford Musique  | Un fil conducteur nommé Beethoven

Orford Musique  | Un fil conducteur nommé Beethoven

Suoni |  Quinton Barnes + Jason Doell & Naomi McCarroll-Butler + Liam Cole + Alex « Bad Baby » Lukashevsky

Suoni | Quinton Barnes + Jason Doell & Naomi McCarroll-Butler + Liam Cole + Alex « Bad Baby » Lukashevsky

Francos | Une 1ère montréalaise pour Emma Peters

Francos | Une 1ère montréalaise pour Emma Peters

Francos | Mike Clay en solo, lentement puis sûrement

Francos | Mike Clay en solo, lentement puis sûrement

Inscrivez-vous à l'infolettre