Après un long silence discographique (ceci excluant le projet collaboratif Planetarium avec Nico Muhly, Bryce Dessner et James McAlister), Sufjan Stevens ne revient pas par la porte principale de son édifice. Il a préféré la porte du garage où il œuvre avec son beau-père Lowell Brams. Ce dernier fut le conjoint de sa défunte mère et celui à qui il doit les premières étincelles de sa passion pour la musique et sa vision exceptionnelle. Lowell est celui-là même qu’on retrouve mis en scène parmi les souvenirs de Sufjan si bellement évoqués dans l’opus consacré à son deuil de sa maman, justement intitulé Carrie and Lowell.
Rappelons que cette relation entre Sufjan Stevens et Lowell Brams les a menés à fonder le label Ashtmatic Kitty en 1999. Et voilà que le beau-père et le beau-fils se paient un trip de studio douze ans après avoir lancé l’opus Music for Insomnia, signé Lowell, mais auquel Sufjan avait collaboré étroitement. Depuis, tous deux ont poursuivi leur collaboration créative et en voici le chapitre le plus récent.
Sauf exception (The Runaround), nous avons droit à 21 pièces sans paroles, généralement de courte durée. À une courte-pointe, en fait : la somme de ces miniatures constitue une vaste fresque, essentiellement électronique. Les directions esthétiques empruntées illustrent à la fois les univers de chacun et le terrain d’entente choisi. Fondus de musique classique moderne et de musique sacrée, chœur planant de voix féminines filtrées et mixées avec des sons de synthèse, ambient, krautrock, improvisations aléatoires, drones…
Au chapitre des sources d’inspiration de ce projet, Sufjan Stevens cite la new age en général, l’Irlandaise Enya, le duo écossais Boards of Canada, les bandes originales de Blade Runner (Vangelis), Under The Skin (Mica Levi) et Hereditary (Colin Stetson), sans compter cet hommage étrange à Raymond Scott, fameux compositeur américain que Carl Stalling adapta pour les dessins animés (Bugs Bunny, etc.). Sur la page Bandcamp de cet album, un article de John Colpitts (ami musicien de la famille) établit d’autres liens esthétiques avec les célèbres compositeurs des années 70 et 80 : John Carpenter, Wendy Carlos, Mike Oldfield…
Ce collage intégré n’a rien de génial pour autant. Du début à la fin, on explore des avenues archi-connues, demeurent ces impressions de redondance, références surévaluées, fausses pistes. Convenons que le beau-père et le beau-fils ont œuvré en harmonie. À n’en point douter, on les imagine heureux dans ce processus créatif qui les rapproche. Tant mieux pour eux. Tant mieux pour nous ?