Pays : Royaume-Uni Label : Gearbox Genres et styles : ambient / électronique / free jazz / jazz / jazz contemporain Année : 2022

Binker & Moses – Feeding the Machine

· par Steve Naud

On le sait, la scène jazz londonienne est un des pôles principaux du renouveau que le genre connaît depuis quelques années grâce à des artistes tels Shabaka Hutchings, Nubya Garcia, Yazz Ahmed et Kamaal Williams. Le saxophoniste Binker Goldings et le batteur Moses Boyd sont, eux aussi, des piliers de cette scène bouillonnante. À son actif, ce duo dynamique a deux albums studio : Dem Ones (2015) et Journey to the Mountain of Forever (2017). Une paire d’enregistrements en concert fut ensuite publiée, mais comme, par la suite, Golding et Boyd se sont brillamment illustrés en solo et dans le cadre de différents projets, on n’osait plus espérer une nouvelle offrande en commun de leur part.

Comme bien d’autres têtes d’affiche du nouveau jazz british, les deux membres du tandem connaissent bien leur histoire de la note bleue, mais ils se sont aussi abreuvés à d’autres sources, plus urbaines celles-là : le grime, le hip-hop, l’électro, les musiques caribéennes… Ces influences étaient déjà patentes et bien intégrées sur leurs premiers disques, mais Feeding the Machine représente un pas de géant vers l’avant, vers le futur. C’est qu’avant de remettre les pieds dans un studio d’enregistrement, les deux lascars s’étaient dit qu’il fallait marquer un grand coup, pousser les choses plus loin. Avec cet objectif en tête, ils ont réquisitionné les services de leur pote Max Luthert, contrebassiste à ses heures, mais, pour les fins du présent projet, bricoleur d’effets électroniques. Manipulant les sons produits par les deux instrumentistes en direct, ajoutant des nappes de synthés modulaires et des bidouillages de toutes sortes, ce dernier est devenu le troisième membre du groupe.

Enregistré aux légendaires studios Real World sous la houlette du non moins légendaire réalisateur Hugh Padgham (un choix étonnant puisque celui-ci est surtout connu pour son travail avec Sting, Phil Collins ou David Bowie dans les années quatre-vingt), Feeding the Machine est une œuvre qui réussit à repousser les limites du free jazz  – un genre qui, même s’il est toujours considéré comme avant-gardiste par certains, existe depuis plus d’un demi-siècle et peut s’avérer redondant entre des mains peu imaginatives. Ici, point de surplace. L’apport de Luthert propulse les deux jazzmen bien loin dans le cosmos. Dès les premiers instants du morceau d’ouverture, le saxophone de Goldings est mis en boucles sonores dont les échos se répercutent et amènent la musique du duo en territoire ambient. Et ce n’est que le début du voyage! Une expédition en zone spatiale inconnue, quelque part entre le jazz spirituel d’un Coltrane ou d’un Sanders et l’électro de pointe des sorciers synthétiques de l’étiquette Warp.

C’est ce rebrassage électronique des cartes distribuées par les deux musiciens qui frappe tout d’abord l’esprit du mélomane qui, cependant, une fois remis de son étonnement, ne peut que s’extasier devant les prouesses mises de l’avant par les deux jeunes loups anglais. Tous deux sont des virtuoses de leurs instruments respectifs et tous deux sont dotés d’un instinct infaillible, quand vient le temps d’installer un climat dramatique et d’en faire progresser l’intensité de façon à garder l’auditeur sur le qui-vive. Feeding the Machine est un album qui se savoure en lisant son roman d’anticipation favori.

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