Les Voix du Vent avec cordes et piano : place au trad de chambre

Entrevue réalisée par Alain Brunet

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Dans la foulée de ses 20 ans d’existence, le vaisseau phare du trad québécois proposait il y a quelques semaines un enregistrement pour voix, cordes et piano dont l’objet est de donner une nouvelle vie à 11 chansons de son répertoire discographique : Les voix du vent.

L’orchestration des cordes et la réalisation ont été pilotées par Olivier Demers, de concert avec le pianiste classique Philippe Prud’homme.  Marie-Pierre Lecault violon, Émilie Brûlé, violon Josianne Laberge, alto et Sophie Coderre, violoncelle, ont pris part à cette aventure  immortalisée au studio Piccolo de Montréal par Ghyslain-Luc Lavigne.

Ainsi donc, pour amorcer sa troisième décennie, Le Vent du Nord fait dans le trad de chambre !

PAN M 30 :  Parlez-nous  de votre rencontre avec Philippe Prudhomme, qui a fait les arrangements de cet album. Philippe Prudhomme est plus un musicien classique, parfois même associé à la musique contemporaine… et cette fois à la musique traditionnelle.

NICOLAS BOULERICE : C’est un jeune artiste formidable qui a obtenu  son doctorat en musique.  Je pense qu’il fait partie des jeunes artistes de la relève particulièrement talentueux. Il se distingue à plusieurs niveaux, entre autres parce qu’il y a un amour profond et sincère des musiques traditionnelles du Québec, ce qui est quand même assez rare pour les grands artistes de musique contemporaine ou classique.

PAN M 360 :  C’est normal un peu, parce que l’univers harmonique des musiques traditionnelles est relativement restreint. L’objet de la musique traditionnelle n’est pas tant de trouver des harmonies complexes mais plutôt d’actualiser le passé.

NICOLAS BOULERICE : Exactement. En musique traditionnelle, on essaie de ne pas trouver d’harmonies complexes. On essaie d’être le plus simple possible pour permettre aux textes, aux histoires, à ce plaisir contagieux de toucher le plus de monde possible. Je ne veux pas parler pour Philippe Prudhomme, mais je pense qu’il voit dans la chanson traditionnelle plus qu’une mémoire, il y voit aussi une grande poésie. Aussi amoureux de la chanson française, il  m’a dit :« On a rarement eu l’occasion de jeter un regard sur le trad comme une musique de littérature populaire. » Ce qui est beau et touchant, parce que finalement, lui, avec ses repères complètement autres que les miens, a trouvé dans ce répertoire de quoi se mettre sous la dent. Même qu’ il a dit au lancement qu’on a fait à Saint Antoine-sur-le-Richelieu, il a dit : « Moi, j’aurais envie de me donner le défi dans la vie de faire en sorte que mon travail puisse mettre en valeur la chanson traditionnelle, la musique traditionnelle du Québec. » Je trouve ça très touchant parce qu’il l’a pris un peu sur ses épaules. Moi, ça fera ça mon devoir.

PAN M 360 : Touchant et rarissime.

NICOLAS BOULERICE : De grands artistes de la musique, des Russes entre autres, qui ont puisé dans le répertoire traditionnel de leur pays pour essayer de faire valoir tout ça. Au Québec, il y en a eu quelques exemples, mais assez peu. C’est donc ce que Philippe tente de faire avec nous, ce qu’il a fait aussi avec Simon Baudry, parce qu’ils ont d’abord fait un disque en duo, les gars, Chansons noires et blanches, voix piano, un truc beaucoup plus sobre et dénudé. Et puis, cette idée de chanson française, de chanson traditionnelle qui s’était déjà rencontrée. Nous, on a eu la première affaire, la première étincelle, c’était de faire un disque de répertoire du Vent du Nord, d’aller rechercher dans tous nos albums des pièces qu’on n’a pas fait nécessairement sur d’autres types de compilation pour aller fouiller ailleurs et de les arranger autrement. Là, on s’est dit une chose qu’on se fait dire… En fait, on se fait dire deux choses dans nos spectacles en général depuis toujours, c’est « Maudit que vous avez l’air d’avoir du fun. » Puis, « Vos voix, les voix sont vraiment intéressantes, elles sont très belles. »

PAN M 360 :  Vous avez vraiment acquis une grande expertise dans l’exécution !

NICOLAS BOULERICE : Ben.. il semble que ça touche des gens! Puis là, on s’est dit « On pourrait faire un truc a cappella qui nous mènerait ailleurs et qui  toucherait les gens. »  On s’est dit alors « Pourquoi on n’irait pas faire un travail avec quatuor à cordes (Marie Pierre Lecault, Émilie Brûlé, Josianne Laberge, Sophie Coderre), des musiciennes avec qui on a joué sur plusieurs projets? Nous, qui formons un groupe de gars, on peut enfin pouvoir essayer de travailler sur un projet plus paritaire. On trouvait quand même qu’il manquait quelque chose. » C’est là qu’on a pensé à Philippe. On s’est dit « Pourquoi on ne fait pas carrément une rencontre entre la musique classique et la musique populaire ?” Puisque nous sommes curieux, nous adorions déjà ouvrir notre musique en faisant des rencontres avec le jazz ou même la musique du Moyen Orient, nous aimons nous frotter à des artistes qui pensent autrement, qui viennent d’autres milieux. 

