Jazz en rafale et Alain Bédard bourdonnent… à l’Outremont

Entrevue réalisée par Alain Brunet
Genres et styles : jazz contemporain

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Les jeudi 31 mars et vendredi 1er avril à 20 h au Théâtre Outremont, Jazz En Rafale, petit festival de jazz montréalais tenu à l’orée du printemps depuis la fin des années 90, revient devant public, soit après deux ans de présentations virtuelles. 

Ainsi, les Bourdonnements Jazz à l’Outremont fêtent leur 5e anniversaire en s’associant avec la série Jazz En Rafale pour présenter ces deux programmes doubles en collaboration avec le collectif YEY, soit un regroupement de trois organismes majeurs du Jazz au Québec : les productions Yari,  les Productions Yves Léveillé et le label Effendi qui célèbre son 25e anniversaire.

Le 31 mars,  le groupe Auguste 1.0 , soit le quartette du contrebassiste Alain Bédard (aussi le fondateur d’Effendi comme on le sait), réunit à ses côtés son personnel originel: le pianiste Yves Léveillé, le saxophoniste Frank Lozano (saxophone) et Pierre Tanguay (batterie). 

Le lendemain, le Jazzlab Orchestra réunit sous la direction d’Alain Bédard, Mario Allard  (saxophones et clarinette); Claire Devlin  (saxophone) Annie Dominique  (saxophones et clarinette), Lex French (trompette), Thomas Morelli-Bernard (trombone,  Félix Stüssi (piano),  Michel Lambert (batterie)

Alain Bédard en explique les contextes à PAN M 360 :

PAN M 360 : Le label Effendi a 25 ans. Comment peux-tu en décrire brièvement la courbe de croissance et de décroissance, dans le contexte de la dématérialisation des enregistrements? 

ALAIN BÉDARD : De la création d’Effendi en 1999 jusqu’à l’année 2009, les albums se vendaient vraiment bien. Ça roulait. Les sous revenaient. On vendait des disques en magasin et en concert. On avait une bonne distribution physique. Les groupes jouaient pas mal aussi, les musiciens donnaient régulièrement des concerts sur les ondes de Radio-Canada. Les médias étaient souvent très présents pour couvrir nos activités. On passait à la télé, les journaux écrivaient sur nous, les radios diffusaient du jazz. Effendi avait de bons distributeurs à travers la planète, rencontrés au Midem où j’allais chaque année. C’était vraiment motivant.

Aussitôt que l’internet est apparu dans le décor, les choses ont commencé à changer. Les distributeurs ont commencé à essayer de faire le virage et ils sont presque tous tombés comme des mouches. Les faillites n’ont pas cessé depuis. Je me souviens, je travaillais avec un distributeur étranger qui fut peut-être un des premiers à prendre le virage du numérique sérieusement. Il a démarré la location de la musique sur Internet; il l’a fait sans l’autorisation de personne. Effendi n’a jamais été payé, même en le poursuivant en justice de concert avec plusieurs labels. 

À partir de là, les choses ont dégénéré. J’avais à l’époque, à plusieurs reprises, souligné ce phénomène aux instances gouvernementales. Ce qui devait arriver arriva, les revenus ont baissé pour tout le monde et dans le contexte de la dématérialisation des enregistrements, la musique est devenue gratuite. Les journaux ont aussi été touchés par cette crise et plusieurs ont diminué ou arrêté leur couverture culturelle de façon significative. Ainsi depuis l’avènement de l’internet nous sommes plongés dans un tourbillon sans fin et sans sous. En 2019, 2020, 2021 Effendi a engendré des centaines de milliers d’écoutes chaque année (autour de 800,000) – ce qui aurait pu être intéressant pour un petit label de jazz. Ça a rapporté à peine quelques milliers de dollars. Une grosse farce. Malheureusement les gouvernements n’ont jamais mis leurs culottes concernant les GAFA. Nous sommes encore face à un scandale… mais Effendi continue – notre répertoire compte aujourd’hui 165 albums.

PAN M 360 : On observe la même décroissance pour Jazz en rafale. Ce fut longtemps un festival échelonné sur deux longs week-ends, c’est maintenant 2 programmes doubles avec des pionniers du label – Yves Léveillé et toi-même. Comment vois-tu ça de ton côté? 

ALAIN BÉDARD : Pendant 18 ans j’ai piloté le festival Jazz en Rafale en m’appuyant sur des concepts de rencontres musicales, d’échanges en musiciens locaux et internationaux. On a présenté de superbes concerts pendant toutes ces années,  en plus du concours pour la relève qui a fonctionné 10 ans. En 2018, après la disparition du conseil d’administration et mes problèmes de santé, j’ai dû arrêter le festival. 

En 2020 avec la pandémie, de nouveaux programmes ont émergé et j’ai décidé de monter un Jazz en Rafale-Live Cam destiné au web. En 2021, avec 2 superbes équipes, nous avons organisé des concerts virtuels. Nous avons capté 18 concerts de musiciens et groupes d’ici incluant une série sur les femmes plus les concerts-lancements de disque du Jazzlab Orchestra. En cours de route, nous avons mis sur pied un projet collectif incluant une collaboration avec les Productions Yari, Effendi et les Productions Yves Léveillé. 

