Coup de cœur francophone | Mission accomplie pour Likouri et Madame Autruche

par Michel Labrecque

Assister à un spectacle au Quai Des Brumes, ce bar emblématique de la contre-culture du Plateau Mont-Royal, fait toujours ressortir une tonne de souvenirs. Les bières après les répétitions de chorale, les premiers shows de Lhasa De Sela, alors inconnue. Le lieu est magnifique et il est plein d’histoires.

Lesamedi  4 novembre, Coup de cœur francophone nous a présenté deux jeunes autrices-compositrices très différentes musicalement, mais très complémentaires au fil d’arrivée.

Likouri est chanteuse, accordéoniste et compositrice à la tête d’un sextette acoustique. Elle aime raconter ses histoires de vie, plutôt tristes, mais avec beaucoup d’humour. Dès le départ, elle nous invite à entrer dans son « chaos organisé », nous parle de fuite, de whisky et de déni du paradis. 

Alors que ses monologues sont présentés en français québécois, ses chansons, elles, sont écrites en français de France. La musique est un mélange de valse musette, de tzigane, de klezmer, avec quelques saillies jazz. Accordéon, violon, violoncelle, contrebasse, clarinette et bandolim. Un joli mélange, que toutefois l’acoustique du bar ne permet pas d’apprécier pleinement. 

Le spectacle reprend plusieurs chansons du seul album de Likouri, Aza ainsi que de nouvelles pièces, dont deux sont chantées dans un espagnol très convenable. 

Mais c’est surtout la personnalité de Likouri,  capable d’une grande autodérision, qui semble avoir gagné les cœurs. 

À la fin de la performance, elle a revêtu un keffieh, le foulard palestinien, pour exprimer son indignation face aux bombardements Israéliens sur Gaza et à l’apartheid qui y règne depuis des décennies. C’était bien senti. Sauf qu’elle n’a jamais parlé des morts israéliens du 7 octobre. Ce qui m’a laissé sur un malaise. 

Madame Autruche, alias Mélisande Archambault, a pris le relais, avec son violon et son trio de musiciens. Une musique folk, rock, atmosphérique, assortie de textes très personnels. 

J’ai découvert Madame Autruche l’été dernier dans un lieu très improbable: Ste-Rose du Nord, petit village sur le fjord du Saguenay, où elle se produisait dans un bar minuscule. J’ai été séduit par la proposition. Cette femme a construit une identité personnelle. 

Par la suite, j’ai appris que Mélisande Archambault a travaillé avec les groupes Canaille, Groenland et Les Royals Pickles. Et que Madame Autruche avait fait deux albums: Les Pentes Glissantes en 2019 et Réveillez-moi quand il fera beau en 2023.  

S’il y a un trait commun entre Likouri et Madame Autruche, c’est la capacité d’autodérision. Féminine. Mais qui laisse une place à la jubilation.

Mélisande Archambault n’est pas une virtuose du violon, mais elle sait se servir très intelligemment de son instrument pour en tirer le meilleur. Les trois musiciens accompagnateurs sont talentueux , particulièrement le guitariste , qui a ficelé des solos très inspirés. On en aurait pris davantage. 

L’esprit du Coup de cœur francophone, c’est la découverte. À cet égard, cette soirée est une mission accomplie.

Chanson francophone / folk progressif / jazz / rock prog

Coup de cœur francophone | Pierre Flynn, lumineux ténébreux

par Claude André

Tout vêtu de noir, arborant chapeau et barbe poivre et sel, Pierre Flynn s’est présenté hier sur la scène du superbe Gesù sous un faisceau blanc en nous parlant de cette voix angélique qu’il a entendu un jour avant de s’installer au piano pour Je suis tout seul dans le noir.

 À voir la façon très chaleureuse dont le public l’accueille, on se dit qu’il y a quelque chose de légèrement mystique dans cette relation qui le lie certes à ses fidèles, mais aussi dans sa dégaine de ténébreux lumineux.

