dance-punk / hardcore / synth-punk

Taverne Tour Jour 1 : les Deli Girls déclenchent la machine de guerre du hardcore numérique

par Stephan Boissonneault

Après un set endiablé du duo new wave punk expérimental et bruitiste de Toronto,  @slashneed le public du Taverne Tour au Ministère n’était peut-être pas préparé à ce qui allait suivre. Les Deli Girls de Brooklyn, New York, un autre duo qui plonge dans la furie dance-punk, sont montés sur scène et ont apporté avec eux un mur de sons distordus qui ressemblait parfois à un avion qui décolle, à un mur de verre qui se brise, ou à une folie synthétisée. Tout cela grâce au DJ masqué des Deli Girls, Hatechild.

Le leader du groupe, Dan Orlowski, a amorcé le set avec des rires autotunés maniaques, arborant une peinture de guerre à la Joker et une jupe à carreaux sur laquelle on pouvait lire « Suck My Dick » (sucez ma bite). Après quelques cris bien préparés sur la douleur et l’effondrement de la société, Orlowski a regardé la foule et a dit « Do you guys mosh ? » avant de se jeter dans la foule et d’écraser son corps contre et avec la foule dans une discordance pleine de sueur. Orlowski a peut-être les cris les plus maîtrisés que je n’ai jamais entendus, une éthique purement punk rock et une dégaine numérique parfaitement exécutée, frôlant l’hyper pop, la synthwave et les breakbeats. Le set était un pur arcane, incomparable sur la carte des concerts montréalais. Qu’on se le dise, ces Deli Girls représentent une espèce rare.

27e Gala des Prix Opus : tous les résultats

par Alexandre Villemaire

Le grand rendez-vous annuel du milieu musical québécois battait son plein pour sa vingt-septième édition à la Salle Bourgie ce dimanche 4 février. Réunissant interprètes, diffuseurs et artisans de la musique de concert, c’est 30 prix, dont 8 prix spéciaux bonifiés, qui ont été remis par le Conseil québécois de la musique et différents partenaires pour saluer et honorer leur travail.

L’animation a, pour une troisième année consécutive, été confiée au comédien Jocelyn Lebeau qui a offert une présentation dynamique et rythmée reprenant la formule moins conservatrice de la précédente édition axée sur des blocs de prix et des discussions avec trois ou quatre lauréat.e.s de différentes catégories au lieu des traditionnels remerciements.

Ces discussions où les lauréat.e.s étaient invité.e.s à choisir un mot résumant leur projet, a donné lieu de beaux échanges ainsi qu’à de petits moments cocasses. L’animation musicale du gala a entre autres été assurée par l’ensemble collectif9, qui en plus du numéro d’ouverture et de clôture de la cérémonie, a ponctué de diverses interventions instrumentales l’annonce des récipiendaires.

e public a également été transporté par l’interprétation endiablée de la Fantaisie-Impromptue op. 66 de Chopin par Serhiy Salov et envoûté par la musique du Masmoudi Quartette avec leur pièce Labyrinthe où jazz, tango et musique klezmer se côtoient.  Encadrant ces interventions, les numéros d’ouverture et de clôture ont mis respectivement de l’avant les œuvres de Nicole Lizée (Another Living Soul) et du compositeur roumain Sapo Perapaskero (Tot Taraful) dans ce qui était à notre sens, une des animations musicales les plus variés diversifiés et intéressante des dernières éditions.  

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Voici donc les lauréat.e.s de la saison 2022-2023 :

Concerts

Concert de l’année – Musiques médiévale, de la Renaissance, baroque

Alcina de Handel : l’enchantement, Les Violons du Roy, Jonathan Cohen, chef, Karina Gauvin, Lucy Crowe, Rowan Pierce, sopranos, Kayleigh Decker, mezzo-soprano, Stuart Jackson, ténor, Avery Amereau, contralto, Nathan Berg, basse, 9 février 2023

Concert de l’année Musiques classique, romantique, postromantique

Les notes lumineuses, Bruce Liu, piano, Société musicale Fernand-Lindsay – Opus 130 et le Centre culturel Desjardins de Joliette, 23 avril 2023

Concert de l’année Musiques moderne, contemporaine

Le Quatuor selon Berio, Quatuor Molinari, 19 mai 2023

Concert de l’annéeMusiques actuelle, électroacoustique

Elle a son mot à dire, Ensemble SuperMusique, Joane Hétu, cheffe, Productions SuperMusique, en collaboration avec le Groupe Le Vivier, 3 mai 2023

Concert de l’année – Jazz

Marianne Trudel, piano solo: “ La musique et la vie ”, Marianne Trudel, piano, 12 février 2023

Concert de l’annéeMusiques du monde

Transcestral – Rencontre soufie et autochtone, Oktoecho, Katia Makdissi-Warren, compositrice et cheffe d’orchestre, Anouar Barrada, chant soufi, Buffalo Hat Singers, Moe Clark, chant et tambour, Nina Segalowitz, chant de gorge inuit, Joséphine Bacon, poésie, chant et les artistes, 9 décembre 2022

Concert de l’année Répertoires multiples

Antoine Tamestit : Bach, Chostakovitch et Stradivarius, Les Violons du Roy, Antoine Tamestit, chef, 13 avril 2023

Albums

Album de l’année – Musiques médiévale, de la Renaissance, baroque

Jean Baur: Chamber Music, Accademia de’ Dissonanti, Passacaille Records

Album de l’année Musiques classique, romantique, postromantique

Massenet : Intégrale des mélodies pour voix et piano, A-S. Neher, A. Bareil, A. Bélanger, A. Figueroa, D. Jacques, E. Hasler, É. Laporte, F. Bourget, F. Antoun, H. Laporte, J. Marchand, J-F. Lapointe, J.Lampron-Dandonneau, J. Boulianne, K. Gauvin, M. Simard-Galdès, M. Boucher, M-É. Pelletier, M-N. Lemieux, M. Losier, O. Godin, S. Naubert, S. Tétreault, V. Milot, ATMA Classique

Album de l’année Musiques moderne, contemporaine

Lumières nordiques, Vincent Boilard, Quatuor Molinari, ATMA Classique

Album de l’année – Musiques actuelle, électroacoustique

Au Diable Vert, René Lussier, ReR Megacorp & Circum Disc

Album de l’annéeJazz

Walls Made of Glass, Gentiane MG, TPR Records

Album de l’annéeMusique traditionnelle québécoise

Traverse, Laura Risk, Nicholas Williams, Rachel Aucoin, Indépendant

Livre de l’année

La musique qui vient du froid. Arts, chants et danses des Inuit. Jean-Jacques Nattiez, préface de Lisa Qiluqqi Koperqualuk, Les Presses de l’Université de Montréal, 2022

Prix spéciaux

Le duo atypique Stick&Bow, réunissant la marimbiste Krystina Marcoux et le violoncelliste Juan Sebastian Delgado a réalisé un doublé en remportant le prix du Rayonnement à l’étranger remis par CINARS (2000$) et le prix Interprète de l’année, remis par le Conseil des Arts du Canada (5000$).

