Off Jazz : pour le pianiste Andrés Vial, « le jazz est hybride au départ »

Entrevue réalisée par Varun Swarup
Genres et styles : jazz

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Andrés Vial est un pianiste, multi-instrumentiste et compositeur bien établi à Montréal. Incontournable de la scène créative montréalaise, Andrés se produit fréquemment au festival Off Jazz. Cette année, il revient avec deux spectacles qui s’annoncent remarquables : l’un avec son propre quintette et l’autre dans le cadre d’une collaboration spéciale avec le batteur Joe Chambers.


PAN M 360 : Merci beaucoup, Andrés, de nous accorder du temps. Il semble que vous ayez un concert à l’Off Jazz très excitant cette année. Cela doit être agréable de revenir sur le circuit des festivals. Diriez-vous que l’Off a quelque chose de spécial cette année, à la lumière de tout ce qui s’est passé depuis 2019?

Andrés : Merci de me poser la question! Les dernières éditions de l’Off étaient hybrides ou virtuelles, donc je pense que cette année est particulière pour toutes les personnes impliquées. Elle l’est certainement pour moi, car je n’ai pas joué au festival depuis octobre 2019 et, cette année, je vais pouvoir me produire avec mon mentor, Joe Chambers.

PAN M 360 : La musique que vous présentez avec votre quintette, cette année, explore les idiomes folkloriques et rythmiques d’Afrique de l’Ouest et d’Amérique du Sud. S’agit-il d’une nouvelle orientation pour vous ou d’un élément qui a toujours fait partie de votre musique?

Andrés : Ce n’est pas une direction entièrement nouvelle pour moi. J’ai eu la chance de pouvoir collaborer avec des musiciens renommés d’Afrique de l’Ouest, des Caraïbes et d’Amérique latine depuis des décennies, comme Bassekou Kouyate du Mali, Malika Tirolien de Guadeloupe, Janet Valdés et Obsesión de Cuba. Et ma famille est originaire d’Argentine et du Chili, donc j’ai entendu beaucoup de musique sud-américaine en grandissant. Depuis 2015 environ, je n’ai cessé d’intégrer des éléments du folklore sud-américain dans mes compositions originales, ainsi que d’ajouter des pièces de compositeurs sud-américains à mon répertoire de piano jazz (solo et trio).

La musique originale que je présente à l’Off Fest cette année a été écrite et arrangée en pensant à des musiciens précis, originaires d’Afrique occidentale et centrale, d’Amérique du Sud, des Caraïbes, des États-Unis et du Canada : Mamadou Koita, Elli Miller Maboungou, Vovo Saramanda, Michael Davidson, Tommy Crane, Ira Coleman, Martin Heslop, Caoilainn Power et Joe Chambers.

PAN M 360 : Trouvez-vous que l’idiome « jazz » est facilement assimilable à la musique d’autres cultures?

Andrés : Le jazz est une musique hybride au départ. Comme beaucoup d’autres traditions musicales du Nouveau Monde issues de la diaspora africaine, le jazz a toujours incorporé des éléments de musique africaine, européenne et locale. Bien sûr, selon l’époque, le lieu et les circonstances spécifiques, l’étendue de ces différentes influences peut varier considérablement.  

PAN M 360 : Avez-vous eu de nouvelles épiphanies ou découvertes en travaillant sur ce projet, peut-être quant à l’unité de tous les sons et de toutes les choses?

Andrés : Sans aucun doute. J’ai immédiatement ressenti un sens unifié de l’objectif exprimé par le groupe. Ce sont tous des musiciens tellement sensibles que je pouvais vraiment entendre à quel point chacun s’écoutait et s’adaptait aux autres et au flux de la musique. Je pense que tout se résume toujours à la façon dont les musiciens se comportent les uns envers les autres, personnellement et musicalement. Comme nous évoluons tous dans la grande sphère de la musique noire, il a été assez facile d’être rapidement sur la même longueur d’onde. Il y a beaucoup de points communs dans notre façon d’aborder le jeu d’ensemble, l’improvisation, la polyrythmie et ainsi de suite, mais il y a aussi quelques différences notables qui nous ont obligés à nous adapter pour mieux servir la musique. Nous avons tous été tirés hors de notre zone de confort à certains moments, puis avons pu partager des aspects de sa propre culture et de ses connaissances musicales avec les autres. Cela a vraiment été un cadeau.

PAN M 360 : J’aimerais en savoir plus sur votre travail avec Joe Chambers. Comment cela s’est-il produit et quelle est la nature exacte de votre ensemble?

Andrés : J’ai vu Joe se produire au Upstairs et donner un cours de maître à McGill vers 1999 ou 2000. C’était une expérience tellement forte que j’ai décidé d’auditionner à la New School de New York, pour pouvoir étudier avec lui. J’ai joué du vibraphone dans son Jazz Percussion Ensemble pendant un an, ce qui était formidable, et nous avons joué beaucoup de compositions que Joe avait apportées à l’ensemble de percussion M’BOOM de Max Roach, dont il était un membre essentiel.

Vingt ans après, en mai 2022, je me préparais à enregistrer un album de ma propre musique originale pour ensemble de percussion, et je lui ai envoyé un courriel pour lui demander s’il aimerait y jouer. Il a accepté! Il est venu à Montréal pendant trois jours et nous avons enregistré l’album. C’était une expérience extraordinaire. Environ un mois plus tard, il m’a appelé pour me demander si je voulais travailler avec lui sur son nouvel album Blue Note! J’ai fini par jouer du piano sur trois titres, contribuer à deux de mes compositions originales – Dance Kobina et City of Saints – et coproduire l’album.

Notre ensemble codirigé comprend des musiciens qui figurent sur nos deux prochains albums. Pour notre concert à l’Off, nous jouerons surtout des compositions originales, ainsi que quelques standards.

PAN M 360 : Comment avez-vous vécu le fait de travailler avec une personne directement liée à l’histoire du jazz?

Andrés : C’est un rêve devenu réalité, à bien des égards. J’ai tellement appris en jouant avec lui. C’est l’un des meilleurs musiciens d’ensemble de tous les temps. Son niveau de groove et de swing, sa gamme dynamique, son toucher, sa capacité télépathique à se connecter avec tout le monde dans le groupe… et c’est un si grand compositeur. Joe a eu 80 ans cette année; sa contribution à cette musique est remarquable et s’étale sur sept décennies! C’est parfois surréaliste, surtout pour moi et les autres jazzmen du groupe. Personnellement, il n’y a rien de plus gratifiant que d’entendre un mentor dire qu’il aime votre jeu de piano et vos compositions, puis qu’il veut que vous rejoigniez son groupe. Cela a vraiment été un honneur de travailler avec lui.

PAN M 360 : Peut-on s’attendre à la sortie d’un album prochainement? Y a-t-il quelque chose d’emballant à l’horizon, un truc que nous devrions surveiller?

Andrés : L’album d’Andrés Joe, Dance Kobina, sortira sur Blue Note Records le 3 février. Mon album Spirit Takes Form, avec Joe et plusieurs des musiciens susmentionnés, sortira probablement à l’automne 2023.

PAN M 360 : Merci encore pour votre temps, bonne continuation Andrés.

Andrés : Merci Varun!

L’Andrés Vial Quintet se produit le jeudi 13 octobre à midi, au Musée des beaus-arts de Montréal

L’ensemble Joe Chambers-Andrés Vial se produit le samedi 15 octobre à 20 h, au théâtre Plaza

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