Ainsi pour boucler la boucle du Jazz Rafale-Live Cam, nous avons décidé de produire en collaboration avec la série les Bourdonnements jazz de Yves Léveillé à l’Outremont – 4 concerts sur 2 soirées qui seront aussi captés – Après 2 ans de pandémie, nous avons la chance aujourd’hui, avec cette petite série à l’Outremont, de présenter de nouveau des concerts devant public. Une pierre deux coups! Ça nous a incroyablement manqué ces dernières années, on a hâte de revoir le public.  

PAN M 360  : Pour commémorer ce 25e anniversaire, l’Auguste Quartet se produit dans sa configuration originelle : Alain Bédard  (contrebasse), Yves Léveillé  (piano), Frank Lozano  (saxophone), Pierre Tanguay  (batterie).  Quel matériel comptez-vous jouer ? 

ALAIN BÉDARD : Nous allons interpréter les pièces du tout premier album de l’Auguste – enregistré à l’Université du Québec en 1996. Le CD est sorti en 1997 sur le label de l’université mais jamais dans le répertoire d’Effendi, néanmoins cet album est celui qui a fait démarrer le label. On y retrouve mes compos, des compos de Yves Léveillé, du saxophoniste Michel Côté et du pianiste Gilles Bernard que j’avais arrangées. Des pièces que l’on jouait régulièrement à l’époque et qui, franchement, n’ont pas vieilli. 

PAN M 360: Quelles sont les qualités de cette formation et celles des formations subséquentes ?

ALAIN BÉDARD : À l’époque on jouait pas mal au Québec le quartet était sous mon nom (Alain Bédard Quartet), nous sommes même allés en France en 1997. Il y avait alors plus de clubs de jazz et on avait la chance d’être enregistrés par Radio-Canada sur différentes émissions de jazz. C’était un groupe solide, avec plein de potentiel et d’ouverture d’esprit. On commençait à s’éloigner des standards et à pousser nos compos originales. On était constamment en recherche. On s’est distingués par notre fougue et aussi notre jeunesse. On a mis sur pied des dispositifs intégrant des influences diverses, des clins d’œil à différents groupes et grands musiciens. L’Auguste Quartet est né avec la sortie du premier album sans titre C’était une très belle époque. 

En 1998, j’ai eu un accident et je n’ai pu jouer pendant 4 ans. Lorsque j’ai recommencé la contrebasse, tous ces musiciens avaient mis sur pied d’autres projets ou jouaient avec d’autres. J’ai continué à écrire de la musique et remis sur pied le groupe avec quelques-uns des anciens membres pendant un certain temps. On a enregistré quelques albums dont un qui a été super bien reçu, Bluesy Lunedi. Plus tard, mon travail de composition a été inspiré d’expériences multiples, voyages, etc. Vers 2007, Michel Lambert a commencé à jouer avec le groupe. Avec son jeu de batterie plus éclaté, mixé avec celui du pianiste Alexandre Grogg, ça m’a poussé vers de nouvelles avenues musicales et j’ai commencé à utiliser plus de mesures composées dans mes compos. On était très attentifs à l’air du temps et on commençait à jouer plus en Europe, soit avec le saxophoniste André Leroux. On a joué des trucs fous, qui nous ont poussés à nous dépasser sans cesse.

Je voulais défricher, prendre d’autres sentiers, mais surtout rester dans le contexte acoustique. Puis le saxophoniste Samuel Blais et le pianiste Félix Stüssi se sont joints à Michel et moi en 2015. On a fait des relectures parfois étonnantes de mes pièces, tout en mettant en place de nouvelles créations. Depuis l’arrivée du saxophoniste Mario Allard, l’Auguste a fréquemment combiné la musique de Félix Stüssi et la mienne, avec autant de surprises et de vivacité.

PAN M 360 : Quant au Jazzlab, cet ensemble a aussi connu différentes configurations. Qu’en est-il de celle-ci,   Allez-vous jouer la matière de votre dernier album, Loguslabusmuzikus ? Autres pièces? Quelle est la différence entre le personnel de l’album et celui du prochain concert? 

ALAIN BÉDARD : Depuis la pandémie j’ai souvent travaillé avec la même équipe du Jazzlab. C’était vraiment super. J’avais eu des sous pour arranger ce que je pensais être mes meilleures compos. Ainsi, on a monté le projet Loguslabusmuzikus pendant presque toute la pandémie. Du gros boulot. Il y a eu beaucoup de répétitions, mais aussi des pauses, de multiples annulations et enfin on a pu présenter trois concerts pour le lancement de l’album après quelques jours de résidences. J’étais très satisfait de la « gang », de leur implication la musique a évolué et ça commençait vraiment à prendre forme. 

J’aime avoir recours aux mêmes musiciens, mais depuis un moment, les concerts reprennent et il est plus difficile d’avoir accès au même personnel. Les engagements pleuvent et plusieurs ne sont pas disponibles, car soit; ils ont leurs propres projets à mettre de l’avant, soit ils sont embauchés  ailleurs comme sidemen. Donc pour les concerts à l’Outremont, j’ai dû m’adapter. J’ai dû aussi choisir un autre répertoire car celui de Loguslabusmuzikus exige beaucoup de travail pour de nouveaux venus. Ce sera donc une première avec quelques nouveaux musiciens qui nous permettra de jouer trois pièces du pianiste Félix Stüssi du répertoire de Quintessence, deux nouvelles pièces du tromboniste Thomas Morelli-Bernard et deux de mes pièces.

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