La pianiste saskatchewanaise Meagan Milatz s’est vu décerné le prix de Découverte de l’année qui s’accompagne d’une production de capsule vidéo offerte par La Fabrique culturelle de Télé-Québec. Pour « l’authenticité de sa démarche, remplie de curiosité et d’intérêt envers l’autre [et] ses musiques [qui] sont de fantastiques rencontres interculturelles ».

Katia Makdissi-Warren a reçu le prix Opus de la Compositrice de l’année, accompagné d’un montant de 10 000$ du Conseil des Arts et des Lettres du Québec. L’œuvre Le Fil d’Ariane de Danielle Palardy-Roger a quant à elle été récompensée du prix Opus de Création de l’année.

Le prix Opus Montréal – Inclusion et diversité offert par le Conseil des arts de Montréal 10 000$ à l’Ensemble Caprice pour leur projet ClassiqueInclusif 2022-2023. Le prix Opus Québec est allé à l’Opéra de Québec pour la 12e édition de son festival alors que l’Orchestre symphonique de Drummondville a été récompensé du prix Opus Régions pour son concert Illumine la nuit: la symphonie illustrée. Au niveau des diffuseurs, le Festival de Lanaudière remporte l’Opus du Diffuseur spécialisé de l’année et Maximum 90, basé à Carleton-sur-Mer, celui de Diffuseur spécialisé pluridisciplinaire. Olga Razenhofer, violoniste du Quatuor Molinari à quand elle remporté l’Opus de Directrice artistique de l’année. Pour leur Concert OSMose, l’Orchestre symphonique de Montréal a reçu le prix de Production de l’année – Jeune public, octroyé par le Ministère de la Culture et des Communications du Québec et s’accompagnant d’un montant de 5000$. Le Groupe Le Vivier avec La Semaine du neuf : Hommage à Claude Vivier qui mettait à l’honneur la musique de ce compositeur tragiquement disparu a reçu la distinction d’Événement musical de l’année.

Honoré conjointement avec le Conseil québécois du patrimoine vivant, le groupe Bon débarras a reçu pour Repères le prix de Concert de l’année en musique traditionnelle québécoise, qui s’accompagne d’un montant de 1000$. Nouveau partenaire au Prix Opus, Mundial Montréal, le festival-conférence renommé dans l’industrie de la musique globale a remis le prix de l’Album de l’année – Musique du monde au groupe Les Arrivants, trio innovant composé d’Amijai Shalev, Abdul Wahab Kayyali et Hamin Honari proposant « une fusion audacieuse des traditions du tango argentin, de la musique arabe et des rythmes persans » pour leur album Home. Ce prix s’accompagnait d’un forfait mentorat et d’une conférence.

C’était un moment particulièrement touchant et symbolique qui s’est produit lorsqu’est venu le moment d’honorer en la Salle Bourgie, Isolde Lagacé. Celle qui était depuis 2008 la directrice artistique de la Fondation Arte Musica et de la Salle Bourgie, inaugurée en 2011 sous son mandat, a reçu de chaleureux applaudissements des membres du milieu pour sa contribution et son grand dévouement à la promotion de la musique de concert au Québec. Des remerciements et touchants témoignages vidéo ont été livrés par Pierre Bourgie, mécène, Geneviève Soly, sœur de la lauréate, Caroline Louis et Olivier Godin, respectivement directrice générale et directeur artistique actuel de la salle ainsi que par le pianiste français Alexandre Tharaud. Ce dernier l’a remercié de son amitié et a souligné l’accueil toujours bienveillant qu’elle et son équipe mettait en place pour recevoir des musiciens étrangers – éléments contributif à la reconnaissance de la Salle Bourgie comme une des plus importantes salles de concert au Canada et à l’international. Pleine de reconnaissance, Isolde Lagacé a salué la diversité et la créativité du milieu musical au Québec. Une capsule vidéo permettant de mieux connaître la lauréate a été réalisée par La Fabrique culturelle de Télé-Québec et sera accessible sur son site.

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classique / classique moderne / période romantique

Émouvantes ténèbres et transcendante lumière avec Yannick et l’OM

par Frédéric Cardin

Un samedi après-midi à la Maison symphonique de Montréal : la salle est remplie et constituée d’un public à la moyenne d’âge bien plus jeune que ce qu’on nous laisse souvent entendre à propos de la musique classique. Qui plus est, ce public est enthousiaste et attentif pour un programme fait de trois œuvres assez peu connues du grand public. Il n’y a pas à dire, la musique classique se porte bien à Montréal.

C’est peut-être Yannick Nézet-Séguin, à la barre de son Orchestre métropolitain, qui stimule cet intérêt. Mais ne boudons pas notre plaisir de constater cet état de fait qui doit faire pâlir d’envie plusieurs autres villes du continent.

Un programme d’œuvres méconnues, disais-je, exception faite du Gloria de Poulenc, et encore. Le concept de l’affiche s’intitulait De l’abîme aux étoiles, ou si vous voulez, des ténèbres à la lumière. C’est essentiellement dans la deuxième partie du concert que l’on a bien ressenti ce cheminement à la fois musical et symbolique, avec le Psaume 130 « Du fond de l’abîme » de Lili Boulanger, oeuvre sombre et angoissée où une petite flamme d’espoir réussit malgré tout à s’imposer, suivi du scintillant Gloria de Francis Poulenc, dans lequel le rapport des forces essentielles est inversé : un parcours lumineux à travers lequel quelques nuages passent mais ne s’amoncellent jamais. J’y reviens plus loin.

La première partie était occupée par un bijou insoupçonné : la Symphonie gaélique de l’étatsunienne Amy Beach, créée en 1896 à Boston, et devenant par le fait même la toute première symphonie écrite et publiée par une femme, et jouée par un orchestre majeur aux États-Unis. 

C’est une pièce relativement solaire, mais dont le premier mouvement contient des références à un air traditionnel celtique, Dark Is The Night. S’agit-il là de ce qui sert de lien au concept du programme? Quoi qu’il en soit, cela demeure assez ténu, musicalement parlant. L’ensemble de la symphonie ne trempe pas vraiment dans les ténèbres. On est loin de l’abîme initial suggéré par le titre du concert. Comme j’ai dit, c’est en deuxième partie que ça se concrétise vraiment.

