Pendant que les meilleurs musiciens de jazz au monde se produisent gratuitement à l’extérieur au FIJM, le pianiste hollandais Joep Beving remplit deux Gesù dans une même soirée dominicale. Il se produit dos au public et s’exprime sur un piano droit. Il utilise toujours les mêmes procédés : mêmes motifs de la main gauche, mêmes progressions mélodico-harmoniques de la main droite, peu de vélocité.
On reconnaît des éléments de Satie, Chopin, Rachmaninov, Liszt, Ravel, Debussy, musique comme c’est le cas de l’immense majorité des pianistes néo-classiques dont le succès dépasse largement celui des des jazzmen et jazzwomen de tr;s haut niveau qui peinent à reconquérir un public ayant déserté les salles au cours des deux dernières décennies.
Alors on remplit certaines salles du FIJM avec les artistes du néoclassique, nettement plus fédérateurs et forcément plus rentables. Pour tant de consommateurs de musique, l’expérience classique ne passe pas par l’écoute des grandes oeuvres exécutées sur scène, on préfère des instrumentistes de seconde ou troisième division qui se produisent dans un contexte plus cool, plus relaxe et où l’on risque moins d’être jugé par l’élite mélomane dans des salles plus guindées, plus élitistes – le vilain mot!
Ainsi, Joep Beving compose de jolies musiques sur son piano droit pour se guérir des maux de l’humanité comme il nous le confie sur place. On peut comprendre que l’art est effectivement un refuge en cette époque de plus en plus trouble.Cela dit, convenons que son jeu est très limité, ce jeu compare à celui d’un bon pianiste adolescent qui s’apprête à étudier au niveau collégial. Pour ajouter à son charme, il a le look et la dégaine d’un hippie reclus dans une chaumière perdue en forêt.
Et ses fans l’écoutent religieusement. Et ils boivent chacune de ses notes. Et ils obéissent à ses consignes de ne pas applaudir entre les changements de compositions – ce qui est une bonne chose à mon sens. Et Jeop Beving, inutile de le prédire, continuera à faire ses choux gras de cette tapisserie pianistique qui enjolive néanmoins les existences de centaines de milliers de personnes.
Alors restons polis et respectueux, n’allons pas plus loin avant de se faire taxer de snob et de méprisant, de faire face à un feu nourri d’insultes.