« Pierre Flynn, 50 years of progressive rock »… C’est cette phrase entendue à… CHOM FM, et soufflée par son voisin anglo un beau matin, qui aura servi de prétexte à cette rencontre avec « quelques copains », puisque ce grand procrastinateur n’a rien de neuf à proposer coté chanson.

Qu’à cela ne tienne, il en a ressorti quelques-unes qui dormaient dans sa garde-robe, dont le classique rock La Maudite machine de son ancienne formation Octobre. Une relecture vachement bien rendue, lorsque seul avec sa guitare et ses samples, il nous aura fait balancer la tête et taper du pied à l’unisson. Moment rare et précieux, car longtemps il refusa de la reprendre puisqu’elle lui torturait trop la nostalgie. Ce qui nous a valu une autre de ses anecdotes savoureuses dont le spectacle est truffé, celle du temps de sa jeunesse où il traînait dans le Vieux-Montréal, lorsqu’on pouvait compter sur la police de Montréal pour faire repartir le party à coup de matraque quand, vers minuit, il commençait à s’éteindre.

Des rencontres 

Ou cette autre scène de vie faisant allusion à sa rencontre avec un autre beau torturé : Gilbert Langevin. Poète engagé trop méconnu qui lui offrit Si ciel il y a, après une nuit bien arrosée où il se fit tabasser par des Hells qu’il avait « un peu bavé ». Sans oublier ce face à face avec Renée Martel dans un resto de l’Estrie qu’il n’avait pas reconnue, mais qui, pas rancunière, lui demanda plus tard une chanson et ce fut Nous vivrons. Hier soir, le public eut même droit à une relecture du Petit Roi, associé à Ferland mais de Michel Robidoux. L’homme qui tirait aussi les ficelles quand Charlebois, après sa période très chansonnier, est devenu « une bibitte à patates post nucléaire sur l’acide » s’amuse Flynn.

Alter ego de Michel Faubert, qui signe d’ailleurs la mise en scène de ce spectacle intimiste, Flynn fait fort avec Possession lorsque muni d’une lourde chaîne, il marque la cadence en la tapant par terre, dans un amas de lumière rouge. C’est à ce moment-là qu’on se souvient que Flynn, moins tapageur que certains de ses collègues, a quand même tissé, au fil des ans, un collier de chansons qui demeurent parmi les plus belles du corpus québécois et dont plusieurs ont été des tubes : Sur la route, Jardins de Babylone et autres 24 secondes.

Sensibilité pudique, mélodies de haut vol, métaphores bien ficelées, Flynn nous a rappelé hier qu’il fait partie du gotha de la chanson francophone imbibée d’américanité. À consommer sans modération.

crédit photo: Jean-François Leblanc

SMCQ | À la croisée des pianos 8 : Moritz Ernst complète le cycle avec succès

par Elena Mandolini

La SMCQ présente du 3 au 5 novembre un véritable marathon pianistique. Une série de huit concerts sera présentée à la salle de concert du Conservatoire de musique et d’art dramatique de Montréal et se présente comme un rendez-vous à ne pas manquer en piano contemporain. L’équipe de PAN M 360 assiste à cet événement et vous font part de leurs impressions tout au long de ces trois jours.

Pour le dernier volet de 8 concerts organisés par la SMCQ autour du répertoire contemporain, Moritz Ernst a de nouveau pris la scène pour compléter le cycle de Sandeep Bhagwati, Music of Crossings, grand cycle de 36 fragments qui avait été amorcé vendredi soir. Ce récital a également clos le marathon proposé par la SMCQ.

Ernst n’a pas déçu le public, maintenant tout au long du concert un jeu de très haut niveau, comme il nous y avait habitué déjà dans ses deux autres interprétations de la musique de Bhagwati. Des fragments présentés dimanche semblait se détacher un thème plus onirique et parfois humoristique. En effet, les fragments, toujours accompagnés d’un court texte projeté sur le mur du fond de la salle, étaient parfois épurés, aux lignes mélodiques résonantes. Ces extraits invitaient à la contemplation et au recueillement. Inversement, certains fragments, très rythmiques, débordaient d’une énergie contagieuse et parfois ludique. De nouveau, le répertoire proposé était tout en contrastes, et Moritz Ernst a su souligner ces contrastes de manière très convaincante. Le pianiste a de nouveau réaffirmé sa grande polyvalence en tant que pianiste, autant dans son agilité que dans sa sensibilité.

