Ed Motta est très populaire au Brésil. Mais il est virtuellement inconnu en Amérique du Nord. La vérité, c’est que nous avons une vision stéréotypée de la musique d’Amérique latine. Nous nous concentrons sur les genres « stéréotypés » du continent: la salsa, la samba, la bossa nova et le reggaeton.
Entendons-nous: c’est souvent très bon. Mais musiciens de ces continents peuvent-ils faire du rock, du jazz, du hip-hop et mélanger cela avec leurs traditions? Au Québec, on ne s’y intéresse pas. Guère plus dans le reste du continent.
Ed Motta tombe exactement dans ce vide. Le colosse rondouillard de Rio de Janeiro adore le jazz et le rock AOR (Adult Oriented Rock) tel que Steely Dan ou Joe Jackson. Quand j’habitais Rio, il organisait des jam sessions jazz chaque dimanche dans un bar du quartier de Leblon. C’est un ami français de Sao Paolo qui m’avait dit: « Il faut que tu écoutes Ed Motta, c’est vachement bon ».
Il avait raison.
Motta a réalisé plus d’une vingtaine d’albums en trente ans. Behind The Tea Chronicles est le plus récent. C’est du jazz cinématographique, léché, assorti de rythmique pop et de cordes. Ed Motta chante sur toutes les pièces. Malheureusement, et c’est mon bémol principal, il a cessé de chanter dans sa langue d’origine dans les trois derniers albums. Il a adopté l’anglais. Dommage.
Ed Motta est un excellent pianiste, improvisateur et arrangeur. Il a cherché à faire un album inspiré par le cinéma, tant dans les textes que dans la musique. Il se déclare aussi obsédé par les détails dans les arrangements que Donald Fagen et (Feu)Walter Becker, de Steely Dan.
Sur Behind the Tea Chronicles, on entend l’Orchestre symphonique de Prague, une section de cuivres enregistrée à Détroit et d’excellents musiciens brésiliens comme le guitariste Joao Oliveira . S’ajoutent du xylophone, de la harpe, des solos de flûte. Tout cela avec un mélange de funk, soul, jazz, rock. La pièce Gaslighting Nancy est une de celles qui résument le mieux la synthèse de Ed Motta. L’influence de Steely Dan est parfaitement audible et totalement assumée par l’imposant compositeur chauve et barbu.
En comparaison, Of Good Strain évoque davantage une musique de film français.
Pour découvrir davantage Ed Motta, je vous invite à écouter Dwitza, un formidable album surtout instrumental de 2001 ainsi que AOR (Brazilian Portuguese Version) de 2013.
La prochaine fois, Ed, revient au portugais, favor.