Festival Classica – Piazzolla, de New York à Paris

Entrevue réalisée par Varun Swarup
Genres et styles : classique / classique moderne / tango

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Au Festival Classica de cette année, le duo acclamé Stick&Bow s’apprête à présenter un programme exaltant qui retrace le parcours artistique de l’un des compositeurs de musique nouvelle les plus intrigants, Astor Piazzolla. Rejoint par le pianiste canadien John Roney, le duo composé de la joueuse canadienne de marimba, Krystina Marcoux, et le violoncelliste argentin, Juan Sebastian Delgado, Stick&Bow explorera l’évolution dynamique de Piazzolla, depuis ses premières influences sur la scène jazz new-yorkaise jusqu’à ses compositions de tango innovantes en France.

PAN M 360 : Salut Stick&Bow , merci d’avoir pris le temps ! Cela ressemble à un programme incroyable. Peut-être pourrions-nous commencer par approfondir votre lien personnel avec la musique de Piazzolla. Que représente-t-il pour chacun de vous personnellement ?

Juan Sebastian Delgado : Oh, c’est une bonne question, même si la réponse sera longue ! Combien de temps avons-nous? Eh bien, même si Montréal est devenue ma maison depuis 12 ans, je suis originaire d’Argentine. La musique de Piazzolla est donc profondément ancrée en moi en raison de mes racines. Mais honnêtement, il n’est pas nécessaire d’être de là-bas pour apprécier son génie et sa musique.

Krystina Marcoux : C’est vrai. Le style de Piazzolla va au-delà du simple tango ; c’est un mélange unique de techniques et de traditions musicales, du classique européen au jazz en passant par le folk. Il y en a pour tous les goûts.

Juan Sebastian Delgado : Sa musique est jouée même dans des contextes académiques, ce que je trouve incroyable et qu’il imaginait lui-même impossible. J’ai poursuivi mon doctorat en interprétation à McGill, en me concentrant sur le tango post-piazzolla. Que faire après un génie si important? J’aime la musique nouvelle et le tango, et Piazzolla relie magnifiquement ces esthétiques. Il a fait partie de nombreux univers sonores et, bien qu’il ne soit pas né à New York, il y a passé 15 ans, ce qui a profondément influencé sa vision musicale.

Krystina Marcoux : Oui, surtout dans les années 30 et 40, lorsque le jazz était en plein essor.

PAN M 360 : Alors ce programme est-il spécifiquement conçu pour retracer son parcours et ses influences ?

Krystina Marcoux : Eh bien, ce n’est pas un tableau complet que nous sommes en mesure de donner, mais c’est définitivement le point de départ de notre programme. Tout en nous concentrant sur la trajectoire de carrière de Piazzolla, nous mettrons également en lumière les influences plus larges de son époque, en mettant en valeur des compositeurs comme George Gershwin, qui était une figure importante à New York à l’époque de Piazzolla, ou Nadia Boulanger en France.

PAN M 360 : Vos expériences directes d’enregistrement avec les anciens collaborateurs de Piazzolla ont dû fournir des informations inestimables sur sa musique. Pourriez-vous nous en dire davantage sur ce que cela a été ?

Krystina Marcoux : Nous avons eu la chance de collaborer avec des musiciens qui ont des liens directs avec le musicien Piazzolla, comme son pianiste Gustavo Beytelmann et le bandonéoniste Marcelo Nissiman. Grâce à ces collaborations, nous avons acquis de précieuses informations sur la tradition orale du tango, élément central pour bien comprendre ce genre, et les nuances des compositions de Piazzolla, qui vont bien au-delà de la simple lecture des notes sur une page. Comme c’est fascinant d’apprendre tout cela auprès de gens qui ont vécu l’âge d’or de cette musique. Il ne s’agit pas seulement de jouer les notes. Le tango est un style unique, avec une tradition distincte et des codes de jeux précis, qui se distingue du jazz ou de la musique classique. Ce concert vise à mettre en valeur ces influences.

PAN M 360 : Quand je pense au tango, Piazzolla est le premier nom qui me vient à l’esprit. Il semble pourtant qu’il ait été le mouton noir de la tradition.