Les dernières notes du dernier fragment, du dernier concert de la soirée et de la série étaient jouées pianissimo, s’estompant dans la salle. Le public a observé en silence cette finale tout à fait réussie et pleine de recueillement. Le pianiste et le compositeur ont été chaudement applaudis, ce qui était grandement mérité. Une superbe conclusion à ce marathon!

Pour connaître la programmation complète de la SMCQ, c’est ICI!

musique contemporaine

SMCQ | À la croisée des pianos 7: Daniel Áñez et Brigitte Poulin au service de…

par Alain Brunet

La SMCQ présente du 3 au 5 novembre un véritable marathon pianistique. Une série de huit concerts sera présentée à la salle de concert du Conservatoire de musique et d’art dramatique de Montréal et se présente comme un rendez-vous à ne pas manquer en piano contemporain. L’équipe de PAN M 360 assiste à cet événement et vous font part de leurs impressions tout au long de ces trois jours.

Wiegenmusik et Guero, œuvres d’Helmut Lachenmann créées respectivement en 1963 et en 1969, se penchent sur les sonorités que produisent le toucher des ivoires et de la table d’harmonie, sans que des notes en bonne et due forme soient déclenchées par l’instrument, sauf exception. 

Le pianiste  Daniel Áñez devra ensuite changer d’instrument pour un autre, car le Conservatoire ne permet aucune intervention interne sur ses meilleurs pianos. Le soliste revient sur scène et cette fois, c’est Turkey Track Horizon de Gordon Monahan. Le  discours mélodico-harmonique est fragmenté, les notes sont éparses, le discours on ne peut plus minimaliste. Puis les phrases s’enrichissent, la main gauche joue des notes plus fortes et plus franches pour ensuite retourner progressivement au calme initial.

Vient ensuite Sempre d’Émilie Girard-Charest, créée en 2019,  consacrée à la répétition de motifs atonaux très simples et très percussifs, martelés pendant de longues minutes avant de faire place à un seule note quelques fois répétées avant la reprise du martèlement.

Le deuxième volet pianistique du programme est assuré par l’interprète Brigitte Poulin, qui se consacre d’abord à 2 extraits de Rivers d’Ann Southam, créée en 1981. Une séquence introspective, soit la partie 6 de l’œuvre,  précède la partie 6, soit la fort belle cascade d’un même motif exécuté par les deux mains et qui se rend à bon port. 

Puis se succèdent de courtes œuvres exécutées par Brigitte Poulin, Six Encores de Luciano Berio, cette fois consonantes, tonales, méditatives, de plus en plus fortes en volume jusqu’au fil d’arrivée.

On se dirige alors vers une œuvre de Jocelyn Morlock, Korybantic, véritable foisonnement d’harmonies modernes assorties de notes plus agressivement générées par l’interprète avant qu’elle n’actionne un motif de la main gauche en soutien à une main droite élaborant un solide complément.
Le programme se termine  par une autre intervention de Marie-Annick Béliveau, cette fois 3 extraits bien sentis des Chants du capricorne de Giacinto Scelsi, une œuvre vocale contemporaine imaginée au long des années 60.

musique contemporaine

SMCQ | À la croisée des pianos 6: Eric Bertsch et l’œuvre ambitieuse de Marco Stroppa

par Alain Brunet

La SMCQ présente du 3 au 5 novembre un véritable marathon pianistique. Une série de huit concerts sera présentée à la salle de concert du Conservatoire de musique et d’art dramatique de Montréal et se présente comme un rendez-vous à ne pas manquer en piano contemporain. L’équipe de PAN M 360 assiste à cet événement et vous font part de leurs impressions tout au long de ces trois jours.

Au début de l’après-midi dominical, Erik Bertsch interprétait une œuvre ambitieuse, composée en 1976 par Marco Stroppa, et retouchée au fil du temps: Miniature estrose – Primo libro.