Mais peu importe, ça ne gâche rien, sinon les obsessions puristes de docteurs en sémantique. La Symphonie gaélique est portée par un orchestre qui a du tonus, mais qui ne devient jamais excessivement lourd. Celui-ci est finement détaillé et souvent transparent. Beach y intègre de nombreux éléments provenant de la musique traditionnelle celtique, celle de ses ancêtres venus d’Irlande et d’Écosse. Elle n’en fait jamais de caricatures ‘’folklorisantes’’, cela dit. Les mélodies, franches et attrayantes, sont savamment développées et, dans le contexte d’une orchestration bellement colorée, rappellent le monde sonore de la musique russe et surtout est-européenne. Dvořák est un modèle avoué. On pourrait même ajouter que la Symphonie gaélique est ce que le Tchèque aurait pu écrire s’il avait fait un voyage dans les îles britanniques plutôt qu’aux États-Unis. 

Des impressions de danses ici et d’élans dramatiques sur fond de panorama inspirant ailleurs, ont fait de cette symphonie une très belle découverte pour le public visiblement satisfait. Je souligne à traits forts le superbe solo réalisé par Yukari Cousineau, premier violon de l’orchestre, dans le troisième mouvement. Une sonorité puissamment expressive et richement enveloppée, donnant presque l’impression d’être sortie d’un alto. Magnifique!

Tel que mentionné, c’est en deuxième partie que le périple ascendant vers la lumière a eu lieu. Les personnes qui ne savaient pas que le Psaume 130, pour contralto, ténor, chœur et orchestre de Lili Boulanger est un chef-d’œuvre, peut-être l’une des grandes œuvres de la modernité classique (hier chanté uniquement par la mezzo Karen Cargill), sont assurément repartis du concert en ayant définitivement balayé tout doute de leur esprit. 

Du fonds de l’abîme (c’est le titre) est tiré du De profundis latin traduit en français, et dessine avec probablement une fine acuité l’état d’esprit dans lequel se trouvait Lili Boulanger lors de l’écriture, terminée en 1916. La jeune femme est morte en 1918 à l’âge de 24 ans, de la maladie de Crohn (ce que l’on ignorait à l’époque). Pendant toute sa courte vie, elle a subi les affres de sa maladie et combattu tant qu’elle pouvait. Ce Psaume dans lequel elle a jeté sur papier sa détresse, mais aussi la faible mais résiliente lueur d’espoir qui l’habitait, est un création remarquable, où les techniques d’écriture s’entremêlent génialement pour créer un discours dramatique poignant. Mode phrygien, échelle octotonique, gammes par tons, chromatisme et enharmonie s’entremêlent dans un canevas visionnaire. Si cela semble hermétique, rassurez-vous : c’est merveilleusement beau et touchant, malgré les ténèbres ambiantes. Là est le grand génie de cette compositrice qui aurait pu révolutionner la musique moderne plus profondément si le destin l’avait laissée vivre. Cargill, malgré une belle voix, semblait un peu discrète. C’est le chœur et l’orchestre qui ont marqué les sens, dans de merveilleuses nuances en clair-obscur subtilement tissées par Yannick. Quelques attaques d’une précision hésitante dans les premières mesures m’empêchent de parler de moment divin. Mais c’est très peu et la puissance émotionnelle générée par cette exceptionnelle pièce demeure intacte. Bravo!

Le contraste pouvait être difficilement plus perceptible avec le Gloria de Poulenc. On reconnaît tout de suite la patte du Français avec sa bonne humeur un brin irrévérencieuse, même dans un contexte de musique sacrée. Ceux qui aiment son opéra Dialogues des carmélites se retrouveront en terrain familier, mélodiquement et harmoniquement, à l’arrivée de l’Agnus dei. Sourires de plaisirs mais avec quelques doux frissons de spleen, c’est le Gloria de ce compositeur si atypique et original.

Yannick Nézet-Séguin, sans surprise, était imprégné de la musique et en a transporté l’essence émotionnelle à ses musiciens avec brio. La soprano Janai Brugger, installée non pas sur scène mais à côté du chœur, a fait très bel effet, avec une voix projetant fluidement une belle lumière, particulièrement appropriée, et ce sans emphase opératique exagérée. 

Un programme et un concert que l’on peut qualifier sans hésitation de grande réussite. 

électro / électronique / hyperpop

Lest We Forgecs: un rave 100 gecs à Igloofest 

par Stephan Boissonneault

Étrange dance électro, un remix de quelques-uns des plus grands morceaux de dance music des 10-15 dernières années retentit sur les énormes haut-parleurs extérieurs, et je suis pris au piège dans une fosse de milliers de corps, se balançant ensemble à l’unisson, comme une sorte d’entité malformée. Sur l’écran derrière les artistes et de chaque côté de la scène est projetée une créature velue qui ressemble au Oogie Boogie Man mélangé aux Thumbs Thumbs du film Spy Kids. Je trouve cela inquiétant, d’autant plus qu’elle ne bouge que toutes les quelques secondes, comme une sorte d’expérience kafkaïenne. 

Je sens une dizaine de chaussures piétiner les miennes et un homme commence à tourner en rond, essayant d’ouvrir la fosse. Il réussit et le moshing commence – c’est amical pour la plupart, à l’exception d’un gars avec des lunettes steampunk à pointes qui essaie délibérément de percuter les gens. Une fille, qui fait partie de mon groupe qui s’est perdu dans la fosse, crie un « I don’t like that » (je n’aime pas ça). C’est son anniversaire.

Le sol est recouvert d’une couche d’eau boueuse due à la pluie de tout à l’heure. Mes ondes cérébrales commencent à se manifester : « Au moins, je ne suis pas claustrophobe », « Je pourrais partir, me frayer un chemin hors de cette folie moite », « Je ne suis pas claustrophobe ». Je pourrais partir, me sortir de cette folie moite à coups d’épaule. Mais après réflexion, je n’en ai pas envie. Je suis dans la fosse des gecs et j’y resterai.

Ce n’est pas un show 100 gecs particulièrement « normal », car les deux gecs sont derrière les platines, et nous n’entendons que deux ou peut-être trois de leurs morceaux originaux. Le spectacle est annoncé comme un 100 gecs (DJ SET), mais je trouve intéressant qu’un spectateur chahuteur demande « quand les gecs seront là », au milieu de leur set.

