Jonathan Personne : artiste, album et individu

Entrevue réalisée par Louis Garneau-Pilon
Genres et styles : art-pop / pop / pop-rock / rock

renseignements supplémentaires

L’art de mettre plusieurs fers au feu est parfois complexe. Or, Jonathan Robert excelle dans ce domaine : le chanteur-guitariste du groupe post-punkCorridor, nouvellement père de famille, dirige aussi sa propre carrière solo sous le nom de Jonathan Personne.

Jonathan Personne est aussi le titre de son troisième album, qui voit le jour ce vendredi 26 août 2022 sur étiquette Bonsound. Il s’agit du fruit de plusieurs années de travail, mais aussi d’une longue accumulation d’idées musicales datant de bien plus longtemps. Cette offrande est une sorte d’hybride pop, elle présente à la fois des arrangements musicaux modernes et entraînants, en plus d’inspirations sorties tout droit de la pop sixties des géants d’autrefois. Jonathan Personne peut ainsi plaire à toute une gamme de mélomanes, qu’ils aiment la pop, le classic rock ou même les trames sonores plus instrumentales.

Le musicien québécois affirme qu’il s’agit de sa meilleure production solo. Et pour célébrer ce grand projet, une brochette de spectacles est aussi annoncée. Jonathan fera le premier le 28 septembre au théâtre Fairmount, à l’occasion du festival Pop Montréal. Suivront ensuite une foule d’autres représentations à travers le Québec. Avant de se mettre à préparer tout ça, il a donné une entrevue à PAN M 360.



PAN M 360 : Qu’est-ce qui t’a amené à devenir Jonathan Personne?

JONATHAN PERSONNE : Pour moi, composer de la musique, c’est toujours un acte personnel, que ce soit en solo ou avec Corridor. Mais finalement, un groupe, c’est plusieurs esprits qui collaborent. Un partage de pensées ça peut être une chose fantastique. Au bout d’un moment, j’avais accumulé une foule d’idées qui n’avaient pas passé dans le groupe ou qui ne se mêlaient pas avec notre esprit de sonorités. En 2015, ma blonde m’a acheté un enregistreur 8 pistes. Je me suis dit que c’était le temps de me lancer dans un vrai projet solo. J’ai réuni plusieurs amis musiciens et on a commencé à se lancer la puck pour enregistrer mon premier album. Ce projet était le résultat de quatre à cinq ans d’expérimentation. Un peu une sorte de collage de tous les concepts qui trottaient dans ma tête.

La réaction du public fut plus forte que ce à quoi je m’attendais! J’en étais bien surpris. J’ai tellement aimé ce processus de travail solo que j’ai décidé d’en faire une habitude. Pour moi, c’est libérateur d’avoir ce genre de contrôle artistique. Je me suis découvert un côté plus explorateur qui va sans doute continuer d’évoluer.

PAN M 360 : Et donc te voilà à ton troisième album. Combien de temps as-tu travaillé sur celui-ci?

JONATHAN PERSONNE : J’ai commencé à travailler sur ce projet avant même que mon deuxième album sorte. Donc avant le mois d’août 2020. J’ai beau accumuler des idées vite, les enregistrer c’est toujours un peu plus long. Pour moi, ce processus d’arrangements, de mixage et de tissage de son, ça prend plus de temps.

PAN M 360 : Ah bon? Pourrais-tu nous expliquer ces délais?

JONATHAN PERSONNE : J’ai composé mes morceaux en été, mais j’ai commencé à enregistrer Jonathan Personne (l’album) en décembre dernier. On peut dire que j’ai aussi dû prendre une pause assez longue durant le travail. J’ai eu un enfant! C’est sûr que c’est un événement qui peut forcer quelqu’un à mettre certains projets en pause. Mon réalisateur était aussi occupé avec plusieurs autres projets. Donc, on a sorti l’album un peu plus tard que prévu.