Pendant une heure approx, nous avons été plongés dans une esthétique typique de cette époque où l’atonalité, l’arythmie et des procédés atypiques d’ajustement des pédales (pour en varier la réverbération) servaient des constructions éminemment complexes à exécuter, exigeant une grande virtuosité. 

Déployée en 7 parties précédées d’un ajustement des pédales du piano, cette œuvre implique effectivement différentes techniques pianistiques et intentions « dramatiques »,  parfaitement inscrite dans l’époque de la conception de cette œuvre. La variété des effets exécutés par Erik Bertsch est tout simplement remarquable: trilles insistantes, clapotis harmoniques, clusters de notes exécutées par les deux mains, salves percussives, effets de réverbération sur tout le registre du clavier, usage interne de la table d’harmonie, on en passe.

Au milieu des années 70, cette esthétique atonale sans compromis tonal ou modal dominait encore largement le paysage de la musique contemporaine, et l’on peut aujourd’hui voir dans cette œuvre un document historique à tout le moins instructif.

En fin de programme, la mezzo soprano Marie-Annick Béliveau “accueillait” les mélomanes à la sortie de la salle du Conservatoire pour y exécuter en plus ou moins une dizaine de minutes deux titres consécutif du compositeur montréalais Sandeep Bagwati – Raggerlieder et Virelais for Virus Days, cette dernière étant un discours atonal sur fond linéaire de fréquences électroniques.

musique contemporaine

SMCQ | À la croisée des pianos 5 : Moritz Ernst un samedi soir

par Alain Brunet

La SMCQ présente du 3 au 5 novembre un véritable marathon pianistique. Une série de huit concerts sera présentée à la salle de concert du Conservatoire de musique et d’art dramatique de Montréal et se présente comme un rendez-vous à ne pas manquer en piano contemporain. L’équipe de PAN M 360 assiste à cet événement et vous font part de leurs impressions tout au long de ces trois jours.

Moritz Ernst débarque sur scène avec des gants coupés au milieu des doigts. On comprendra que les techniques exigées par certaines œuvres impliquent les poings, les jointures et la paume de la main, ce qui explique cette protection. Il amorce ce récital par Aqua Sonare de la compositrice Anna Korsun,  Une courte phrase mélodique exécutée à la main droite se veut le liant d’une série de vrombissements et martèlements pianistiques qui font ressortir les harmoniques. 

D’une rigueur implacable, le pianiste allemand poursuivait avec Philip the Wanderer de Cassandra Miller, qui s’amorce dans les notes les plus graves du clavier et des effets de pédales qui en accentuent la réverbération. Encore là, on assiste à une quête texturale et non à un discours fondé sur l’articulation mélodico-harmonique, qui se développe dans les notes graves et les harmoniques infra-graves et progresse très lentement vers des fréquences médianes effectuées à la main droite pour conclure à une sorte de bourgeonnement harmonique généré par les deux mains et qui se conclut sur des notes aiguës exécutées par la droite.

Vient ensuite hundertelf de Sarah Nemstov, une des plus intéressantes au programme, suite de clapotis pianistiques et d’effets de résonnance.  Les choix harmoniques, consonants et dissonants, sont tout à fait circonspects et produisent une facture générale unique.

On enchaîne avec une création sans titre définitif du compositeur Serge Arcuri. Voilà un discours plutôt calme, exploitant tous les intervalles de l’instrument, non sans rappeler les explorations contemporaines du siècle précédent. Or, on y trouve aussi des accords consonants, des séquences tout à fait tonales.Nous avons affaire ici à une œuvre hybride puisant dans différentes périodes de la musique occidentale.