Il y a des moments musicaux marquants comme l’hommage des gecs à SOPHIE avec un remix de Immaterial Girls ou un remix hyperpop de « Scary Monsters and Nice Sprites » de Skrillex et d’autres hits dubstep sinistres. I Can’t Stop est une réverbération de Flux Pavillion dans l’air hivernal, mais avec un flair plus industriel. Nous avons du hardcore digital joyeux, du disco trap britannique et un peu de musique house, comme un remix de Heads Will Roll des Yeah Yeah Yeahs. La plupart du temps, le set est un peu calme, ce qui a pu décevoir ceux qui voulaient se lâcher et devenir interplanétaires avec le catalogue de gecs. Pourtant, tout le monde s’amuse, sans doute au même titre que le spationaute transpirant du premier rang, roulant comme un pneu sur une longue route sinueuse. Les fans de Gecs aiment s’amuser et aiment leurs drogues.

Un peu avant les 100 gecs, nous avons été soumis à Surf Gang, et j’ai pu, avec quelques autres VIP (ça paye d’être média parfois), serrer la main de quelques membres de l’équipe de Surf Gang. La plaisanterie prend vite de l’ampleur quand six types au hasard disent tous  » On est de Surf Gang « , alors que Surf Gang est effectivement en train de jouer sur la scène principale. Il semble que Surf Gang soit un collectif, une rotation de neuf ou douze DJs. Cependant, la musique n’était pas très convaincante. On avait l’impression d’entendre des rythmes génériques de dance et de trap, avec quelques moments où l’on demandait à un rappeur de soutenir le mix. À la fin de chaque chanson, les membres demandaient à la foule de scander « Surf Gang, Bitch, Surf Gang, Bitch » pendant l’outro. T’sé veux dire ?

Mais je dois reconnaître à Surf Gang qu’ils ont laissé un peu d’espace sonore à 100 gecs aka Laura Les – arborant son emblématique rouge à lèvres noir et un fard à paupières nerveux – et Dylan Brady – arborant une touque Sonic the Hedgehog – pour se fondre dans leur morceau Dumbest Girl Alive. Il n’y a pas eu d’introduction à l’arrivée des gecs, de sorte que la forte vague THX a été le seul indicateur que 100 gecs étaient effectivement en marche.

Je me rends compte que j’ai un travail à faire, comme l’indique l’appareil photo qui pend délicatement autour de mon cou. On m’invite en coulisses pour prendre quelques photos des gecs en action. Je suis l’attaché de presse jusqu’au fond de la scène et j’aperçois quelques membres du Surf Gang qui forment leur propre piste de danse derrière la scène. Il n’y a que cinq personnes environ qui regardent les gecs sur la scène et six grandes lampes chauffantes. C’est à ce moment-là que le tableau complet apparaît : des milliers de personnes vêtues de rose vif, de vert tie-dye et de bleu pervenche, en train de perdre la tête. Laura et Dylan s’amusent sur la scène, avec un DJ plutôt cool, qui alterne entre les différents morceaux. La créature au pouce est toujours à l’écran et je crains qu’elle ne le quitte jamais.

On me dit que je peux m’approcher le plus possible, alors je me dirige vers le côté droit de la scène et je prends quelques photos de la foule. Dylan me repère et me fait un signe de la main pour que je m’approche un peu plus. Le syndrome de l’imposteur n’est plus vraiment quelque chose que je ressens, après avoir fait ce travail pendant près de dix ans, mais ce soir-là, j’ai été durement touché. C’était peut-être à cause du petit aliment que j’avais grignoté quelques heures auparavant ou tout simplement à cause des nerfs, mais cette petite vague m’a fait craquer. Merci donc aux 100 gecs. En m’approchant, je vois que Laura et Dylan se parlent constamment entre les morceaux, se signalant lorsqu’il faut sortir le prochain remix dance mémorable, comme le futur beat rave de « Satisfaction » de Benny Benassi ; vous le connaissez tous.  ;

Je quitte les coulisses et trouve un employé du festival en train de faire sa propre fête dans une fosse de boue. Il cherche du feu pour allumer sa cigarette pré-roulée. Je sors une allumette de mon manteau et l’allume pour lui. « Ces gars-là sont géniaux. Comment ils s’appellent ? » Ce n’est qu’un jeudi soir pour ce type. Une fois le concert terminé, je retrouve lentement le groupe de 20 personnes avec lequel je suis venu et je décide que c’est le bon moment pour une photo. Je les rassemble en un groupe et d’autres personnes se joignent à eux. En m’inspirant de Dylan, je fais signe à de plus en plus de monde jusqu’à ce que le groupe ressemble à une photo de fin d’études d’une cinquantaine de personnes. 

Au début du set de 100 gecs à la Boiler Room, il y a près d’un an, Laura avait déclaré : « Nous ne sommes pas de très bons DJs ». Vous auriez pu me tromper, ainsi que les milliers de personnes présentes qui sont restées 15 ou 20 minutes après le concert pour réclamer un rappel. Mais que l’heure du couvre-feu soit respectée, nous n’en avons pas eu. Malgré tout, 100 gecs ont rassasié tout le monde jusqu’à la prochaine rave.

folk de chambre / indie folk / indie pop

Patrick Watson, comfort food hivernal au MTELUS

par Alain Brunet

Deux décennies de pratique musicale ont conduit Patrick Watson à mobiliser et nourrir les âmes d’un auditoire fidèle. Ce rendez-vous hivernal fixé par le Montréalais a permis la poursuite de cette relation fervente. Une fois de plus constaté au MTELUS, en ce premier week-end de février.

Ainsi, le musicien nous a invité à poursuivre sa route à ses côtés, sans toutefois présenter un lot important de matière récente. Parlons plutôt d’un programme impliquant plusieurs classiques. Spectacle comfort food, donc, sans surprises majeures sauf les improvisations et jeux d’appels et réponses avec l’auditoire imaginés sur place. 

Nous avons passé une paire d’heures fort nourrissantes devant cette exécution décontractée, émaillée d’humour, d’arrangements renouvelés et de collaborations spéciales. 

On a pu effectivement entendre les chanteuses Lisa LeBlanc (en première partie folkie et pendant le concert), Ariel Engle (La Force) et Ourielle Auvé (Ouri) qui a troqué à cette occasion le beatmaking électro pour la voix et le violoncelle. Le personnel du chanteur et claviériste était constitué du batteur Olivier Fairfield (Fet.Nat, Timber Timbre, Andy Shauf, Leif Vollebekk ), du bassiste Mishka Stein (Teke::Teke, entre autres) et un quatuor à cordes (Yubin Kim et Robert Margaryan, violons, Jérémie Cloutier, violoncelle, Lana Tomlin, alto).

