Aucun média montréalais ne compte autant de ressources humaines pour une couverture experte du Festival international de jazz de Montréal. Nous sommes plusieurs à parcourir le site extérieur et les salles de concerts : Jacob Langlois-Pelletier, Frédéric Cardin, Stephan Boissonneault, Michel Labrecque, Varun Swarup, Vitta Morales et Alain Brunet vous offrent leurs recensions d’albums, compte-rendus de concerts et quelques interviews. Bonne lecture et bonne écoute!
Le jazz au service de la poésie était monnaie courante au tournant des années 60. Les poètes de la beat generation s’accompagnaient de jazzmen, à l’instar des écrivains afro-américains à l’époque de la lutte pour les droits civiques et des phases plus radicales du ras-le-bol black au USA dans les années 60 et 70. On se souvient aussi des Last Poets dont les déclamations syncopées furent (entre autres) à l’origine du rap tel qu’on le connaît aujourd’hui.
Le mariage entre poésie et jazz existe toujours, ses protagonistes sont quand même rarissimes aujourd’hui. Voilà exactement pourquoi Aja Monet, from Los Angeles, débarquait un vendredi soir au Studio TD et laissait souffler un vent d’air frais. Poésie consciente, écriture créative et engagée, à la fois pamphlétaire et sensible, à la fois privée et politique. Façon black américaine, un quartette de jazz contemporain accompagne cette trentenaire prolifique ayant publié de nombreux romans recueils de poésie et romans et ayant enregistré en 2023 le fort bel album When The Poems Do What They Do , matière principale de ce concert-déclamation donné 28 juin au FIJM.
Du point de vue de la forme littéraire, les mots sont directs, le sens est direct, quelques éléments formels transforment ces pamphlets et réflexions en art. Mais c’est surtout le timbre de la voix et le magnétisme de cette femme très intelligente et très belle. Son militantisme et sa conscience sociale ratissent large, du colonialisme européen au détriment des populations indigènes d’Amérique à la condition afro-américaine d’aujourd’hui en passant par la tragédie en cours dans la Bande de Gaza, la poussent à la dénonciation jusqu’à la crise de l’itinérance à Montréal. Voilà autant de couleuvres de l’injustice qu’elle s’applique à dévoiler sous les pierres de notre humanité à l’orée d’une de ses périodes les plus sombres de son histoire récente.
On ne prétend pas ici évaluer l’œuvre littéraire d’Aja Monet, on se contente de savourer cet événement où jazz et poésie sont de nouveau en symbiose. La grande classe !