On conclut le tout par la 4e partie de Klavierstück X de feu Karlheinz Stockhausen, répartie en 11 tableaux et composée en 1961. Parfaitement représentative de cette époque « prise de tête » de la musique contemporaine, excluant à peu près tous les référents musicaux des époques antérieures de la musique européenne. Violente, percussive, authentique esclandre pianistique, cette œuvre illustre les  recherches esthétiques mise de l’avant par la fameuse école de Darmstadt à la fin des années 40.

musique contemporaine

SMCQ | À la croisée des pianos 4 : Moritz Ernst poursuit le cycle

par Alexandre Villemaire

La SMCQ présente du 3 au 5 novembre un véritable marathon pianistique. Une série de huit concerts sera présentée à la salle de concert du Conservatoire de musique et d’art dramatique de Montréal et se présente comme un rendez-vous à ne pas manquer en piano contemporain. L’équipe de PAN M 360 assiste à cet événement et vous font part de leurs impressions tout au long de ces trois jours.

Le pianiste allemand Moritz Ernst poursuit la présentation entamée la veille du grand cycle pour piano Music of Crossings de Sandeep Bhagwati. Composé de 36 fragments, cette deuxième partie mettait de l’avant  douze d’entres eux. La suite des fragments proposés dans le programme offrait un bon dosage entre exubérance, légèreté, drame et lyrisme. Faisant appel à 4 vecteurs compositionnel (choix des hauteurs, dramaturgie interne de la musique, texture des deux mains et articulation des doigts) organisé de différentes manières chacune des pièces étaient accompagné d’un poème – la plus part du temps de la main de Bhagwati -, ce qui donnait du relief à sa signification musicale. Ainsi, le fragment 26 « espèce de mouche » avec ces traits véloce dans l’aigu créé un bourdonnement évoquant une nué d’insecte alors que le fragment 19 « diabellissimo » (pour Ludwig van Beethoven) évoque parfaitement, par ses accords pesant dans le grave au dessus desquelles s’agite des notes frénétiques, le caractère bouillant et intempestif du compositeur allemand, pour ne nommer que ceux-ci. La nature amovible et indépendante de chacun des fragments créé un narratif sonore dans lequel le public est happé et se sent investie dans l’univers sonore qui se dessine devant lui, appréhendant quelle fenêtre va s’ouvrir devant lui. Il régnait dans la Salle de concert du Conservatoire un état d’esprit absorbé et engagé devant le déroulement de ce récit. L’intérêt de l’auditoire à suivre ce qui l’attend était également entretenu par la concentration et l’intensité de Moritz Ernst, parfaitement juste dans son interprétation sensible et dynamique.

Pour connaître les prochains concerts de la série À la croisée des pianos, cliquez ICI.

Pour connaître la programmation complète de la SMCQ, c’est ICI.

Crédit photo : Alain Lefort

musique contemporaine

SMCQ | À la croisée des pianos 3 : Erik Bertsch et Pamela Reimer

par Alexandre Villemaire

La SMCQ présente du 3 au 5 novembre un véritable marathon pianistique. Une série de huit concerts sera présentée à la salle de concert du Conservatoire de musique et d’art dramatique de Montréal et se présente comme un rendez-vous à ne pas manquer en piano contemporain. L’équipe de PAN M 360 assiste à cet événement et vous font part de leurs impressions tout au long de ces trois jours.

Porté par les pianistes Erik Bertsch et Pamela Reimer, le troisième récital a offert en deux parties un éventail d’univers lumineux et percussif mettant chacune de l’avant deux créations. Jouant dans la première partie, Erik Bertsch a créé les twenty habituels de Michael Oesterle. Miniatures pour piano, réminiscentes par moment des musiques françaises et allemande de la première moitié du XXe siècle, ces courtes pièces présentent des caractères et dynamiques contrastantes exprimant chacune des idées thématiques récurrentes. De Fabio Nieder, Vom Himmel hoch, da kommt eim Engel ha zu Dir est basé sur le choral éponyme de Martin Luther. La citation musicale est ici  présentée sur les quatre octaves du piano dans un tempo tellement lent, que la mélodie augmenter en valeur longue et fait usage de la résonnance et des harmoniques du piano pour créer une atmosphère planante. Enchaînant dans cette même esthétique de résonnance aérienne, les Études boréales d’Ivan Fedele proposent une dynamique active, lumineuse avec des agrégats sonores soutenus par une résonnance engagée de la pédale una corda du piano. Erik Bertsch a livré les pièces avec une grande maitrise technique et attentive aux nuances, particulièrement dans la pièce de Nieder.