Les rideaux étaient fermés lorsque le piano impressionniste et la voix de tête de l’interprète ont imposé le silence dans la salle. Quelques dizaines de secondes se sont écoulées, le rideau de scène s’est ouvert, les musiciens sont apparus, on pouvait contempler de grandes toiles de tulle derrière eux.

Sur un rythme moderato, on enchaîne avec Dream For Dreamin, assorti d’un pont de vocalises bien senties et de cordes trop peu intelligibles dans le crescendo final. Toujours un  contrat exigeant pour un sonorisateur que de faire sonner les cordes acoustiques avec  basse, batterie et claviers amplifiés… Mais bon, les choses se sont améliorées au fil de la prestation.

Wave , chanson titre de l’avant dernier album, arrive au programme, précédée de quelques états d’âme watsoniens et de rires transylvaniens. La ballade orchestrale est teinte des couleurs d’un piano préparé. On reste dans la douceur vocale, cette fois ponctuée de cordes pizzicatos avec  une autre chanson titre, celle de l’album Wooden Arms

Assorti d’un fort beau complément vocal du contre-ténor, cette valse est une des nombreuses occasions de saisir les influences harmoniques,  clairement impressionnistes (Ravel, Debussy, Satie), de Pat Watson.  C’est d’autant plus patent avec la ballade Ode to Vivian, inspirée de la photographe américaine Vivian Maier. On se dit alors que PW pourrait explorer d’autres harmonies mais… on sait que les compositeurs de chansons dérogent rarement à la collection d’accords ayant défini leur style.  

Le chanteur poursuit avec To Build a Home, qu’il avait créé avec la formation Cinematic Orchestra. Nous voilà replongés dans la grande époque indie d’où sont issus la majorité des fans présents – 35-40 ans et plus. 

Puis c’est  au tour de la ballade Melody Noir de séduire, inspirée cette fois du Vénézuélien Simon Diaz, et interprétée de concert avec La Force. Cette dernière occupe encore plus d’espace sur scène avec le fondu enchaîné qui suit, soit Love Song For Robots et Height Of A Feeling, créée et enregistrée en tandem. L’occasion est belle pour l’interprétation de How Do You Love A Man, une chanson indie folk signée La Force.Dans le même esprit, il est de bon ton de choisir l’interprétation de Lost With You en version musique de chambre. Le public se met à taper des mains, comme s’il réclamait poliment un peu plus de muscle,  un rythme binaire se déploie alors, une mélodie vagabonde le survole : Drifters

Ouri et son violoncelle sont convoqués aux devants de la scène. Connue pour ses productions électroniques, Ouri a visiblement reçu une formation classique avant de se mettre à l’électro, mais c’est une rare fois où l’on peut en prendre la pleine mesure, soit avec la pièce In Circles, assortie de  vocalises et coups d’archets. Simple et beau.

Un peu plus loin, PW chantera un de ses rares titres français, Je te laisserai des mots, effort sympa du chanteur ayant grandi dans un hameau bilingue (Hudson) et qui a toujours été proche et admiratif de la portion francophone de notre scène indie. 

On se dirige vers la conclusion avec un jeu de répliques improvisées, mené par le chanteur, la section de cordes et le public. Ça marche à tout coup!  La chanson Big Bird in a Small Cage, qui porte très bien son titre et qui requiert la participation des chanteuses invitées. Jusqu’à la fin, notre hôte et ses collègues auront servi aux mélomanes un exemple probant d’indie folk nord-américain magnifié par les harmonies vocales et les sons aviaires issus de la scène et aussi de la salle. 

Aux rappels, on a reconnu les titres Is Anything Wrong (Lhasa de Sela), Slip Into Your Skin, Lighthouse, Sit Down Beside Me. Une spectatrice sera invitée sur les planches, et pas la moindre : Klô Pelgag débarque avec casquette et sac à dos avec toutou, on oserve que sa voix a acquis une maturité et une assurance supplémentaires.. Chanteuses et chanteur ont coiffé le tout d’un bivouac chaleureux… Au fait, on ne savait pas trop si le concert était terminé, soudain Pat Watson est revenu seul sur le parquet, ceinturé de spots et d’une amplification portative. Il traversera le MTELUS en chantonnant, question de mettre un terme à cette charmante soirée.

PATRICK WATSON SE PRODUIT AU MTELUS LES 2, 4 ET 5 FÉVRIER , 20H. INFOS ICI

classique / musique contemporaine

Une soirée haute en couleurs avec Imani Winds

par Frédéric Cardin

Imani Winds est un quintette à vent étatsunien qui fait du bien. Constitué de musiciens noirs (sauf le clarinettiste), son objectif est d’actualiser la musique pour ce type de formation en jouant des arrangements inédits (leur plus récent album s’intitule A Passion for Bach and Coltrane, ça donne une idée!), des oeuvres de compositeurs noirs ou en commandant des oeuvres nouvelles, souvent inspirées du terroir afroaméricain et latino. Le groupe, détenteur de trois prix Grammy, donnait justement un concert hier soir à la salle Bourgie, à Montréal. Le deuxième seulement en 27 ans d’existence, ce qui est monstrueusement dommage. Un programme tout Noir et Latino a été offert au public qui a relativement bien garni la salle Bourgie.

Il y a de quoi admirer les musiciens sur la scène : Brandon Patrick George, flûte, Mekhi Gladden, hautbois (en remplacement de Toyin Spellman-Diaz), Mark Dover, clarinette, Kevin Newton, cor et Monica Ellis, basson. Premièrement, ils sont très très bons, chacun d’entre eux étant de toute évidence un soliste de haut niveau. Le jeu d’ensemble est impressionnant de virtuosité aisée, d’articulations chirurgicales et de cohérence fusionnelle. Deuxièmement, et surtout, ils investissent depuis 27 ans (mais pas exclusivement) un espace du répertoire qui demeure marginal, mais heureusement en expansion rapide, celui de la musique écrite par des artistes de communautés racisées et/ou minoritaires en musique classique. Bravo.