PAN M 360 : Votre curiosité et votre ouverture vous servent une fois de plus.

NICOLAS BOULERICE : Alors, on s’est dit « Allons-y vers la musique classique ». Et puis Olivier (Demers), qui avait fait des arrangements de cordes sur quelques projets, s’est dit « Moi, je vais relever le défi d’orchestrer vraiment des cordes pour tout le disque et de travailler avec Philippe  pour voir les arrangements du piano, comment pourrait s’associer, s’arrimer aux arrangements de voix d’abord, puis à ceux du quatuor à cordes. » Philippe et Olivier ont donc travaillé ensemble. Pour donner, je lève mon chapeau à Olivier à plusieurs reprises depuis le début de notre concert de conversation, parce que c’est vraiment lui qui a arrangé tout ça. Les voix, c’était nous, mais le travail des cordes est celui d’Olivier. Et là, ça a été celui de trouver le répertoire, d’aller chercher des chansons qui vont se fondre à cette idée.  Il fallait voir s’il y avait assez de contenu pour y changer le contenant sans déformer l’histoire, le propos. Alors ça fait un disque qui est, encore une fois, que je trouve super joli, super touchant. On nous fait des commentaires  comme celui-ci : « J’ai soudainement beaucoup de place à l’écoute des textes, des histoires » et c’est ce qu’on voulait. On voulait que la musique porte autrement ces histoires.

PAN M 360 : Donc, vous avez évacué vos propres instruments sauf vos voix et vous avez pris un quatuor à cordes avec piano, quintette en quelque sorte.

NICOLAS BOULERICE : Ça  devient un « dixtuort », une bête à deux têtes, soit un quintette de voix avec quatuor à cordes et piano. On est dix sur scène et on était dix aussi à l’enregistrement. Nous nous étions disposés en rond (sauf le piano évidemment), nous nous étions mis tous ensemble pour enregistrer en direct. Donc, ce que vous entendez, c’est vraiment le groupe qui joue et qui chante en même temps. C’était le défi de faire ça pour que ça ne soit pas un collage, mais vraiment une réelle rencontre humaine. Ça fait que cet enregistrement est très vivant. Si la piste n’était pas bonne, on la recommençait au complet. Ça a alors  été un beau travail et ça a été super vite. On pensait que ça allait nous prendre vraiment plus de temps, et puis finalement on était prêts !

PAN M 360 : On peut dire que c’est de de la musique traditionnelle de chambre, en somme

NICOLAS BOULERICE : On a toujours dit que la musique du Québec, c’était de la musique de cuisine, alors on défait le mur entre la cuisine et et la chambre et puis on a fait un grand salon ! (rires). 

PAN M 360 : On trouve dans ce répertoire des pièces originales et des traditionnelles.

NICOLAS BOULERICE : Absolument. Je suis bien content de retrouver Le dragon de Chimée ou  Amériquois ou encore Lettre à Durham, à qui on a donné un autre rythme, un autre souffle, ça nous fait plaisir de les ramener autrement. Il y a des chansons  plus rares comme Le soir arrive, qui est une pièce magnifique que Simon chante et qu’on n’avait jamais fait en spectacle, parce qu’on trouvait qu’il y manquait quelque chose alors que là, elle a absolument sa place, voire l’une des plus réussies de l’album.  Il y a une chanson qu’on est allé chercher de notre tout premier, C’est dans Paris, dont il y a eu plusieurs versions, dont une de La Bottine souriante. L’histoire est très touchante, une servante à qui on dit qu’elle doit rester à sa place et qu’elle ne peut s’extirper de sa condition. Moi, à chaque fois que je chante ça, j’ai des larmes aux yeux, c’est même pas une manière de parler, car c’est aussi un peu l’histoire de ma propre grand-mère qui a tenté d’échapper à la misère de son enfance et qui me chantait ça pour m’endormir. Adulte, je me suis rendu compte à quel point cette chanson était violente sous des allures de berceuse, j’aurais bien aimé qu’elle l’entende.

PAN M 360 : Et pourquoi le titre Riton est-il collé à C’est dans Paris? Fusion de deux chansons?
NICOLAS BOULERICE : Exactement. Benoît (Bourque, anciennement dans le groupe) avait écrit une espèce d’introduction à cette chanson. C’est lui qui l’avait nommée ainsi, une chanson qu’on a toujours trouvé jolie. Et puis bon, c’est une occasion aussi de faire un petit œil à Benoît dans le contexte d’un projet aussi rétrospectif, qui ne comprend que des chansons sorties auparavant. Pour nos 20 ans d’existence on ne voulait pas une compilation, on a plutôt fait l’album 20 printemps et Les voix du vent. On a 21 ans, en fait, et puis là on se donne la possibilité de faire vraiment un tour de notre répertoire mais avec un son complètement différent et dont certaines pièces n’ont pas tant été jouées tant en spectacle. Cet album pourra donc prendre vie sur scène.

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