Ce qui nous a donné le plus de fil à retordre, c’est le mixage audio. Sur une chanson en particulier, on s’est arraché les cheveux pendant des semaines. Ce morceau, À présent, nous a pris plus de temps que tous les autres combinés. On essayait de créer un effet « wall of sound ». C’est une multitude de couches de musiques et de percussions qui s’agencent pour faire un son impressionnant. En tout, on avait quatorze couches de guitares. Peut-être qu’on ne remarque pas l’effet à la première écoute, mais tous ces étages sonores donne une amplitude vraiment unique à la mélodie. Un peu comme un moment surréel, plus grand que nature. On a agencé cela avec des voix de style un peu Beach Boyset avec une touche d’électronique.

PAN M 360 : C’est drôle que tu mentionnes les Beach Boys. L’album semble très imprégné de leur influence. Était-ce intentionnel?

JONATHAN PERSONNE : Je ne peux pas le cacher, j’aime beaucoup ce groupe. J’aime aussi tous les groupes plus récents qui se sont inspirés d’eux. Dans mon travail avec Corridor, je suis souvent celui qui amène les éléments plus mélodieux à la musique. Mais en travaillant tout seul, je peux vraiment me laisser aller. Les Beach Boys, c’est beaucoup de belles mélodies. Beaucoup de leurs projets, comme Pet Sounds, ont une belle mélancolie. Je décrirais ça comme un feeling de fin d’été.

PAN M 360 : Belle coïncidence considérant que Jonathan Personne sort exactement à la fin de l’été!

JONATHAN PERSONNE : Eh bien, j’aime aussi énormément cette période de l’année. C’est les derniers beaux moments avant que les pires jours ne viennent. La fin des vacances, quoi! C’est intéressant de publier l’album à ce moment-ci, parce que ce genre de sentiment mélancolique, c’est exactement ce que je cherchais. Si on regarde la pochette de l’album, on voit deux enfants découvrant un corps. C’est une image qui tend vers la naïveté, mais aussi vers un certain fatalisme.

Ces thèmes fatalistes et naïfs, c’était la ligne directrice de ce projet. Mes deux premiers albums suivaient généralement une trame narrative qui se poursuivait de chanson en chanson. Pour mon troisième album, je voulais huit petites histoires qui tiennent toutes seules. Ces chansons sont liées par ces thèmes de changement, plutôt qu’une sorte de récit. J’aime beaucoup le résultat. Tous ces récits peuvent s’écouter tout seuls, hors de l’album. Au lieu de mettre toute mon énergie à essayer de raconter une histoire complexe, j’ai plusieurs belles petites fables qui ont toutes cette sorte de dualité un peu glauque.


PAN M 360 : C’est aussi un projet avec un style assez unique. Pourrait-on le décrire comme une sorte de cowboy-pop?

JONATHAN PERSONNE : C’est une façon de voir le projet. Il y a plusieurs segments qui pourraient rappeler un peu une trame narrative désertique. Quand on joue autant avec des mélodies, on peut souvent se retrouver avec une pièce qui pourrait se retrouver dans un film.

Mais honnêtement, je ne sais pas si je pourrais vraiment décrire le style de l’album. Je ne crois pas que c’est à moi de m’exprimer là-dessus. Le squelette vient d’une structure très pop. L’approche tient aussi beaucoup du rock et de l’expérimental. Malgré tout, ça reste un produit qui est très facile d’approche. On a utilisé de l’inspiration rétro, mais avec une méthode plus moderne. On peut entendre des violons synthétisés qui ont été repassés plusieurs fois à l’enregistrement, pour changer totalement leurs timbres. On a aussi utilisé beaucoup d’échantillonnage pour construire notre rythme à travers les chansons.

PAN M 360 : Après toute cette exploration, vois-tu une amélioration dans ta méthode?

