Pourrait-on ici parler de musique Umami, du nom de la cinquième saveur de base, en alimentation? Je pense qu’on peut qualifier Night Reign, d’Arooj Aftab de « savoureux » et complexe.
Le quatrième album de la Pakistanaise devenue Brooklynoise s’inscrit davantage dans la veine de Vulture Prince (2021), que dans celle de Love in Exile (2023) en trio avec le pianiste Vijay Iver et le multi-instrumentiste Shazad Ismaily. Nous sommes de retour dans un format davantage chansonnier, avec moins de longues pièces improvisées.
Mais un fois cela dit, Night Reign est rempli de pépites musicales, menées par la voix suave et complexe d’Arooj Aftab, qui nous plonge dans des atmosphères tantôt lumineuses, tantôt plus sombres, parfois méditatives. Alternant aussi subtilement entre des influences pakistanaises traditionnelles et des tonalités plus occidentales, folk, jazz et un soupçon de pop.
Whiskey est certainement la pièce la plus proche d’une chanson pop, évoquant une nuit d’amour trop arrosée. On entend également une version à peine reconnaissable d’Autumn Leaves, la version anglophone des Feuilles Mortes, composée par Joseph Kosma sur un texte de Jacques Prévert, avec accompagnement de percussions et de contrebasse, suivi d’un solo de piano improvisé de James Francies.
La plupart des morceaux sont toutefois chantés en ourdou, la langue principale du Pakistan et de l’Inde musulmane. On entend entre autres deux textes de Mah Laqa Bai Chanda, la première femmes poète de l’histoire de ce pays. La structure des chansons laisse presque toujours une place à l’improvisation, ce qui offre beaucoup de richesse instrumentale pour nos oreilles.
Il faut le dire : on entend d’excellents musiciens sur Night Reign, qui sont totalement au service d’Arooj Aftab, qui compose et arrange presque tout. Gyan Riley et Kaki King aux guitares, Linda May han Oh et Petros Kampanis aux contrebasses, la formidable harpiste Maeve Gilchrist, Joel Ross au vibraphone, Vijay Iver au piano. Entre autres. Alternativement.
Je vous le répète: tout cela est savoureux et complexe. Ça se déguste comme un bon vin, en faisant passer cette musique par toutes nos papilles auditives.
Arooj Aftab n’a que 39 ans. J’ai hâte de voir où elle nous amènera la prochaine fois. Entretemps, sa tournée prévue pour promouvoir Night Reign ne s’arrête pas à Montréal, du moins pas pour l’instant. Espérons qu’il y aura de nouvelles dates annoncées.