Pays : États-Unis Label : Parkwood / Sony Music Genres et styles : americana / country / soul/R&B Année : 2024

Beyoncé – Cowboy Carter

· par Michel Labrecque

J’avoue que j’ai hésité à écrire une critique de Cowboy Carter. Parce que tant d’autres l’ont déjà fait et parce que la Reine Bey me laisse souvent ambivalent. Je trouve son hypersexualisation d’un goût douteux ; elle incarne, à sa façon, les excès du rêve américain, avec sa valeur financière de 800 millions de dollars, selon le magazine Forbes. À laquelle il faut ajouter celle de son conjoint Jay-Z.

À mon humble avis, la musique de la diva a été souvent inégale, bien que commercialement rentable et très appréciée. J’ai longtemps préféré sa sœur cadette, Solange, plus introspective et innovatrice musicalement.

Mais voilà : Beyoncé a un impact énorme sur les femmes et sur les communautés noires aux États-Unis… et ailleurs. Elle symbolise la liberté féministe assumée, sans retenue, qui incarne le résultat de beaucoup de travail. 

Il faut ajouter qu’au niveau musical, la dame devient de plus en plus audacieuse. D’abord avec son album en spectacle Homecoming au festival de Coachella (2019), où les cuivres étaient mis en valeur avec des arrangements innovants. Et puis avec Renaissance (2022), une ode sophistiquée aux musiques dansantes de la planète. 

Avec Cowboy Carter, Beyoncé s’est amusée à nous enfumer à travers les réseaux sociaux : elle nous a fait croire à l’arrivée d’un album country, ce qui a provoqué instantanément des débats dans la société  américaine si polarisée. Une femme noire peut-elle être célébrée par l’élite de Nashville et être diffusée dans les stations de radio country?

Par la suite, elle a modifié le tir : « ce disque n’est pas un album country, c’est un disque de Beyoncé. »  

En fait, Cowboy Carter est un album de musique americana et soul, qui contient des éléments de country. Plus précisément, c’est un disque d’une femme qui a grandi dans le Third Ward à Houston au Texas, un quartier noir de classe moyenne qui entoure l’université de Houston, que j’ai eu l’occasion de visiter. Où ses habitants étaient ouverts à tous les styles de musiques et culture du Texas. 

Beyoncé voulait souligner la présence noire dans les musiques americana, particulièrement folk et country. Une présence qui est réelle : le banjo a été inventé par des noirs avant d’être approprié par les blancs. Johnny Cash a toujours dit qu’il avait grandi en écoutant de la musique gospel.

Vous savez quoi? Cowboy Carter est un excellent opus, malgré quelques longueurs et égarements. C’est un album concept, soigneusement élaboré, construit comme un casse-tête inclusif et une émission de radio. Et surtout, la voix de Beyoncé est très authentique, empathique. Forte. 

Ça commence sur American Requiem, un mélange de rock, de folk et de beats construit en collaboration avec Jon Batiste. Suivi d’une version harmonisée de Blackbird des Beatles, en compagnie des excellentes chanteuses : Tanner Adell, Britanny Spencer, Tiera Kennedy et Reyna Roberts. 

On trouve vingt-sept pistes dans cet opus. Nous n’allons pas toutes les décrire. Sachez qu’on entend Willie Nelson, Dolly Parton, des grandes icônes de la musique country, qui donnent une caution morale à Beyoncé, qui reprend par ailleurs l’emblématique chanson Jolene en donnant une touche plus féministe au texte.

Également le rappeur Shaboozey, la banjoïste-compositrice Rhiannon Giddens, la chanteuse pop Miley Cyrus, le compositeur Willie Jones et beaucoup d’autres.

On y entend du hip-hop, du folk, un air d’opéra du 18ᵉ siècle, une basse qui évoque Thundercat, des échantillonnages des Beach Boys et de Chuck Berry… et du country!  

Depuis une semaine, Cowboy Carter est devenu un objet culturel disséqué en long et en large par tous les médias américains. On le compare à Songs In The Key of Life de Stevie Wonder ou à Abbey Road des Beatles. On évoque même que cet album est une tentative de réconcilier les Américains divisés politiquement à travers la musique. 