Juan Sebastian Delgado : Oui, au niveau international, Piazzolla est le deuxième derrière Gardel en termes de renommée. Et il est intéressant de noter que lorsque Piazzolla a commencé à innover dans le tango, beaucoup d’Argentins n’aimaient pas ce qu’il faisait. Il était considéré comme détruisant le tango traditionnel.

PAN M 360 : Cela me rend encore plus excité pour ce concert. La musique de Piazzolla et son instrumentation unique sont fascinantes. Il semble que ses compositions se prêtent à une certaine flexibilité dans les arrangements ?

Juan Sebastian Delgado : Oui, comme Bach, ses pièces sont arrangées de nombreuses manières. Par exemple, nous utilisons du violoncelle et du marimba, ce qui est plutôt unique.

Krystina Marcoux : Cette flexibilité est en partie due à son influence jazz. Il faisait confiance à ses musiciens et travaillait généralement avec les mêmes instrumentistes pendant des années, un peu comme un musicien jazz, au point où une panoplie d’éléments musicaux viennent plutôt des musiciens que de la partition.

Juan Sebastián Delgado : Exactement. Pour bien comprendre sa musique, vous devriez écouter des enregistrements de Piazzolla jouant avec ses musiciens. Leur phrasé et leur style sont exceptionnels.

PAN M 360 : Comment le marimba s’intègre-t-il dans le programme ?

Krystina Marcoux : Piazzolla n’a pas nécessairement écrit pour le marimba, mais il a écrit pour le vibraphone, en collaborant avec des musiciens comme Gary Burton. Ils ont même enregistré un album ensemble.

Juan Sebastian Delgado : Absolument, ça vaut le détour. Nous incluons également une pièce de Gerry Mulligan, qui a enregistré avec Piazzolla.

PAN M 360 : Mulligan et Burton sont tous deux des légendes du monde du jazz.

Juan Sebastian Delgado : Oui, et ils ont tous deux apporté quelque chose d’unique à la musique de Piazzolla. Dans les notes de l’album, Burton a mentionné qu’il était initialement très intimidé, mais Piazzolla l’a rassuré en lui disant de simplement jouer, que lui s’occuperait du tango. 

Krystina Marcoux : Dans nos arrangements, le marimba joue souvent des parties écrites initialement pour le violon. Mais ce n’est pas toujours le cas, on mélange beaucoup les choses, on inverse les rôles entre les instruments.

Juan Sebastian Delgado : Oui, et nous jouons avec le pianiste John Roney, qui est un excellent exemple de musicien qui habite à la fois le monde du classique et celui du jazz.

PAN M 360 : Nadia Boulanger a bien sûr été le mentor de tant de titans de la musique contemporaine, pouvez-vous m’en dire plus sur l’influence qu’elle a eue ?

Juan Sebastian Delgado : Nadia Boulanger a joué un rôle crucial dans la carrière de Piazzolla, l’encourageant à embrasser sa vision unique de la musique, en fusionnant tango et composition classique. Au départ, Piazzolla cherchait à se distancier du tango avec Boulanger. Cependant elle a reconnu l’authenticité de son jeu de bandonéon et l’encouragea à insuffler des éléments classiques dans ses compositions de tango.

Krystina Marcoux : C’est vrai, Piazzolla avait avait un amour profond pour Stravinsky, Ravel et Bach, et je pense que c’est en France que les influences classiques ont commencé à prendre forme dans sa musique aux côtés du tango.

PAN M 360 : Alors, que diriez-vous au public d’attendre de cette émission ?

Krystina Marcoux : Nous invitons le public à embarquer avec nous dans un voyage musical, explorant les facettes moins connues du répertoire de Piazzolla. Nous ne jouerons pas Libertango, notre programme offre une nouvelle perspective, intégrant des influences françaises et des compositions moins connues qui mettent en valeur l’étendue du génie de Piazzolla et les nombreux univers musicaux dont il a fait partie.

PAN M 360 : Et j’ai vraiment hâte d’y être. Merci à vous deux d’avoir pris le temps de discuter. Profitez de cette belle journée montréalaise.

Juan Sebastian Delgado : Merci, nous allons essayer mais nous devons aller nous pratiquer maintenant !

PAN M 360 : Oh bien sûr.

Krystina Marcoux : Merci et à bientôt !

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