En deuxième partie de récital, Pamela Reimer a offert un programme plus explosif. La Sequenza IV de Luciano Berio est dense et typique de l’écriture de l’école de Darmstadt. Thema mit 840 Variationen d’Enno Poppe explore comme une idée motivique simple peut être développée dans des proportions imposantes avec un thème d’un seul intervalle de seconde, qui se déploie sur l’étendue du piano avec force. Deuxième  création de la soirée, Salto Piano Montale, de Yuliya Zakharava  a été composé pour et en collaboration avec Pamela Reimer. Il s’agit d’un pastiche stylistique hétéroclite au travers duquel se greffe différentes citations musicales, de Bach, au folklore biélorusse, à la chanson de guerre ukrainienne en passant même par I Will Survive! La final de la pièce est réservé à une improvisation. Reimer pour le coup à livré un passage nous évoquant Hymn to Freedom d’Oscar Peterson.

Pour connaître les prochains concerts de la série À la croisée des pianos, cliquez ICI.

Pour connaître la programmation complète de la SMCQ, c’est ICI.

musique contemporaine

SMCQ | À la croisée des pianos 2 : Contrastes et classiques du répertoire contemporain à l’honneur

par Elena Mandolini

La SMCQ présente du 3 au 5 novembre un véritable marathon pianistique. Une série de huit concerts sera présentée à la salle de concert du Conservatoire de musique et d’art dramatique de Montréal et se présente comme un rendez-vous à ne pas manquer en piano contemporain. L’équipe de PAN M 360 assiste à cet événement et vous font part de leurs impressions tout au long de ces trois jours.

Le deuxième événement de la série de huit présenté par la SMCQ laissait place à deux pianistes, Viktor Lazarov et Philippe Prud’homme. Actifs depuis longtemps, les qualités de ces deux interprètes sont déjà connues, et ils ont pu les réaffirmer dans un programme qui leur était d’apparence très personnel.

Viktor Lazarov a d’abord interprété Bolero in Dark Red, une oeuvre de Snežana Nešić, œuvre au langage tout à fait actuel, explorant les potentiels sonores du piano. La seconde pièce était en contraste total. Waltz, de Leon Miodrag Lazarov Pashu, composée en 2008, rappelait les valses de l’époque romantique, avec son thème envoutant et ses passages rubato puissants. Deux œuvres de langage totalement opposé, mais qui laissaient voir la grande variété d’œuvres du XXIe siècle. Lazarov rend tout à fait justice à ces deux oeuvres et démontre par le fait même sa grande polyvalence en tant que pianiste.

De son côté, Philippe Prud’homme a lui aussi offert un voyage à travers les styles compositionnels pour le piano de la seconde moitié du XXe siècle jusqu’à aujourd’hui. Dans son récital également, l’on remarque également à quel point les compositeurs contemporains s’efforcent de repousser les possibilités sonores de l’instrument qu’est le piano. Son programme contenait des œuvres « classiques » du répertoire pour piano contemporain, par François Morel et Silvio Palmieri, mais aussi par Francis Battah. Là aussi, le jeu de Prud’homme se démarque par ses contrastes de nuances et de tons. Son jeu expressif est remarquable, et il a manifestement beaucoup de plaisir à partager ces pièces qui l’accompagnent depuis plusieurs années déjà.

Ce deuxième concert de la série À la croisée des pianos aura été sous le signe du contraste. Ce programme savamment monté aura su démontrer la grande variété du répertoire pour piano actuel. Cette fin de semaine s’annonce des plus intéressantes!

Pour connaître les prochains concerts de la série À la croisée des pianos, cliquez ICI.

