« DADA resurgit toujours, d’une manière ou d’une autre, chaque fois que s’accumule trop de bêtise », écrivait en 1924 l’artiste Kurt Schwitters à propos du dadaïsme, un mouvement artistique international et engagé, né lors des conflits de la Première Guerre mondiale. Un siècle plus tard, Trees Speak joue avec le hasard et redonne vie à Ghost before breakfast (Vormittagsspuk), un court-métrage réalisé en 1928 par le peintre, sculpteur et cinéaste allemand Hans Richter et censuré par le régime nazi à la fin des années 30 pour cause d’« entartete kunst », c’est-à-dire d’art dégénéré. Inspirée par la musique avant-gardiste des compositeurs John Cage et Karlheinz Stockhausen, l’ambiance angoissante et sens dessus dessous du titre Zeitgeber fait surgir l’idée d’une horloge interne déréglée et anticipe le rythme effréné des changements environnementaux à venir, face à l’absurdité d’un monde en train de s’autodétruire où d’étranges machines, dont on ne comprend pas très bien le fonctionnement, abîment les corps et les consciences. On devine que l’homme moderne est devenu un robot détraqué par les innovations technologiques qu’il a lui-même créées, comme un assemblage raté d’éléments qui ne parviennent pas à fonctionner ensemble, telle une créature chimérique entre le monde mécanique et le monde naturel. Face aux machines de destruction massive, ce joyeux désordre dadaïste, à la fois étrange et mystérieux, prouve que même les objets du quotidien pourraient bien se révolter contre l’embrigadement de l’ordre établi. Souvenons-nous des mises en garde de Tristan Tzara : « Je détruis les tiroirs du cerveau, et ceux de l’organisation sociale. – Méfiez-vous de DADA. »
krautrock