JONATHAN PERSONNE : Je dirais que oui. Même si on s’est laissé du temps, le processus s’est bien déroulé. On a monté le squelette des chansons très rapidement. Après cela, on s’est laissé énormément de liberté pour les habiller. Je ne dirais pas qu’on était désorganisés, mais je dirais qu’on est devenu très bons à improviser sur une nouvelle idée.

En matière de production, je constate qu’on s’est beaucoup améliorés. J’ai toujours eu un style lo-fi. Quand on travaille avec un petit enregistreur 8 pistes, c’est dur de changer cet aspect. Cette fois-ci, on voulait faire un produit un peu plus fini, tout en gardant cette esthétique rétro. C’est peut-être une autre raison pour laquelle le mixage fut si long, mais je crois que le pari fut réussi. En blague, j’aime beaucoup décrire Jonathan Personne comme une offrande plus mid-fi. On entend plus les basses et les voix sont mises à l’avant. Cependant, ça reste loin d’une production pop hyper léchée.

Au fil de mes trois albums solo, j’essaie de peaufiner un mélange entre la pop et de multiple sonorité rock. Tout ce qui a été fait entre les années 60 et 90 peut servir d’inspiration. On ajoute à ça des orchestrations faites sur un petit clavier MIDI et le tour est joué. Je crois que j’ai vraiment découvert ma formule. En fait, j’ai tellement joué avec ce style de création que je vais devoir aller ailleurs pour mon prochain album! Ce n’est pas que mon style va totalement mourir, mais je ne veux pas devenir redondant non plus. J’accumule toujours des idées pour le futur. Quand je sors un album de Corridor, je travaille aussi sur un projet solo. De ce fait, je suis toujours en train de développer mes idées.

PAN M 360 : Généralement, c’est assez spécial de faire un album homonyme lorsque c’est le troisième. Pourquoi ce choix?

JONATHAN PERSONNE : C’est vrai que c’est un peu spécial. Généralement, j’aime prendre le titre d’une de mes chansons qui représente bien le produit final. Pour celui-ci, je n’avais pas de chanson qui faisait vraiment l’affaire. Le résultat aurait eu une apparence un peu forcée. Je voulais ensuite essayer un titre qui était plus en lien avec mes thématiques… et ça aussi ça ne sonnait pas bien. Je me suis dit que je n’avais pas encore fait d’album homonyme. En général, on fait ça pour un premier album, mais il n’y a aucune loi qui m’empêche de le faire pour un troisième! Ce recueil de chansons, c’est peut-être le meilleur travail que j’ai fait en solo. Vu cette qualité un peu best of, le titre se plaçait bien. J’aime mieux ça qu’un nom qui ne rentre pas bien dans le thème. Un projet nommé après soi-même, on ne peut faire ça qu’une fois, après tout. 

PAN M 360 : D’ailleurs, tu nous présenteras bientôt le tout dans une série de spectacles! Commences-tu à te préparer bientôt?

JONATHAN PERSONNE : Certains artistes aiment vraiment promouvoir un album avec des spectacles pendant plusieurs années. C’est moins mon style d’enchaîner des tournées sans fin. Je connais mon rythme et ses limites. Pour cet album, on commence bientôt à se préparer. Ça va être des spectacles assez durs à roder. Mon avant-dernier album solo était sorti en 2020 au milieu de la COVID. Je n’ai donc pas eu le temps d’en faire le tour en live. Jonathan Personne ne fait que 35 minutes. Ce sera une bonne occasion pour me fatiguer un peu de toutes les chansons que je n’ai pas eu le temps de jouer en public!