L’ensemble de l’affiche était occupée, sauf une seule pièce, par des œuvres fortement colorées par le jazz, le blues ou la musique latine. Syncopes accentuées, déhanche fluide un peu féline et coloris chromatiques tournant autour d’harmonies ‘’bleues’’, on était dans un univers accrocheur, mais pas racoleur. Non, car les partitions offertes (de Damien Geter, Carlos Simon, Paquito D’Rivera, Valerie Coleman, Andy Akiho et Billy Taylor, un arrangement dans ce dernier cas) sont raffinées, virevoltantes et remplies d’effets vivifiants, souvent distrayants, parfois surprenants. Mais ce qui satisfait tout mélomane passionné et investi dans ce genre de programme, c’est le supplément d’âme ajouté dans les œuvres, en raison de leurs références extra musicales. C’est le profilage racial dans I Said What I Said de Damien Geter (le thème principal est tributaire de la rythmique locutive typiquement Black de la phrase-titre..), la célébration de grandes personnalités noires dans Giants de Carlos Simon (Bessie Smith, Cornel West, Herbie Hancock), des quartiers new yorkais dans Rubispheres no 1 de Valerie Coleman, la liberté dans I Wish I Knew How It Would Feel To Be Free de Billy Taylor ou la dénonciation de l’emprisonnement des nouveaux arrivants dans BeLoud, BeLoved, BeLonging de Andy Akiho.

Cette dernière pièce constitue, cela dit, l’exception stylistique dans le lot car c’est une envolée post-minimaliste en trois mouvements, nerveuse et diablement excitante, moins connectée que les autres à l’héritage afroaméricain ou latin. Ironiquement, c’est la pièce de Paquito D’Rivera, Aires tropicales, de loin l’artiste le plus connu sur le programme, qui est la plus ‘’facile’’. Pas mauvaise, non. Elle donne du beau fil à retordre aux instrumentistes et constitue certainement un excellent défi musical pour toute formation professionnelle. Mais la jonction de l’écriture et du propos sous-jacent est plus superficiel que ses concurrents.

La soirée, fortement appréciée par le public, s‘est terminée avec l’arrangement de la célèbre chanson I Wish I Knew How It Would Feel To Be Free de Billy Taylor, et consacrée par Nina Simone. Un vrai de vrai jazz, mais adapté tout sauf de façon linéaire. Fabuleux exercice signé par le clarinettiste Mark Dover, qui s’amuse à en faire un Thème et variations fébrile et débordant de dynamite expressive. 

Les applaudissements ont été longs et soutenus. Tout le monde, manifestement, souhaitait les revoir le plus vite possible. 

L’honneur de voir Elisapie se produire à Châteauguay

par Gigi Brown

Elisapie a foulé la scène du Pavillon de l’Île de Châteauguay la semaine dernière, et la salle intime était remplie de fans excités à l’idée de la voir dans le cadre de sa tournée Inuktitut, en lien avec son album du même nom, sorti en septembre 2023. La collection de reprises d’artistes tels que Queen, Blondie et Metallica en inuktitut, la langue maternelle d’Elisapie, a été l’un des meilleurs albums parus l’année dernière et lui a valu le prix GAMIQ 2023 de l’artiste de l’année. En la voyant se produire sur scène, on comprend pourquoi elle méritait un tel honneur. Elisapie a commencé le spectacle sur une note forte, apparaissant sur scène derrière un mur de lumière rose et chantant « Uummati Attanarsimat (Heart of Glass) », le premier single de l’album. C’était parfait : sa voix, mêlée à la magie des lumières roses, a émerveillé la salle. Il était clair dès le départ que ce spectacle allait être spécial et il l’a été sans aucun doute.

Le spectacle a semblé passer très vite, mais tout au long du spectacle, le public a vraiment appris à connaître Elisapie. La chanteuse a été brutalement honnête et ouverte avec le public, expliquant les histoires qui se cachent derrière ses albums. De « Una », la chanson qu’elle a écrite pour sa mère biologique, à la reprise de « Dreams » de Fleetwood Mac en l’honneur de son frère décédé, en passant par « I Want to Break Free » de Queen, dédiée à sa cousine qui aimait danser. C’était spécial et beau et cela a fait pleurer quelques-uns d’entre nous. Entendre les histoires derrière l’inuktitut a transformé ce disque plein de merveilleuses reprises en une collection de chansons qui avaient une signification bien plus profonde pour Elisapie.

Le spectacle n’était pas seulement spécial d’un point de vue musical. D’un point de vue technique, le spectacle était assez simple. Il n’y avait pas de pyrotechnie folle, et à part une radio lumineuse, il n’y avait pas d’accessoires, mais l’éclairage a magistralement guidé le public à travers les chansons et a permis de garder l’attention sur Elisapie. Les lumières s’accordaient parfaitement avec la chanson qu’elle chantait et montraient visuellement la gamme de sa musique. Parfois, les lumières étaient clignotantes et amusantes, donnant à la salle une ambiance de club de danse, d’autres fois, la scène était baignée de lumière, la couleur dépendant de l’ambiance générale des chansons.

Personnellement, mon choix d’éclairage préféré a été le projecteur unique, qui projette sur la chanteuse une lueur presque éthérée. Les séquences d’éclairage à la fois dramatiques et chaleureuses ont été remarquées plusieurs fois au cours du spectacle, souvent pendant qu’elle racontait ses histoires. Cependant, le moment le plus mémorable de « simple éclairage » s’est produit pendant l’interprétation par Elisapie de « Moi, Elsie », une chanson écrite par Richard Desjardins et composée par Pierre Lapointe pour le premier album d’Elisapie, There Will Be Stars, sorti en 2009. Les paroles racontent l’histoire d’une femme inuite amoureuse d’un entrepreneur blanc qui doit bientôt rentrer chez lui.

Elisapie est le type d’artiste qui exige votre attention. Quoi qu’elle fasse, qu’elle danse ou qu’elle nous raconte ses histoires, tous les regards sont braqués sur elle. Mais l’ombre qu’elle projette sur le mur derrière elle donne l’impression que la chanteuse est plus grande que nature. Les mots qu’elle prononçait étaient importants et on le savait, mais ce n’était pas intimidant. Que ce soit la chaleur de l’éclairage ou la douceur de sa voix, on se sentait en sécurité, comme si nous étions tous assis autour d’un feu de camp et que nous l’écoutions raconter des histoires.

Elisapie et l’autrice, Gigi Brown

Elisapie a une voix et une présence sur scène dont nous, Canadiens, devrions être fiers, et ce fut un honneur de la voir se produire.

La tournée Inuktitut se poursuit jusqu’au 30 novembre 2024, avec des spectacles dans tout le Québec et quelques représentations en Europe.

Elisapie se produira également dans le cadre du Festival International de Jazz de Montréal au Théâtre Maisonneuve le 30 juin 2024.

Photo d’introduction fournie par Bonsound

Crédit: Leeor Wild

musique contemporaine

La tour d’ivoire dans tous ses éclats

par Frédéric Cardin

Il y avait soir de première vendredi dernier à l’Espace Orange de l’Édifice Wilder, dans le Quartier des Spectacles, à Montréal. L’Ensemble Éclat, un nouvel orchestre de chambre de musique contemporaine, constitué de 13 musiciens issus de la relève montréalaise et dirigé par Charles-Éric Fontaine, donnait son tout premier concert devant une salle comble, ce qui fait plaisir à voir.

