La nouvelle orchestration de Roméo et Juliette de Prokofiev sur Destins tragiques, la dernière sortie d’ATMA Classique, ne donne pas l’impression de retrouver la magie de la musique originale, même si ce n’est pas faute d’avoir essayé.
Il s’agit d’une œuvre complexe à capturer, c’est certain. Composée à l’origine pour un ballet en 1935, elle n’a pas été jouée pendant trois ans, tant elle était difficile à danser. Le compositeur moscovite Vadim Borisovsky, lorsqu’il a arrangé les pièces pour alto et piano dans les années 1960 et 1970, s’est efforcé de préserver autant que possible le lyrisme original de Prokofiev – il a changé la tonalité, par exemple, pour que l’alto ait davantage l’occasion de montrer ses atouts.
Vallières reprend l’impressionnante composition condensée de Borisovsky et la remet à l’échelle en utilisant une orchestration pour alto et orchestre à cordes de François Vallières. C’est là que l’album s’essouffle : la présence écrasante d’I Musici ne permet pas à l’altiste Elvira Misbakhova de respirer. Prenons par exemple la célèbre Danse des chevaliers, où l’alto est censé être intense et rythmique pendant la première minute. L’alto de Misbakhova suit bien ces conventions et, bien qu’elle ait tendance à s’attarder trop longtemps sur certaines notes, ce détail ne nuit pas à la tension de son interprétation. C’est plutôt la lenteur et la lourdeur des mélodies de l’orchestre, pourtant étonnamment aiguës, qui s’en chargent. En essayant d’imiter les cuivres des compositions originales de Prokofiev, Vallières a oublié que leur riche résonance est l’élément qui les rend si puissants.
L’avant-dernière pièce de l’album, Juliet’s Death, est particulièrement décevante dans la mesure où les constantes mélodies de l’orchestre suppriment la tension que l’alto est censé créer. Cela va à l’encontre de l’intention de Borisovsky de mettre l’alto au premier plan. Les autres morceaux touchent les bonnes notes et sont agréables à écouter.