Louise Attaque : à l’écoute des Terriens

Entrevue réalisée par Luc Marchessault
Genres et styles : folk-rock / pop de chambre / pop-rock

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Dans l’univers de la musique dite pop, sans égards aux frontières, Louise Attaque est sans doute le seul groupe culte qui réussit à le demeurer tout en devenant de plus en plus grand public. Le geste artistique de Louise Attaque, fébrile au début, devient au fil des albums plus posé et plus englobant, dans le son et les textes. C’est donc dire que Robin Feix, Arnaud Samuel et Gaëtan Roussel continuent, après plus d’un quart de siècle, à créer de la pop de qualité sans faire de surplace. Pan M 360 a pu discuter de tout ça avec Arnaud et Gaëtan (et Robin pour les deux dernières minutes de l’entrevue!) à l’occasion de la sortie de Planète Terre, cinquième album de Louise Attaque.

Pan M 360 : Bonjour, Arnaud et Gaëtan, Robin n’est pas des nôtres?

Arnaud : À mon avis, il va récupérer le truc en marche.

Gaëtan : C’est le décalage horaire.

Arnaud : Le décalage horaire de Paris. D’un arrondissement à l’autre, il y a au moins trois heures!

Pan M 360 : Je suis heureux de vous parler! Et très content d’avoir un nouvel album de Louise Attaque à écouter.

Arnaud et Gaëtan : Merci!

Pan M 360 : Planète Terre commence fort avec Sortir de l’ordinaire, un hymne humaniste où on entend Arthur Revé, un jeune musicien breton, nous faire un formidable solo de piano.

Gaëtan : Tout à fait, grâce à notre producteur originel, Marc Thonon. Refaisons un tout petit bout de l’historique du disque. Arthur est arrivé presque à la fin du processus. On savait qu’il y aurait une plage musicale à occuper, une fois que nous aurions fini de nous exprimer par nos instruments (la basse, le violon, la voix et ainsi de suite). On a démarché auprès de diverses personnes, par l’entremise de deux directeurs artistiques, Sylvain Taillet et Marc Thonon. C’est ce dernier qui nous a présenté Arthur Revé. On croyait qu’il y aurait un orchestre, mais il n’y avait qu’Arthur, qui nous a fait ce magnifique solo de piano.

Pan M 360 : Ce solo m’a rappelé celui de Mike Garson sur Aladin Sane de David Bowie. Et Arthur a aussi coréalisé et arrangé cette pièce?

Gaëtan : Disons qu’à travers sa proposition de piano on a estimé, à raison, qu’Arthur devenait arrangeur de ce titre-là. Il faut être, comment dire, précautionneux lorsque quelqu’un apporte quelque chose. Ce n’était pas une composition, puisque la chanson existait, elle se tenait. Par contre, c’était plus qu’un musicien qui passe et qui joue d’un instrument. Le piano est une pièce maîtresse dans ce titre, donc la mention d’arrangeur et de coréalisateur allait de soi.

Pan M 360 : Je parlais d’humanisme plus haut. De vos débuts en 1997 à aujourd’hui, l’urgence adolescente a graduellement fait place à une sorte d’humanisme, d’altruisme ou de bienveillance, du moins dans vos textes. Ça s’est fait naturellement?

Gaëtan : Ah oui. Les premiers textes avaient été écrits par un garçon – à savoir moi-même – de 22, 23 ou 24 ans. On dit qu’on n’est pas sérieux à 17 ans; j’ajouterais qu’on ne l’est pas non plus à 23. Pas sûr qu’on le soit à 50. On a fait différentes chansons avec les camarades de Louise Attaque, puis ailleurs. J’ai continué à écrire me confrontant à d’autres musiques et à d’autres personnes. Et pour des disques solos. Tout ça fait avancer. Et si aujourd’hui il y a ce mot , « humaniste », qui ressort, et cette démarche d’observer en espérant que les gens s’y retrouvent, c’est tant mieux. Notre premier métier est de faire de bonnes chansons. Ensuite, ce format peut exprimer des choses musicalement et dans les textes. Et dans ceux-ci, vous avez raison, il y a des choses de l’ordre de ce qui nous arrive en société, il y a des thèmes. Sortir de l’ordinaire en est un. Donc pour moi, et Arnaud pareil, je crois, c’est un compliment. Tant mieux si on ne tourne pas en rond.

Arnaud : À chaque album, on a essayé de faire quelque chose de différent. On connaît et on préserve notre ossature et notre ADN. On essaye d’aller dans d’autres directions. Sur ce nouvel album, c’était en s’ouvrant à d’autres arrangeurs et à des gens de l’extérieur. On essaye de ne pas reproduire le même schéma à chaque fois. Puis, l’écriture de Gaëtan évolue, elle tente de dire des choses différentes à chaque album. La forme est différente aussi. Sur Anomalie, par exemple, les textes étaient plus denses. Sur Planète Terre, on a plus l’impression de retrouver une histoire en onze chapitres. Vous voyez ce que je veux dire.

Pan M 360 : Oui, un peu comme un album concept. Ou, du moins, quelque chose de plus cohérent qu’un simple recueil de chansons éparses. Musicalement, le « frénétisme » de vos débuts s’est muté en quelque chose de plus paisible. Sans que l’énergie initiale semble dissoute là-dedans. Le folk-rock anguleux est devenu plus harmonieux, si je puis dire. Moins fiévreux, plus réconfortant. Sauf la pièce Dézipper, où ces deux éléments alternent!

