Le titre de l’album risque de rameuter les padawans grisonnants adeptes de Robert Fripp, le Yoda du prog pointu. Qu’ils se détrompent – et qu’ils en profitent pour jeter une oreille –, car il est ici question d’un érable plane de type « crimson king » comme celui qui est représenté sur la pochette. Gaël Desbois, alias Chasseur, évoque ainsi son père dont les cendres sont enfouies au pied d’un arbre semblable.
Gaël Desbois a été compositeur, musicien et acteur dans diverses troupes de théâtre et de danse, batteur chez Laetitia Shériff, Miossec, Dominic Sonic et Santa Cruz, puis cofondateur des duos Mobiil, Del Cielo et Tchewsky & Wood. En 2016, il lance le projet Chasseur, qui tire son origine étymologique de Hunter, prénom du jeune protagoniste du film Paris, Texas.
Le lyrisme âpre du chef-d’œuvre de Wenders aura sans doute influé sur l’esthétique de Chasseur. Au fil de chansons comme Ailleurs, Jouer avec le vent, Au lointain, Les ruisseaux et The End, Gaël Desbois décrit le vertige que provoque la disparition d’un être irremplaçable, puis s’interroge sur la dichotomie ou l’indivisibilité de l’existence et du trépas. Son ton grave et son timbre chaud nous rappellent ceux de Bertrand Belin. Il a écrit seul les paroles de Du bleu et Comme il vient. Les autres textes sont le fruit d’une collaboration avec l’écrivaine rennaise Nathalie Burel, qui avait fourni à Chasseur les quatre textes du microalbum Dans la ville, paru en 2017.
Pour générer la profusion de rythmes et de mélodies que renferme Crimson King, Gaël Desbois met à profit les machines idoines. Au nombre de celles-ci doit bien se trouver un synthé Fairlight CMI ou son ersatz, puisque le son d’ensemble est enraciné dans les décennies fécondes de Jean-Michel Jarre – période Zoolook –, Giorgio Moroder et Suicide. Crimson King n’en demeure pas moins une œuvre de pointe, faisant de Gaël Desbois un créateur aussi fascinant que son compatriote Arman Méliès.