Après une première soirée où l’alignement du programme donnait dans la variété des performances, cette seconde soirée des Ultrasons 2024-2025 du 25 avril, consacrée aux œuvres des étudiant·es des programmes de musique numérique de l’Université de Montréal proposait un programme essentiellement acousmatique avec des œuvres sur support.
Pour l’occasion, l’intérieur de la Salle Claude-Champagne s’est métamorphosé en dôme de haut-parleurs et fut plongé dans le noir, pour permettre une posture et une atmosphère d’écoute optimale. D’emblée il nous faut le souligner, une soirée complète de pièce acousmatique, dont la durée oscille toujours généralement autour une dizaine de minutes, n’est pas nécessairement donnée aux oreilles les plus novices et même pour les plus habituées. On peut facilement se sentir submergé par ce flot continu de sons. Les œuvres qui ont cependant été présentées, bien que conçues sur le même support, avaient toute une personnalité sonore distincte, une griffe bien personnelle.
C’est la pièce acousmatique de Mikael Meunier-Bisson TG-DM-VAE-01 qui a ouvert la soirée. La pièce prend son titre du processus créatif qui la jalonne, soit un dialogue entre Tone Generator, Drum Machine et Variational Auto-Encoder. La matière y est granuleuse, semi-erratique et brute. D’une écologie sonore plus fraîche, Fun2 de Felipe-Emile Francoeur, est, comme son nom l’indique, une exploration stylistique dont les sujets principaux étaient le plaisir et le jeu. On y entendait des sons traités, rappelant la pièce précédente, mais également des éléments plus organiques.
Alexandre Hamel a offert une performance audiovisuelle avec Cagliari MK0, une suite spirituelle d’un projet de lutherie numérique élaboré dans une précédente session. Présent sur scène, le jeune compositeur manipule la matière sonore à l’aide d’un microcontrôleur Daisy Seed. Il n’est pas donné de toujours voir de près la manipulation qui est faite sur la machinerie utilisée. Hamel a démontré une bonne maîtrise de la matière sonore, sans tomber dans les excès ou la perte de contrôle du son, qui aurait saturé nos oreilles.
Lors de l’entracte, le foyer de la Salle Claude-Champagne a été le théâtre d’une performance de Z Neto Vinheiras avec sa pièce “here now all over again”. Le dispositif autour duquel s’était amassée une bonne partie du public comprenait 2 guitares électriques, 2 amplificateurs, une station de no-input et quelques pédales d’effet. Il en résultait une œuvre au rythme ondulatoire et à la pulsation constante dont l’intensité contrôlée par Z Neto Vinheiras variait en intensité, passant d’un grondement sourd à de légères distorsions.
La deuxième partie nous a donné à voir deux œuvres de vidéomusique. Citons Pieces de Kassandra Picazo, œuvre où la voix humaine est mise à l’honneur dans une superposition d’échantillonnage et Moi. Je. Elle. Est, court métrage expérimental de Gabriela Hébert où la musique venait accompagner de manière plus figurative les différents gestes de la comédienne Amélie Clément dans un environnement sonore plein de tensions.
Vivian Li, que le collègue Alain Brunet a interviewé l’année passée dans le cadre du festival Akousma, a présenté une des pièces les plus complètes au niveau du matériel textural. Baignant dans un son éthéré et cristallin en trame de fond, Sonic Memories, est un baume sensoriel, tout à fait en phase avec l’approche thérapeutique à la musique de la compositrice. Entre Deux Tempêtes de Clément Castaing, « explore les strates mouvantes de la mémoire, de l’introspection et du rêve » en utilisant comme matériau de base des enregistrements de terrains hivernaux et des mémos vocaux de l’enfance du compositeur. Il en ressort une pièce à l’esthétique décalée où les voix sont transformées, échantillonnées pour se fondre dans la nouvelle masse sonore.
Finalement, Brouillard I, pièce acousmatique d’Antonin Gougeon-Moisan mélange savant interventions d’instruments acoustiques enregistrés (piano, saxophone et clarinette basse) avec une esthétique alliant ambiant, noise et électronique dans un flot musical continu. Le traitement est savamment dosé, laissant à chaque texture un temps de développement. Il en ressort une œuvre à la fois onirique, mais aussi, par moment, explosive. Cette pièce d’ailleurs se retrouvera sur un album éponyme à paraître.
Devant une assistance d’au moins une centaine de personnes, les étudiantes ont livré des performances franches et sensibles et ont surtout démontré la maîtrise de la matière sonore qu’il possède et la variété de techniques qu’ils peuvent compter dans leur arsenal pour exprimer leur art. À aucun moment nous ne nous sommes sentis en présence de travaux juvéniles. Au contraire, chacun présentait une histoire, un but, une démarche et une esthétique qu’il nous était possible de discerner. S’il y a bien une chose que les professeurs Myriam Boucher, Dominic Thibault et Nicolas Bernier peuvent se dire, c’est qu’il y a de la relève dans le milieu. Et elle est belle et bonne.