Emily D’Angelo, Das Freie Orchester Berlin & Jarkko Riihimäki – enargeia

· par Alexandre Villemaire

La mezzo-soprano italo-canadienne Emily D’Angelo possède déjà, à seulement 27 ans, une feuille de route bien remplie et cumule maintes distinctions et louanges de la critique. Ne manquait à son ardoise que la parution d’un premier album, qu’elle signe sous la prestigieuse étiquette Deutsche Grammophon avec, entre autres, le Das Freie Orchester Berlin dirigé par Jarkko Riihimäki, arrangeur de plusieurs pièces du disque. Si vous vous attendiez à un « debut album » conventionnel, détrompez-vous! La jeune chanteuse rivalise d’audace en déjouant toutes conventions, au moyen d’un programme éclectique mélangeant œuvres médiévales enrobées d’indie rock électro et pièces de compositrices du XXIe siècle.

Le ton est donné dès les premières notes de l’air Fólk fær andlit, de la compositrice islandaise oscarisée Hildur Guðnadóttir, dont les lignes graves de violoncelle imitent le bourdon présent dans la musique du XIIsiècle. Cela amène une belle transition thématique vers l’antiphonaire O frondens virga de la compositrice et moniale bénédictine Hildegard von Bingen, dont Missy Mazzoli signe un arrangement contemporain, en plus de plusieurs autres pièces percutantes, dont This World Within Me Is Too Small, tiré de Song from the Uproar, et A Thousand Tongues.

Parmi les pièces qui se distinguent et jalonnent tout l’album, nommons celles de Sarah Kirkland Snider, notamment celles tirées de son cycle Penelope. Initialement composée en 2008 sous la forme d’un monodrame lyrique écrit par Ellen McLaughlin et inspiré par L’Odyssée d’Homère, l’action est campée autour d’une femme dont le mari, un vétéran, se présente à sa porte après une absence de vingt ans en souffrant de dommages cérébraux. Il s’agit d’une œuvre autour de la mémoire et de l’identité; l’aura qui entoure ces airs revêt une émotion singulière. La chanson The Lotus Eaters, extraite de ce cycle, est probablement parmi les meilleurs moments de l’album, avec ces passages instrumentaux rock de guitare électrique et de batterie auxquels se mélange le timbre grave et clair D’Angelo, qui finit par chanter avec elle-même par l’entremise d’une superposition de pistes.

Est-ce déstabilisant et choquant? Oui, mais à travers cette épopée sonore, le cran d’Emily D’Angelo nous fait oublier qu’il s’agit d’une chanteuse lyrique et d’un album sous une étiquette dite « classique ». C’est une artiste, pleine et entière dans toute sa complexité, livrant avec une voix maîtrisée, agile, ronde et souple une pure expérience interprétative, musicale, esthétique et cathartique, qui chamboule les préceptes et canons associés aux chanteurs classiques, ouvre nos oreilles à de nouveaux horizons et, au passage, nous met en contact avec des compositrices de notre temps. Et c’est tant mieux!

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