Quelque part au sud du Nigéria, vers la fin des années cinquante, le jeune Alhaji Waziri Oshomah allait assister en cachette, aux concerts que donnaient les orchestres locaux reprenant les succès de « highlife », un genre très en vogue dans la région à l’époque. C’est que ses parents, qui étaient de très pieux musulmans, croyaient que cette musique l’éloignerait du droit chemin. Ne pouvant réfréner sa passion, le garçon fonda ses premiers groupes et se mit à se produire sur les planches à son tour, au grand dam de ses parents qui finirent par le renier. Plus tard, en prenant conscience de la ferveur religieuse qui animait son répertoire, ils renouèrent toutefois avec lui.
L’étiquette Luaka Bop – dont le fondateur est David Byrne des Talking Heads – fait aujourd’hui paraître l’anthologie The Muslim Highlife of Alhaji Waziri Oshomah, troisième volet de sa série World Spiritualité Classics qui est consacrée à des œuvres d’inspiration religieuse. Cette compilation regroupe des pièces composées du milieu des années soixante-dix jusqu’au milieu de la décennie suivante. Elle nous permet de découvrir un univers musical fort original, tenant à la fois des rythmes highlife, des musiques traditionnelles nigérianes et de la pop occidentale, puisque les sonorités électroniques y abondent. Ces morceaux chaloupés pouvant être très amples, d’après nos standards – la chanson la plus longue fait près d’une vingtaine de minutes –, s’échafaudent à partir de motifs rythmiques répétitifs, autour desquels brodent des guitares cristallines et des synthés cosmiques. Des interventions jazzées provenant d’une trompette ou d’un saxophone colorent le tout de bien belle façon.
Une autre composante essentielle des compositions d’Alhaji Waziri Oshomah réside dans le discours religieux qu’elles véhiculent. Qu’ils soient chantés en anglais, en langue etsako ou en d’autres dialectes, ces textes témoignant de la foi que l’artiste a héritée de ses parents. Le Nigéria étant un pays où plusieurs confessions cohabitent, le message du chanteur en est cependant un d’ouverture. À défaut d’être compris par tous, les mots récités par le musicien et son épouse – qu’on peut entendre sur la dernière pièce de cette collection – s’adressent à tous celles et ceux que les rythmes irrésistibles qui les portent peuvent faire danser.