Pour son sixième long jeu, le rappeur américain Danny Brown livre une expérience très personnelle qui démontre une maîtrise totale de son art. Quaranta est autant une réflexion lyrique sur le temps qui passe que l’état contemporain du Rythm And Poetry.
En termes d’énergie, on est à cent lieues d’un Atrocity Exhibition (2016), qui était une véritable démonstration de rapidité virtuose au micro. Brown a considérablement ralenti la cadence, laissant place à un flux vocal qui respire et qui n’accélère que lorsque l’effet dramatique le commande. Les impulsions vocales d’arrière-plan sont toujours présentes, bien que de façon plus modérée que sur uknowhatimsayin¿ (2019).Cette direction permet, dès la première écoute, de prendre le poulx des textes riches en commentaires qui parcourent Quaranta. Enregistré et sorti à l’aube de la quarantaine de son auteur, l’album rappelle Mr. Morale and the Big Steppers (2022) de Kendrick Lamar avec son ton repentant et autocritique. Bien sûr, Danny Brown ne saurait être réduit à une telle comparaison tant son style et son timbre vocal sont uniques, des traits qui resplendissent bel et bien ici.
Par ailleurs, saluons la production qui puise dans un large éventail d’univers sonores pour faire enchaîner les morceaux. Dans certains titres, on entend des boucles instrumentales tirées du répertoire rock alors que d’autres pièces sont plutôt électroniques. Au passage, on a quelques morceaux comme « Down Wit It » et « Celibate » qui nous plongent tout droit dans les années 1990, avec des échantillons vintage et feutrés qui contribuent à l’atmosphère de nostalgie du disque.
Avec à peine 34 minutes de jeu et des morceaux assez courts, l’album n’est certes pas le plus ambitieux de l’artiste. Quaranta a néanmoins tout le potentiel d’être un jalon de la carrière de Brown, suscitant des questionnements sur la direction musicale que prendra le rappeur pour la suite des choses.