L’électro swana de Deena Abdelwahed: syncrétisme, engagement, nouvelle norme

Entrevue réalisée par Salima Bouaraour
Genres et styles : électronique / Maghreb

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FIFA, MUTEK et la Société des arts technologiques, avec le soutien du Consulat général de France à Québec, présentent un plateau exceptionnel, ce vendredi 15 mars dans le Dôme de la SAT, d’artistes électroniques originaires d’Afrique du Nord et du Proche Orient (Tunisie, Liban). Soulignons au demeurant que cet événement s’inscrit dans le cadre du programme Regards de femmes en partenariat avec l’Institut du monde arabe, basé à Paris. 

Deena Abdelwahed est l’artiste phare de cette soirée, soit l’une des productrices et DJs les plus prometteuses de la scène électronique alternative depuis quelques années. Cette Tunisienne, installée à Toulouse depuis 2015, a produit de nombreux albums, encensés par les critiques, sur le sublime label parisien InFiné.

Entremêlant un corps musical électro, des basses profondes, des rythmes percutants ainsi qu’une enveloppe arabisante, Deena a su développer une identité sonore unique et novatrice. PAN M 360 a eu le plaisir de s’entretenir avec elle pour mettre en lumière son parcours, son code de création et sa perception de la scène en constante évolution

PAN M 360: Deena, ton parcours et ton ascension sur la scène électronique alternative sont remarquables car ton identité musicale et artistique sont totalement uniques. Que ce soit tes sélections musicales pour tes DJ sets que tes productions (EP, album), on ressent à travers tout cela un immense travail de recherche et de réflexion mais aussi ton individualité qui transparaît. Il est indéniable de constater que tu fais partie des personnalités féminines ayant un charisme hors-pair. Comment résumerais-tu ta carrière jusqu’ici?

Deena Abdelwahed:  Woah! Merci pour cette présentation très flatteuse! J’ai l’impression que je suis toujours à mes débuts encore! Même après 8 ans de tournée… et j’ai l’impression que c’est loin d’être fini. Dans tous les cas, je suis très reconnaissante des années passées et je remercie énormément les gens qui ont eu confiance en moi et qui m’ont aidé à aller de l’avant 🙂 Jbal Rrsas a décoincé des choses en moi. Depuis cet album, j’ai envie d’aller encore plus loin et de développer davantage les prestations en direct comme les tournées ou d’approfondir mes opinions politiques et philosophiques en lien avec la musique ainsi que d’acquérir de nouvelles compétences novatrices en création.

PAN M 360: Depuis 2017, tes sorties -Klabb, Khonnar, Dhakar, Jbal Rrsas, ayant connu un franc succès- se sont faites sur le label InFiné. C’est une étiquette extrêmement éclectique et célèbre -Carl Craig, Clara Moto, Murcof pour ne citer qu’eux- offrant un large spectre musical allant de la musique classique à la pop en passant par l’électro. Comment cette rencontre s’est faite entre vous?

Deena Abdelwahed: Rapidement! Je dirais même que c’était un coup de cœur ou peut-être un coup de chance aussi. Mon agente de tournée m’avait découverte et elle collaborait déjà avec InFiné. Ils ont demandé si j’avais des démos à leur faire écouter et l’EP Klabb est sorti.

PAN M 360: Une partie de ta beauté artistique provient de l’authenticité et de la sincérité de ton message à travers tes créations. Par exemple, Khonnar est une œuvre qui agit comme un manifeste, déclarant la guerre à la violence et à l’oppression imposées par les frontières, les règles migratoires et les législations répressives. En outre, on pourrait aussi souligner tes sélections musicales qui sont de même un message porté à valoriser la capacité de la communauté swana à explorer la modernité et la créativité en musique afin de sortir des clichés folkloriques, qui sont, certes un atout, mais qui peuvent aussi cloisonner. Comment pourrais-tu nous détailler davantage cet aspect de ton engagement ?