Tout le contenu 360

Constantinople | Kiya Tabassian nous parle de Dimitrie Cantemir

Constantinople | Kiya Tabassian nous parle de Dimitrie Cantemir

SMCQ | Comment vivre différentes temporalités? Sandeep Bhagwati propose une vaste métaphore

SMCQ | Comment vivre différentes temporalités? Sandeep Bhagwati propose une vaste métaphore

Oumou Sangaré | La superdiva du Wassoulou chante Timbuktu à MTL

Oumou Sangaré | La superdiva du Wassoulou chante Timbuktu à MTL

Totalement Sublime| Totalement Immersif | L’univers ambient d’Albédo et Parhélie à la SAT

Totalement Sublime| Totalement Immersif | L’univers ambient d’Albédo et Parhélie à la SAT

À la table d’Annie-Claude Deschênes : entre ustensiles et expérimentation sonore

À la table d’Annie-Claude Deschênes : entre ustensiles et expérimentation sonore

OSL | Naomi Woo | Musique du Nouveau Monde

OSL | Naomi Woo | Musique du Nouveau Monde

Anderson & Roe, grands innovateurs du duo pianistique

Anderson & Roe, grands innovateurs du duo pianistique

Hawa B or not Hawa B ? L’EP « sadder but better » y répond !

Hawa B or not Hawa B ? L’EP « sadder but better » y répond !

Shades of Bowie, pièce composée pour l’homme derrière Blackstar

Shades of Bowie, pièce composée pour l’homme derrière Blackstar

Isabella D’Éloize Perron – à la conquête de l’Amérique avec Vivaldi et Piazzolla

Isabella D’Éloize Perron – à la conquête de l’Amérique avec Vivaldi et Piazzolla

Shaina Hayes et son Kindergarten Heart

Shaina Hayes et son Kindergarten Heart

Piano Symphonique | Julia Mirzoev, Braden McConnell & Antoine Rivard-Landry

Piano Symphonique | Julia Mirzoev, Braden McConnell & Antoine Rivard-Landry

La recette de « l’acclimatisation » de Jean Jean Roosevelt? Produire un album à Montréal!

La recette de « l’acclimatisation » de Jean Jean Roosevelt? Produire un album à Montréal!

In Pursuit Of Repetitive Beats : connexion humaine via la RV

In Pursuit Of Repetitive Beats : connexion humaine via la RV

Un nouveau festival de jazz fondé par Martha Wainwright

Un nouveau festival de jazz fondé par Martha Wainwright

La grande transition d’Anton Webern par le Quatuor Molinari

La grande transition d’Anton Webern par le Quatuor Molinari

Semaine du Neuf | Il n’y a pas de musique sans vent. L’être contre le vent de Matthias Krüger

Semaine du Neuf | Il n’y a pas de musique sans vent. L’être contre le vent de Matthias Krüger

L’électro swana de Deena Abdelwahed: syncrétisme, engagement, nouvelle norme

L’électro swana de Deena Abdelwahed: syncrétisme, engagement, nouvelle norme

Nicolas Boulerice et Frédéric Samson inaugurent le CoolTrad

Nicolas Boulerice et Frédéric Samson inaugurent le CoolTrad

Semaine du Neuf | L’Ensemble Hopper, fréquences liégeoises

Semaine du Neuf | L’Ensemble Hopper, fréquences liégeoises

Semaine du Neuf | Cléo Palacio-Quintin nous parle du Vivier Mix

Semaine du Neuf | Cléo Palacio-Quintin nous parle du Vivier Mix

Semaine du Neuf | Pierre Jodlowski et la « dramaturgie compositonnelle »

Semaine du Neuf | Pierre Jodlowski et la « dramaturgie compositonnelle »

Semaine du Neuf | Architek Percussion et  2 compositrices canadiennes: Sabrina Schroeder et Nicole Lizée

Semaine du Neuf | Architek Percussion et 2 compositrices canadiennes: Sabrina Schroeder et Nicole Lizée

Semaine du Neuf | L’Afghanistan psychédélique de Sam Shalabi et Shaista Latif

Semaine du Neuf | L’Afghanistan psychédélique de Sam Shalabi et Shaista Latif

Inscrivez-vous à l'infolettre