Gaëtan : C’est vrai, c’est sans doute moins fiévreux. Et tant mieux si c’est plus réconfortant! Ce qu’il faut, c’est que ça raconte quelque chose. Ce que j’entends dans ce que vous dites, c’est qu’il n’y a pas de crise de jeunisme. Tant mieux si on reste connectés, si on n’a pas de recette mais qu’on nous reconnaît quand même. Si les gens sont tentés de tendre l’oreille parce qu’ils aimaient bien les chansons d’hier, alors il y a tous les ingrédients pour qu’on les garde avec nous du mieux qu’on peut. Toujours en essayant de faire les choses à notre manière. Je crois qu’il y a énormément de choses dans ce disque, encore plus que ceux d’avant. Il y a tout ce qu’on fait à côté et tout ça. Ça ressemble à la pochette (NDLR : la « mascotte » Louise) : elle a évolué, elle est moins fiévreuse, comme vous le disiez, moins anguleuse. Parce qu’à l’origine elle était dessinée plus rapidement. Elle est moins « créature » et plus réconfortante parce que plus humaine dans son regard. Et plus chaleureuse parce qu’en 3D; une infographiste nous a aidés à la transformer. Il n’y a qu’Arnaud qui n’est pas plus humain qu’avant!

Pan M 360 : Mais son archet est aussi vif!

Arnaud : Ah, mais il faut, d’autant plus qu’il y a la crise du pernambouc (NDLR : bois qui sert à confectionner les archets)! C’est vrai que pour la pochette, comme vient de le dire Gaëtan, il y a un rapprochement entre la Louise de 2022 et le son actuel du groupe. Robin, qui est notre bassiste et graphiste, cite souvent en exemple le lien entre le son et la représentation picturale. Sur ce nouvel album, pour revenir à ce que vous disiez tout à l’heure, on voit que cette Louise est plus posée, moins grifouillée et plus humaine. Et peut-être plus belle.  La musique elle-même est plus posée aussi. On a élargi le spectre musical, on a l’impression que l’album est plus large quant au son. On voulait que ce soit plus ample et on a fini par y parvenir, avec l’aide des arrangeurs et du mixeur. Nous sommes à l’écoute des Terriens!

Pan M 360 : Vous êtes allés chercher un arrangeur très doué, Rémy Galichet, pour les de cordes et les cuivres sur plusieurs chansons. Sur Mon cher, aujourd’hui ma chère, c’est proprement spectaculaire. C’est beau du Louise Attaque orchestral, presque symphonique!

Arnaud : Au tout début de ce morceau, la musique le permettait un peu, étant donné le riff de violon assez dynamique et vif. Et une caisse claire assez présente, en mode cavalerie. Ensuite, on a essayé d’accentuer cet aspect « cavalerie » et Rémy l’a compris tout de suite.

Gaëtan : On avait quelques références, il en faut toujours, comme point de départ et pour aboutir là où souhaite. Cette fois-ci c’était Vampire Weekend ou Last Shadow Puppets, qui travaillent toujours leurs chansons pop de manière à les rendre un peu symphoniques. On avait cette envie. Ça nous permettait aussi des regarder des choses qu’on n’avait pas faites, d’accepter des ajouts de l’extérieur qui allaient nous modifier, puis nous permettre de livrer un disque différent.

Pan M 360 : Et c’est très réussi. L’évolution de Louise Attaque réside aussi dans l’intégration d’éléments synthétiques, je crois. Tchad Blake au mixage, c’est une première pour vous. Vous songiez à cette collaboration depuis longtemps?

Gaëtan : On y pensait depuis le départ. On s’était dit que, si on arrivait à écrire nos chansons dans le temps imparti (on s’était donné un nombre de jours), alors on avancerait avec notre batteur Nicolas Musset, dans un studio, avec des prises un petit peu plus amples. On avait Tchad Blake comme point de mire parce que son travail nous plaît depuis le début, ce qu’il a fait avec les Arctic Monkeys, U2 ou Los Lobos. Il a énormément d’input dans le mixage, au-delà d’un mixeur qui ne ferait que balancer les pistes; Tchad propulse les choses, c’est de l’ordre de la réalisation. Il a vraiment quelque chose de très incisif. Lui livrer nos pistes comme ça, avec certaines intentions, c’était prendre le pari qu’il entendrait ces intentions et les magnifierait. On n’a quasiment pas retouché les mixages (ce n’est déjà pas facile de retoucher les mixages de Tchad Blake), à part un peu plus de voix ici ou un peu moins de ci là. C’est vraiment l’un des éléments clés de cet album.

Pan M 360 : Ça sonne bien, je peux vous confirmer ça. Bonjour Robin!

Robin : Bonjour!

Pan M 360 : En terminant, je dois absolument vous demander si vous passerez nous voir au Québec bientôt. Aux Francos de Montréal de juin 2023, peut-être?

Gaëtan : C’est en discussion, j’ai vu passer des choses. C’est que des histoires de planification et autres possibilités. Mais on serait ravis, très sincèrement. On espère que ça va se faire.

Pan M 360 : Merci énormément Louise Attaque, longue vie à vous et à Planète Terre!

Photo : Pierre-Alban Hüe de Fontenay.

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