Dans cette salle comble, j’étais certainement l’un des plus vieux. La moyenne d’âge devait osciller autour de 30 ans, maximum. Bravo. Cela dit, il y avait tous les amis, les blondes, les chums et un peu de parenté, assurément. Ça ne sera peut-être pas toujours comme ça. 

Mais ne gâchons pas ce plaisir sur ce détail. Il y aura matière à cet effet plus loin. 

La formation, l’accompagnement professionnel en termes de gestion de ce type de projet, publicité, mise en valeur, administration, demandes de financement, etc. a été soutenue par le Pôle Relève du Vivier, organisme parapluie de la musique contemporaine au Québec.

 Le Pôle est lui-même solidement financé par le Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ). Bravo, donc, à tout ce monde pour s’engager dans des projets pointus et nécessaires.

Je commencerai par les fleurs. Les 13 jeunes artistes de l’ensemble (voir la liste plus bas) sont très bons. Les partitions proposées sont de natures techniques différentes, mais il est évident qu’on a à faire avec une relève de haut niveau, qui n’a rien à envier à la génération précédente. Coordination précise, beauté et maîtrise instrumentale, en plus d’une direction de Fontaine très impliquée, précise et emphatique. 

Le programme faisait place à cinq œuvres d’autant de compositeurs-trices : deux de la relève (Adrien Trybucki et Quentin Lauvray) et trois ‘’classiques’’ (Hans Abrahamsen, Kaajia Saariaho et Toru Takemitsu). Le programme s’est déployé sur un canevas d’alternance entre morceaux ‘’agités’’ et morceaux ‘’calmes’’. Logique.

Entre Trybucki et Lauvray, le premier avec son Trabum m’a fait plus forte impression. Sur une pulsation initiale menée par la batterie, un subtil mais irrémédiable décalage rythmique finit par envoyer la cohérence apparente paître dans les marguerites. S’ensuit une sorte de recherche continuelle pour retrouver l’ordre de départ. On y parvient presque à un moment, mais on s’avère finalement vaincu. C’est bien organisé et finement texturé. À retenir. Au bord de la nuit de Lauvray est une pièce qu’on doit noter positivement pour son écriture foisonnante. Il y a des tonnes d’idées là-dedans, peut-être même trop. Il y a même un harmonica et une sorte de kazoo à coulisse qu’on remarque dans deux ou trois courtes interventions.

 Rigolo, mais pourquoi? Au final, cela semble gratuit, comme pour dire : ‘’Regardez, je peux générer toutes sortes de couleurs étonnantes!’’ Ça ne faisait pas partie d’un discours holistique justifié. Malgré toutes ses qualités techniques et objectives, Au bord de la nuit ressemble en fin de compte à des dizaines d’autres pièces sorties des universités à travers le monde, remplies de grichures, de groncements, de points et de traits sonores (le pointraitisme, pardonnez ma tentative de faire du néologisme genre Gauvreau…). Un langage se disant contemporain, mais qui applique une recette bien apprise et existante depuis presque 75 ans. Une musique ‘’d’avant-garde’’… conservatrice. C’est fou quand on y pense, quand même, de pouvoir désormais accoler ces deux termes antinomiques côte à côte. On est rendus là. 

Il y avait aussi Liebeslied de Hans Abrahamsen, directement enchaînée après Trybucki, une pièce totalement éthérée, comme un fin voile translucide, à peine animé de quelques murmures de mouvements en surface. Un nécessaire contraste après la nervosité de Trabum. L’œuvre centrale était Rain Spell, de Toru Takemitsu. Comme influencés par le titre, on est vite subjugués, ensorcelés, par l’écriture à la fois chirurgicalement limpide et subjectivement poétique du Japonais. Flûte alto, clarinette, harpe, piano et vibraphone se sont doucement entremêlés dans une écriture svelte et bellement colorée. Gouttelettes sonores sur fond de tendre rayonnement lumineux, l’écriture de Takemitsu est tout simplement l’une des plus envoûtantes du 20e siècle. Le rendu était excellent. Un très beau moment. 

Dernière pièce au programme, juste avant le Lauvray, Fall de Saariaho est écrite pour harpe avec accompagnement électronique (hyper discret). Beaucoup de frémissements des cordes de l’instrument renvoient à une sorte d’impressionnisme scintillant, mais résolument moderne. Très beau.

Un programme équilibré, donc, entre nouveauté et tradition, mais volontairement restreint à l’intérieur des limites de ce qu’un certain establishment appelle ‘musique contemporaine’’. En ce sens, l’Ensemble Éclat, bien que sa simple existence soit une bonne nouvelle en soi, n’a pas indiqué dans ce premier exercice public être autre chose qu’un NEM (Nouvel Ensemble Moderne) no.2. Même pas 2.0. Osons l’honnêteté : particulièrement parlant des deux pièces très récentes, il s’agit d’une musique encore associée (pas totalement à tort) à une tour d’ivoire.

C’est peut-être ici que le bât blesse, et où j’utiliserai le pot promis plus tôt (sans violence exagérée, cela dit). J’aime cette musique, et je sais que Montréal est l’une des meilleures scènes en Amérique pour celle-ci. Et, même s’il est primordial de soutenir sa diffusion et son rayonnement, j’avoue m’être attendu, peut-être naïvement, à une proposition véritablement ‘’contemporaine’’.

Comme mentionné plus haut, cette musique existe bel et bien depuis presque trois quarts de siècle. On ne peut plus, raisonnablement, lui accoler le terme contemporain. Mozart était moderne à son époque, à la fin du 18e siècle. Écrire comme lui en 1850, ce ne l’était plus. Or, pour la génération de ces musiciens dans la vingtaine ou trentaine, la ‘’musique contemporaine’’ va bien plus loin que l’atonalisme rigoureux et formel. Elle embrasse aussi bien Stockhausen, Ligeti ou Rihm que Adès, Reich, Andriessen, voire Herrmann, Morricone, Williams. Elle inclut Caroline Shaw, Nicole Lizée, Kate Moore, et invite Autechre, Babe Terror, Muse, GYBE!, Owen Pallett, Lubomyr Melnyk, Kendrick Lamar, le post-punk et le growling métal à la table, pour ne nommer qu’une infinitésimale partie de la famille stylistique actuelle.

