Aurora de Fernie : vulnérabilité, vérité

Entrevue réalisée par Maude Bélair
Genres et styles : soul/R&B

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Souvent, il n’est pas difficile de savoir quoi dire. Le véritable défi est de trouver comment le dire. Pour Fernie, artiste émergent d’origine canado-brésilienne ayant grandi dans l’Ouest-de-l’Île de Montréal, il est certainement plus facile de s’exprimer à travers sa musique. À travers des sonorités chatoyantes et enveloppantes d’allégeance R&B-soul,  l’album Aurora  ouvre la porte aux vulnérabilités intimes d’un artiste pour qui la transparence est primordiale. 

Alors que beaucoup soulignent la ressemblance du projet à ceux d’artistes tels que Frank Ocean ou encore Daniel Caesar, Fernie précise que l’objectif d’Aurora n’est pas de s’inspirer deux musicalement, mais bien de perpétuer l’habitude de ne pas avoir peur à déverser son cœur, de se mettre à nu au service de l’art. Aurora est donc bien plus que les douces mélodies à la guitare et des voix de fausset  parfaitement exécutées, il incarne aussi une totale acceptation de soi. 

Fernie a rapidement compris que les gens ont l’habitude de porter un masque bien au-delà des mesures sanitaires, qu’il n’est pas toujours facile de se sentir accepté.e.s, surtout lorsqu’on est BIPOC [NDL : Black, Indigenious and People Of Colour], ou encore membre de la communauté LGBTQIA+. Alors qu’il n’est aisé pour personne d’ouvrir son cœur, Fernie choisit de le faire. Pour nous, pour lui, pour la musique. Et cela est une réussite sur toute la ligne. 

Aurora est son premier album. La matière fut présentée par Fernie le 24 et le 26 septembre dernier dans le cadre du festival POP Montréal, et Fernie chante de nouveau ce samedi 2 octobre, soit aux Retrouvailles d’Osheaga, 15h30, Scène de la montagne.

Voilà pourquoi  PAN M 360 s’est empressé de faire la rencontre de cet humain doux, sensible et surtout, talentueux. 

PAN M 360 : Ton tout premier album  sera disponible à partir du 24 septembre! Sur ce projet, tu parles de ton propre cheminement vers l’acceptation de soi, du besoin d’accepter le passé tel qu’il est et de surtout, la découverte d’une toute nouvelle version de toi-même. Qu’as-tu réalisé de toi -même ou de ton environnement depuis les dernières années ? 

Fernie:  Je crois que la chose qui m’a fait réfléchir le plus est l’importance de prendre soin de moi et de ma santé mentale. Durant la pandémie, j’ai pris la décision de mettre un peu mes projets musicaux sur pause pour prendre le temps de travailler sur moi, car je n’avais jamais le temps de le faire avant. J’ai aussi réalisé l’importance d’avoir un cercle tissé serré, que ce soit à travers la famille ou les ami.e.s, car ce sont eux qui te soutiennent et t’accompagnent au travers de ton cheminement. Je crois qu’il est important de s’entourer de gens qui n’hésitent pas à te critiquer ou qui t’encouragent à te dépasser… c’est grâce à eux que tu peux grandir afin de devenir la meilleure version de toi-même.

PAN M 360: Les journalistes prennent souvent le temps de préciser que tu es un artiste du ‘’West Island’’, et donc en provenance des arrondissements  anglophones de Montréal. Cela a-t-il influencé ta musique ? 

Fernie:  En fait, j’ai grandi à Lachine entouré de mes deux parents adoptifs. Ma mère est brésilienne et mon père est allemand. J’y suis né, mais puisque je fréquentais une école privée allemande située dans le West Island, nous avons déménagé là-bas assez rapidement. En ce qui concerne l’impact de ce quartier sur ma musique, je crois qu’il en a clairement  eu un, surtout symboliquement. Les gens de ce coin ont la réputation de ne se fier qu’aux apparences, et cela crée la pression aux gens de ne pas être fidèles à eux-mêmes. Donc, il était important de souligner cette tendance, de m’en dissocier et de travailler sur une version de moi-même plus transparente et honnête, car je crois que la Terre pourrait bien bénéficier de gens plus transparents et honnêtes. Donc oui, mon album touche à ce sujet à travers mes propres réflexions et expériences personnelles, ce qui, je l’espère, mènera à des dialogues et d’autres pistes de réflexions.