Deena Abdelwahed: Effectivement, je ne pourrais pas faire de la musique juste pour faire de la musique au vu de mon parcours de vie. Certes, je suis amoureuse de la musique club et de son innovation constante, néanmoins, au vue de mes expériences personnelles en terme de géopolitique en lien avec ma région, avec le fait que je suis fille d’immigrés tunisiens et évoluant dans le monde occidental, il est plus que naturel pour moi de puiser dans toutes ces influences pour composer, En outre, lorsque je recherche des morceaux pour mixer, c’est une grande source d’inspiration pour moi.  Sincèrement, ce n’est pas une voie facile que j’ai choisie car l’électronique a déjà son école et la musique orientale aussi. Cela nécessite du talent et de la patience pour détourner tout cela dans le but de développer mon univers musical et faire en sorte qu’il devienne, lui aussi à son tour, la nouvelle convention, la nouvelle norme.

PAN M 360: Tes prestations sont nombreuses en Europe et en Afrique du Nord: le Sonar Festival, les Dunes Electroniques en Tunisie, le CTM Festival à Berlin, Dekmantel à Amsterdam, le Dour festival de Belgique, le Lunchmeat Festival de Prague, sans compter des clubs tels que Feu-Concrete à Paris, le Berghain à Berlin, Mutabor à Moscou et plus récemment le Trabendo (Émission Arte Concert). Mutek t’a programmé à Mexico et Montréal (2023). Aujourd’hui, ce qui t’amène ici, à Montréal, est une collaboration entre Mutek et le FIFA en partenariat avec l’Institut du Monde Arabe (Paris). De quelle manière vas-tu approcher ton DJ set pour cette soirée?

Deena Abdelwahed: Je pense aborder ce DJ set d’une manière très personnelle, c’est-à-dire comme si j’étais chez moi! Lors de ma dernière prestation Mutek, je me suis très rapidement familiarisée avec le public. De plus, j’ai de nombreux amis ici. Cette fois-ci j’aimerais jouer un DJ set défiant, chargé, THICK.

Live at ARTE Mix O Trabendo 2023

PAN M 360: J’ai écrit, à l’automne 2023, un long reportage sur la scène électronique swana de Montréal qui est sous représentée en termes de programmation alors que la population représente le 2ème groupe des minorités visibles et le vivier d’artistes est foisonnant. Alors, cela tombe à pic que Mutek puisse offrir un plateau 100% artistes électroniques swana! Néanmoins, sur la scène internationale, nous avons pu constater une ascension et un dynamisme de nombreux.ses artistes sur la scène électronique. Comment perçois-tu tout cela en Europe ou à l’international?

Deena Abdelwahed: Je partage ton avis. Au vue de la situation en Europe ou à l’international, je constate qu’il y a plus de « visibilité ». De plus, les artistes arabes commencent enfin à déconstruire et à rétablir leur relation avec la musique arabe. Parfois par revendication, parfois pour son esthétisme musical! C’est un bagage culturel assez complet et riche! Avant, j’avais l’impression que l’on était juste déphasé… dépassé. La démocratisation de la musique club et la facilitation de la composition musicale via ordinateur a permis d’encourager tout le monde à s’y mettre et à découvrir de multiples moyens de démontrer et rendre visible son authenticité.

PAN M 360: Pour conclure cette entrevue,  PAN M 360  voudrait savoir quels sont tes projets futurs?

Deena Abdelwahed: Répondre à mes e-mails à temps 😀 respecter les deadlines 😀

J’ai pas mal de projets mais je ne peux pas encore en parler maintenant. Ce sont des commandes. Et, je continue ma tournée de Jbal Rrsas en Live Set aussi.

Voilà! Merci pour cette interview! À très très vite j’espère!

Présenté conjointement par MUTEK, la Société des arts technologiques et le festival de film sur l’art, ce programme incluant Deena Abdelwahed, Liliane Chlea et Nahash est prévu à la SAT ce vendredi 15 mars, 22h. Infos et billets ICI

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