Pour connaître la programmation complète de la SMCQ, c’est ICI.

musique contemporaine

SMCQ | À la croisée des pianos 1 : Moritz Ernst et l’univers sonore et littéraire de Sandeep Bhagwati

par Elena Mandolini

La SMCQ présente du 3 au 5 novembre un véritable marathon pianistique. Une série de huit concerts sera présentée à la salle de concert du Conservatoire de musique et d’art dramatique de Montréal et se présente comme un rendez-vous à ne pas manquer en piano contemporain. L’équipe de PAN M 360 assiste à cet événement et vous font part de leurs impressions tout au long de ces trois jours.

Le premier concert de huit dans cette grande série de la SMCQ se consacre au cycle de grande envergure de Sandeep Bhagwati, Music of Crossings. Ce cycle, que Bhagwati a composé spontanément pour le pianiste Moritz Ernst, sera entendu cette fin de semaine pour la première fois dans sa forme intégrale, en trois parties. Moritz Ernst en assure lui-même la création nord-américaine. Cet événement est d’autant plus spécial puisque la SMCQ consacre cette année sa série hommage à Sandeep Bhagwati.

L’œuvre en tant que telle se compose de 36 fragments, de durées et de styles variables. À l’origine de ces fragments, des poèmes, et des structures intrinsèquement littéraires. À l’écoute de chaque morceau, les textes correspondants sont projetés sur le mur du fond de la salle, un geste apprécié, puisqu’il permet d’approfondir l’écoute des œuvres. En quelques sortes, nous assistons ici à un concert intermédial.

Le jeu de Moritz Ernst est irréprochable : les contrastes entre les fragments (en termes de nuances, tons, effets, etc.) sont convaincants et touchants. Certains fragments s’apparentent à des études de sonorités, ou nous sommes invités à goûter aux intervalles et aux lignes mélodiques dépouillées. En revanche, d’autres fragments sont des torrents de notes, dans lesquels les deux mains du pianiste sont complètement indépendantes. Ernst offre une performance impressionnante et de très grande qualité. Son jeu est toujours d’une grande justesse, s’adaptant au langage de chaque fragment : lyrique, dépouillé, résonnant, intime.

Ce premier concert est une ouverture parfaite à ce marathon musical qui s’annonce d’être des plus agréables et rempli de belles découvertes musicales. La suite de ce cycle sera présentée samedi à 18h (deuxième partie) et dimanche à 18h (troisième et dernière partie).

Pour connaître les prochains concerts de la série À la croisée des pianos, cliquez ICI.

Pour connaître la programmation complète de la SMCQ, c’est ICI.

Coup de Coeur Francophone | Comment Debord et Thaïs au Club Soda

par Théo Reinhardt

Comment Debord, grande famille

C’est dans un Club Soda plus que rempli que le septuor du groove Comment Debord a montré de quel bois il se chauffait. Le tout commence par un jam entre les deux percussionnistes, qui fait monter l’excitation de la foule, relâchée enfin quand les premières notes de Chandail principal sont entendues. S’ensuit une célébration de leur nouvel album Monde autour, avec ses titres rock, décontractés, et parfois intimes.

La force de Comment Debord en concert, c’est qu’ils nous font entrer directement dans la gang. Ils nous parlent comme si nous n’étions pas si loin d’être des amis, comme si nous les avions déjà rencontrés auparavant. Au milieu du spectacle, le chanteur Rémi Gauvin sort un papier de sa poche avec quelques questions préparées pour mieux connaître le public: « Qui ici gère son éco-anxiété en microdosant du mush? », « Qui joue à Donjons Dragons? », suivi de « Qui a fait l’amour aujourd’hui? », chaque question suivie d’une quantité variable d’applaudissements, sauf « Qui a déjà fumé du pot? », qui était pratiquement unanime.

Comment Debord est donc ce groupe de non-stressés et non-stressants, qui savent comment jouer de la bonne musique, mais qui n’en font pas un plat. Les regards complices, les rires, les nombreux solos de guitare, basse, batterie, ainsi que les breaks instrumentaux… du bonbon, quoi. Jeunes énervés ou vieux nostalgiques, ne manquez pas une chance d’aller voir ce groupe.