PAN M 360: Aurora est ton premier album, mais ce n’est pas ton premier projet musical : en 2015, tu as mis sur SoundCloud un EP intitulé The Acoustic EP. Pourquoi as-tu décidé de faire la transition d’un son acoustique vers une sonorité plutôt R&B ? 

Fernie: J’ai toujours été motivé à essayer de nouvelles choses, musicalement parlant. Mon premier EP était beaucoup dans le emo, alors que l’album Aurora s’inscrit davantage dans une sonorité soul. Au final, je crois que la transition de l’un à l’autre vient tout simplement de mon évolution personnelle… C’est lorsque j’ai rejoint les rangs d’un collectif artistique que j’ai réalisé que je voulais faire du R&B. Mais je suis très content d’avoir essayé les deux genres, car je pense que les deux peuvent apporter une perspective complètement différente l’une de l’autre. 

PAN M 360:  Je crois que tu as dit à de nombreuses reprises que tu admirais beaucoup la musique de Frank Ocean, ou encore celle de Daniel Caesar. Pourquoi ces deux artistes spécifiquement ?

Fernie:  Si je peux apporter une certaine précision, je ne cherche pas à être comme eux. Bien sûr que j’aime ce qu’ils font, mais je dirais plutôt que je partage leur vision en tant qu’artiste. Ces deux artistes composent de la musique tellement transparente et honnête… J’apprécie particulièrement l’écriture de Frank Ocean. Si tu prends le temps de comprendre ce qu’il dit, tu peux vraiment ressentir sa vulnérabilité, il n’hésite pas à dire comment il se sent et surtout, il n’hésite pas à se prononcer sur les choses qui lui tiennent à cœur. Et je crois que c’est tout cela qui a captivé l’attention du monde entier, et cela est tout simplement magnifique. Donc non, je ne cherche pas à faire ce qu’ils font, mais je peux certainement dire que je partage cette vision, cette mission de la musique.

PAN M 360:  Tu as brièvement effleuré le sujet,  tu fais  partie d’un collectif d’artistes nommé Kids from the Undergroud. Peux-tu nous en dire un peu plus ?  

Fernie: Kids from the Underground est un collectif d’artistes partageant la même vision, le même amour de la musique. En fait, nous sommes plus qu’une équipe, nous sommes une famille. Nous avons tous.tes une histoire unique et nous créons tous.tes des projets musicaux distincts… Cela fait déjà trois ans que nous travaillons au sein de ce collectif et nous sommes très content.e.s du travail que nous avons fait, des gens que nous avons touchés… Nous adorons travailler ensemble, je crois que c’est le destin qui nous a réunis. 

PAN M 360:  September est une magnifique chanson sur Aurora présentant la perspective d’une histoire d’amour partagée entre deux personnes du même sexe, échappant ainsi à l’hétéronormativité omniprésente dans  les chansons d’amour. Pourquoi cela est-il important pour toi d’amener une perspective queer à ta musique ?

Fernie: Je crois que September va plus loin que la perspective queer. Je voulais plutôt insister sur le caractère universel de l’amour. En fait, dans September, je chante du point-de-vue d’une personne non-genrée à un homme cis. Cependant, la chanson peut-être et doit être interprétée différemment, car tout le monde est différent! L’amour n’a pas de limites, cela va plus loin qu’une relation femme-homme ou encore homme -homme… La question de l’inclusivité est très importante pour moi, mais aussi la représentation des personnes de couleur, tout le monde!  

PAN M 360: Aurora est un projet très personnel. Était-ce difficile de mettre en premier plan ta vulnérabilité, tes craintes, toi au grand complet ? 

Fernie: Au début, ça l’était, mais à la fin de la fin, je me suis dit  » qu’est-ce que j’ai à perdre ? parce que je pense que cet album n’est pas un appel à la validation mais plus un  »laissez-moi faire ces chansons et laissez les gens du monde entier partager le même genre de vibrations que j’ai ». Je pense que si tu veux vraiment toucher le cœur de quelqu’un, tu dois tout donner de toi-même. J’ai parfois du mal à m’exprimer par les mots, mais la musique est toujours là pour permettre à ma vérité de sortir. 

Fernie se produisait la semaine dernière à Pop Montréal, le voilà invité surprise à Osheaga ce samedi 2 octobre, 15h30, Scène de la montagne


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