Pour commémorer les 20 ans de la disparition du peintre Guido Molinari à qui le Quatuor Molinari doit son nom et le soutien indéfectible de sa fondation, un programme ambitieux fut présenté à la Salle Bourgie, ce mardi 22 octobre. Ce qui tombait sous le sens, puisque la salle est soudée au Musée des Beaux-Arts de Montréal. Ainsi, plusieurs œuvres du peintre ont été synchronisées avec l’exécution d’œuvres ayant été jouées par l’ensemble au fil du temps.
En premier lieu, une œuvre de la compositrice montréalaise Ana Sokolović , conçue au début de sa trajectoire. Cette commande du Quatuor était alors assortie d’une exigence : s’inspirer de l’univers visuel du fameux peintre montréalais. Déjà, on pouvait identifier la signature de la musicienne dans cette œuvre répartie en 8 mouvements imaginés sous formes de thèmes et variations : Mutation I – Tension- – Espace / asymétrique- Diagonale noire – Mutation II / triangle – Blanc dominant – Coda / continuum. Chaque mouvement implique des techniques d’écriture distinctes – usage de glissandos spectaculaires, pizzicatos éloquents, motifs froissés, spirales harmoniques, frottements et grincements de cordes, hachures rythmiques et plus encore. Enfin bref, une œuvre singulière et complète, laissant présager la grande carrière et la réputation internationale pleinement méritée d’Ana Sokolović dont le travail résistera au temps.
Deuxième œuvre au programme, Espaces fictifs de Maxime McKinley s’inspire aussi de d’œuvres de Guido Molinari et aussi d’échanges de haute volée avec Fernande Saint-Martin (1927-2019), éminente théoricienne de l’art qui fut sa conjointe. Dans un extrait de la Vidéothèque québécoise Quatuor Molinari, le compositeur explique avoir exploré « la « réversibilité, les juxtapositions et superpositions de motifs simples constamment reconfigurés, ainsi qu’à la notion d’intervalle rythmique en tant que distance ou écart plus ou moins grand qui sépare un élément et sa récurrence.
Cette pièce mise en outre sur le « dynamisme des contrastes très marqués ou, au contraire, des transformations extrêmement subtiles; des orientations horizontales, verticales ou diagonales; des continuums kaléidoscopiques jouant sur la mobilité des arrière-, moyen- et avant-plans; ainsi que des vibrations, des mutations et de l’énergie des couleurs. »
Ajoutons à cette éloquente explication l’exécution cohérente et appliquée du Quatuor Molinari dans l’exécution. On reçoit cette œuvre comme une spirale dynamique de courts tableaux et motifs culminant dans l’intensité, l’augmentation du volume des cordes et l’accélération du tempo avant de perdre de l’altitude et se poser en virevoltant.
L’exécution suivante fut celle du quatuor à cordes op.28 du compositeur autrichien Anton Webern, un des pionniers du dodécaphonisme, exécuté par erreur par un sniper américain au terme de la Seconde Guerre mondiale. Voilà qui nous rappelait les fondements de cette révolution dodé
Après la pause, le plat principal, soit le Quatuor à Cordes n°7 avec « soprano obligée » de R.Murray Schafer. On sait que le Molinari maîtrise parfaitement les quatuors de feu le grand compositeur canadien, le 7 se démarque des autres pour sa spatialisation et sa théâtralité. Des avions en papier géants de différentes couleurs sont disposés sur la scène, d’autres peintures ayant inspiré le concepteur de l’œuvre sont projetées sur écran géant pendant que déambulent les interprètes sur scène et dans les allées de la salle, tout en jouant leur parties. Jouées en solo, en duo, en trio ou en quatuor, assorties d’intervention schizoïdes et non moins flamboyantes de la soprano Odile Portugais, les composantes de cette œuvre innovante à l’époque de sa conception produisent l’effet escompté : ravissement, amusement, élévation.