De toute évidence, Beyoncé a réussi son coup et va continuer de s’enrichir. Pourrait-elle utiliser cet album à des fins plus politiques, en cette année électorale aux États-Unis ? Pour le moment, ce n’est pas clair. 

Toutefois, ne boudons pas notre plaisir : Cowboy Carter mérite d’être écouté. C’est le second disque d’une trilogie. Nous sommes déjà curieux de la suite. 

Tout le contenu 360

Domaine Forget 2025 | Le Winterreise de Schubert dans les doigts et dans la voix de Rachel Fenlon

Domaine Forget 2025 | Le Winterreise de Schubert dans les doigts et dans la voix de Rachel Fenlon

Virée classique 2025 | Composer pour l’octobasse: un défi de taille?

Virée classique 2025 | Composer pour l’octobasse: un défi de taille?

Festival des traditions du monde de Sherbrooke (FTMS): la diversité d’aujourd’hui, bien au-delà des folkores 

Festival des traditions du monde de Sherbrooke (FTMS): la diversité d’aujourd’hui, bien au-delà des folkores 

Virée classique| Le pianiste Martin Helmchen : passion et intensité jusqu’au bout des doigts

Virée classique| Le pianiste Martin Helmchen : passion et intensité jusqu’au bout des doigts

Virée classique | Orchestre de Jeux Vidéo : Quand Mère Nature rencontre carte mère

Virée classique | Orchestre de Jeux Vidéo : Quand Mère Nature rencontre carte mère

12e Virée classique de l’OSM expliquée par Marianne Perron | La nature sublimée par la musique

12e Virée classique de l’OSM expliquée par Marianne Perron | La nature sublimée par la musique

Virée classique | Le coup d’envoi au Stade olympique, plus qu’un buffet populaire

Virée classique | Le coup d’envoi au Stade olympique, plus qu’un buffet populaire

Présence autochtone | Native Mafia Family, pionnier du hip-hop innu

Présence autochtone | Native Mafia Family, pionnier du hip-hop innu

Virée classique | Obiora : Concert-festin pour les yeux et les oreilles de toute la famille!

Virée classique | Obiora : Concert-festin pour les yeux et les oreilles de toute la famille!

Vendredi sur Mer – Malabar Princess

Vendredi sur Mer – Malabar Princess

Tommy Crane/David Binney – The Isle

Tommy Crane/David Binney – The Isle

Présence autochtone | Forestare : la force tranquille de la musique et des valeurs

Présence autochtone | Forestare : la force tranquille de la musique et des valeurs

Orford 2025 | Stick&Bow, hommage aux transgresseurs

Orford 2025 | Stick&Bow, hommage aux transgresseurs

Curtis Nowosad – I am doing my best

Curtis Nowosad – I am doing my best

George Crotty Trio – Heart Music

George Crotty Trio – Heart Music

Quatuor Bozzini – Owen Underhill : Songs and Quartets

Quatuor Bozzini – Owen Underhill : Songs and Quartets

Tina Leon – Push & Pull

Tina Leon – Push & Pull

Sean Clarke – A Flower for my Daughter

Sean Clarke – A Flower for my Daughter

English National Opera Orchestra/Martyn Brabbins – Havergal Brian : Agamemnon; Sinfonia tragica; Symphony no 12

English National Opera Orchestra/Martyn Brabbins – Havergal Brian : Agamemnon; Sinfonia tragica; Symphony no 12

The Curious Bards – Sublimation : Songs and dances from 18th-century Scandinavia

The Curious Bards – Sublimation : Songs and dances from 18th-century Scandinavia

Ensemble Masques/Olivier Fortin – Bach, Telemann & Albinoni: Concerti

Ensemble Masques/Olivier Fortin – Bach, Telemann & Albinoni: Concerti

Quinton Barnes – Black Noise

Quinton Barnes – Black Noise

François Leleux/Lisa Batiashvili/Frankfurt Radio Symphony – Future Horizons

François Leleux/Lisa Batiashvili/Frankfurt Radio Symphony – Future Horizons

Nate Mercereau · Josh Johnson · Carlos Niño – Openness Trio

Nate Mercereau · Josh Johnson · Carlos Niño – Openness Trio

Inscrivez-vous à l'infolettre