Thaïs, entre voltige et planement

C’est ThaÏs, cette autrice-compositrice-interprète montréalaise née à Paris, qui offrait la première prestation de la soirée. En formule sobre, accompagnée de son clavier, son synthétiseur et d’un batteur, elle a quand même pu bien rendre ses morceaux. Les chansons ont un fond doux, mais sont rehaussées par des rythmes entraînants qui mènent parfois à de délectables sommets d’énergie. 

C’est une pop chaude et aérienne qui nous est présentée, sur laquelle la voix de l’artiste peut aussi bien courir entre les mots que voltiger sur une voyelle. Entre les chansons, Thaïs parle très vite, fait des blagues spontanées, opère la ligne entre la nervosité et l’adrénaline. À un moment, elle nous joue sa reprise de Blanche, d’Ariane Moffatt. C’est la chanson qui la voit se déployer le plus vocalement. Et elle est capable de voler bien haut, Thaïs! On souhaite voir plus de ce relâchement.

Photos par Théo Reinhardt

FMA | Koum Tara : Bienvenue dans le ChaâbJazz

par Frédéric Cardin

Le Festival de Monde arabe accueillait vendredi le groupe franco-algérien (et lyonnais) Koum Tara, à la 5e Salle de la Place des Arts. Un octuor éclectique, formé d’un trio jazz (piano/synthétiseur, contrebasse, percussions), d’un quatuor à cordes et d’un oud (avec double emploi de chanteur). La proposition musicale, fort intéressante, est celle d’un syncrétisme accessible et raffiné. La structure générale des pièces au programme est bien définie, de l’ordre de la chanson populaire arabe, le chaabi, et résolument basée sur la mélodie. Nous ne sommes pas dans le monde des atmosphères ou de la recherche timbrale. Nous ne sommes pas non plus dans une fusion tendant vers la musique savante contemporaine, comme chez Anouar Brahem. La façon Koum Tara est tournée vers le ludisme.

Cela dit, l’approche Koum Tara demeure originale et audacieuse, faisant savamment osciller les inflexions harmoniques typiquement arabes vers le jazz, et vice-versa, si bien qu’à certains moments, on ne sait plus dans quel monde nous sommes. En fait, nous sommes dans un autre monde, une sorte de quintessence qui surpasse la sommes des parties. Des chansons existantes du répertoire algérien cohabitent avec des mélodies originales, parfois dans la même pièce. Reconnaît-on ici tel titre qu’aurait pu chanter Dahmane El Harrachi que presque immédiatement on se retrouve ailleurs, dans une vision résolument jazz du style. C’est fait avec beaucoup de fluidité, ce qui laisse deviner une connaissance fine et fouillée des deux univers culturels de la part de Karim Morris, solide leader au piano et synthétiseur et arrangeur/compositeur inspiré du groupe.

Celui-ci s’amuse souvent, d’ailleurs, à brouiller encore plus les lignes de démarcation stylistique en métamorphosant des phrases mélodiques héritées du chaâbi classique en impros jazz moderne puis en musique afro-cubaine. La planète est ainsi rapetissée en village culturel où, comme on dit, « toute est dans toute ».

Morris offre passablement de terrains de jeu à ses collègues. On remarque la belle présence de chaque portion de l’ensemble : le trio jazz a de l’espace pour s’exprimer, le quatuor à cordes n’est pas limité à un rôle de simple soutien harmonique avec de très beaux passages en contrepoint et des variations intéressantes sur le matériau mélodie que base, et le oudiste et chanteur (Hamidou) est le point central de la majorité des pièces. La cohérence holistique est rodée au quart de tour. Pas d’hésitations ni de désaccord rythmique. En ce sens, la musique de Koum Tara emprunte également à la musique classique pour sa rigueur structurelle et son extrême précision interprétative. C’est beau, le travail bien fait.

Ce genre de mélange entre classique, jazz et « world », mais trempé dans une structure résolument limpide et de style « musique populaire » me fait penser à ce que pourrait jouer le Penguin Café Orchestra (s’il était encore actif) accompagné du Turtle Island String Quartet. 

Très agréable.

Inscrivez-vous à l'infolettre