Actif depuis 2003, le plus ancien et le plus grand collectif d’improvisation au Canada, Kalmunity, nous présente STARS SHINE DARLKY – une nuit entière de mots puissants, de mots d’amour et de rugissements rageurs, de grooves curatifs et de manières dissidentes. L’âme du projet, Jahsun, a organisé une soirée spéciale de solos, duos et trios de musiciens, poètes et créatifs pour se réunir et improviser toute la nuit. Une nuit qui a ressemblé à cette communauté, une nuit qui a fait écho à la gratitude et à la résistance.
Dans un monde où les « dirigeants » et les gouvernements ne cessent de nous décevoir, où les génocides sont diffusés en direct, où le racisme et les déportations fissurent la terre, séparent et traumatisent les familles, la poétesse D-na nous rappelle l’ancienneté de cette blessure collective – « Avez-vous fini maintenant ? », demande-t-elle à plusieurs reprises, accompagnée par le saxophone tourbillonnant d’Aaron Leaney, tandis que Stella Adjokê nous rappelle le pouvoir de la poésie, confessant pourquoi elle a décidé de devenir poète – « la poésie est un moyen d’expliquer viscéralement l’explosion », – suivi d’un poème curatif en forme de prêche sur l’amour et la peur, au son des saxophones d’Aaron Leaney et d’Eric Hove.
Le pianiste loquace Zach Frampton et le poète et improvisateur inspiré et inspirant Zibz BlacKurrent ont fait claquer le piano et les mots dans une conversation sur la nostalgie, la gratitude, qui vous êtes et où vous allez, – BlacKurrent ne nous laisse pas partir sans exiger de « arrêtez tout ça à Gaza, au Soudan et au Congo ».
Jahsun et Fred Bazil s’unissent pour un set explosif, avec une batterie bien ancrée mais parfois frénétique et un saxophone rugissant ; Engone Endong nous embarque dans le voyage riche et savoureux de la texture, de l’échantillonnage et du design sonore et Jason « Blackbird » Selman partage avec nous ses sentiments d’homme caribéen, ainsi que son poème « 8 things that make a black man cry », un échange très sincère accompagné par les lignes de basse les plus groovy du légendaire Mark Alan Haynes.
Plus près de la fin, mais pas tout à fait, Skin Tone, Jairus Sharif et Mustafa Rafiq se retrouvent non seulement dans un voyage musical, mais aussi spirituel, avec toutes ses belles rencontres et ses virages tortueux, où le bruit fusionne avec le drone, le free jazz et l’électronique – les sons de l’espoir, de la liberté et de la vision.
Pour le troisième et dernier set, la bassiste autodidacte bruxelloise Farida Amadou, qui a joué en solo sur la même scène le lendemain, rejoint Jahsun et Engone Endong dans une performance débridée, jusqu’au groupe emblématique Dark Maatr’ et un dernier moment d’improvisation qui laisse Casa inondée d’ondes sonores électrisantes et d’une énergie sacrée.
L’improvisation n’est pas seulement un moment de jeu, mais un espace intentionnel et plutôt émotionnel, intime, propice à la communauté, à l’alimentation et aux soins ; à la remise en question des structures et des systèmes, et pas seulement musicaux ; à l’écoute, au don et à la prise d’espace, à la libération de soi et d’autrui – Kalmunity est le projet qui fait sonner à l’unisson le très musical et le très politique sur la scène et en dehors ; qui transforme la réalité de la vie et de la lutte en espoir, en célébration, en amour, en gratitude et en résistance.