Oui, j’aurais aimé qu’un ensemble de la génération actuelle (Alpha?) marque sa naissance avec un dialogue trans stylistique, incluant une certaine avant-garde conservatrice (encore cet oxymore), mais pas que. Qu’il fasse un peu le syncrétisme qu’on peut entendre à Bang on a Can  ou au Poisson Rouge à New York. 

Vous me direz que j’aurais dû mieux gérer mes attentes. Vous aurez raison, probablement. Ce n’est pas à quiconque faisant partie d’une cohorte nouvellement arrivée dans le paysage culturel de se faire le porte-flambeau de son existence affirmée et différenciée, de se faire le garant de son originalité générationnelle vis-à-vis de ses prédécesseurs. 

Détail final : il n’y avait aucune mise en contexte, aucun commentaire avant les œuvres. Non, ce n’est pas prendre les gens pour des imbéciles que de leur offrir de la viande cérébrale autour de l’os musical. Encore une fois, ça fait vieille méthode, genre ‘’la musique parle pour elle-même, on ne s’abaisse pas à l’expliquer’’. Genre Tour d’ivoire. Please…. On est ailleurs. Ce ne seront pas toujours les amis, les blondes, les chums et les collègues en compo à McGill ou l’UdeM qui rempliront les salles. 

J’ai beau la trouver conservatrice, j’aime tout de même assez cette musique pour souhaiter qu’elle continue d’exister, d’être jouée et entendue. Un peu de savoir-faire en comm contemporaine ne fera pas de mal.

ENSEMBLE ÉCLAT

ALEX HUYGHEBAERT (flûtes)

CHARLOTTE LAYEC (Clarinette)

LUKA MARCOUX (hautbois)

ANTOINE MALETTE-CHÉNIER (harpe)

CHARLES CHIOVATO RAMBALDO (percussion)

LÉO GUIOLLOT (percussion)

PAUL ÇELEBI (piano)

JEANNE CÔTÉ (violon)

JEANNE-SOPHIE BARON (violon)

DAVID MONTREUIL (alto)

AUDRÉANNE FILION (violoncelle)

WILLIAM BOIVIN (contrebasse)

QUENTIN LAUVRAY (électroniques)

THOMAS CARDOSO-GRANT (Chargé de projet)

CHARLES-ERIC FONTAINE (direction)

crédit photo : page FB de Ensemble Éclat.

La rétrospective musicale d’Ute Lemper avec l’Orchestre FILMharmonique

par Elena Mandolini

Cela faisait longtemps qu’Ute Lemper ne s’était pas produite à Montréal. La légende de la comédie musicale a offert à une Maison Symphonique conquise d’avance un long programme retraçant les moments marquants de carrière s’étalant sur plusieurs décennies. Elle était accompagnée de l’orchestre FILMharmonique, dirigé par Francis Choinière.

Le programme proposé était original, proposant des œuvres bien connues, mais interprétées de manière rafraîchissante et raffinée. On admire la puissance et la chaleur de la voix d’Ute Lemper, et sa présence sur scène. Elle déborde d’énergie, esquissant des pas de danse à l’avant-scène et démontrant ses talents d’actrice. Tous les yeux sont rivés sur elle. Il est évident que les œuvres qu’elle présente sont marquantes, non seulement historiquement, mais aussi personnellement. Durant la première partie, elle entrecoupe chaque chanson par une mise en contexte et des histoires sur sa vie.

On rit beaucoup, on pleure parfois, on est touché de multiples manières. On réalise aussi que rien ne change, et que l’histoire est condamnée à se répéter, encore et encore. En effet, Ute Lemper ne se gêne pas de commenter l’actualité politique : allusions aux guerres actuelles, aux droits des femmes et à la désillusion politique généralisée. Lemper ne se modère pas, mais impossible de lui en vouloir, compte tenu du fait que les œuvres de son répertoire ont été écrites pour la plupart avec les mêmes sentiments, même 100 ans plus tôt. Elle change même certaines paroles pour les adapter à l’actualité. L’effet est comique et troublant à la fois.

Ce qui frappe chez le FILMharmonique, c’est sa capacité à s’adapter. En effet, lors des ciné-concerts, la musique est réglée au quart de tour, forcément. Cela dit, le FILMharmonique avait ici un rôle d’accompagnateur pur, devant s’adapter aux libertés prises par Lemper et à ses improvisations vocales. Et l’orchestre a une fois de plus démontré son excellence. Francis Choinière dirige les musicien.ne.s tout en étant complètement à l’écoute de la soliste. Chaque fois, la synchronisation était parfaite, tout le monde sur scène respirant au rythme d’Ute Lemper. Vers la fin du concert, la chanteuse dirige elle-même, en quelques sortes, l’orchestre, en demandant à certains musiciens d’improviser.

Au cours de la soirée, l’orchestre a pu interpréter quelques arrangements pour orchestre seul de chansons bien connues du music-hall. Ici, le FILMharmonique reprend le premier plan, sans compromis, ce qui démontre encore une fois sa superbe polyvalence. Les quelques problèmes de feedback en début de concert ont rapidement été réglés, permettant d’apprécier pleinement le très long concert (peut-être trop long, ce concert durant près de 2 heures et demie). Ce qui est certain, c’est que le public a été ravi.

Pour connaître les prochains concerts de l’orchestre FILMharmonique, c’est ICI!

Pour les autres concerts de GFN Production, c’est ICI!

Crédit photo : Tam Lan Truong

Opéra McGill | L’univers magique de Cendrillon porté sur la scène

par Elena Mandolini

Chaque année, les étudiant.e.s de l’École de musique Schulich de l’Université McGill montent un opéra. Cette année, il s’agissait de Cendrillon de Jules Massenet, que toute la distribution a su porter avec brio, pour livrer une performance de haut calibre. La soirée s’est déroulée sous le signe de la magie, de l’humour, et de somptueuse musique. Un franc succès!

En entrevue avec PAN M 360 plus tôt cette semaine, Stephen Hargreaves (directeur artistique et musical) et David Lefkowich (metteur en scène invité) avaient confié que cette partition de Massenet recelait des passages qui donnaient du fil à retordre même aux compagnies professionnelles. On reconnait, en tant que membre du public, que certains passages sont difficiles, autant pour l’orchestre que pour les chanteuses et chanteurs. Mais les interprètes donnent l’impression que ces passages sont en fait très faciles. Même les passages les plus rapides, les plus virtuoses, sont interprétés avec solidité et confiance.

On ne peut nier la qualité exceptionnelle de la distribution (impressionnante en nombre, d’autant plus que deux castings se partagent les trois représentations) d’Opéra McGill. Dès les premières mesures, l’orchestre s’impose et offre une performance d’une qualité constante, malgré les plus de deux heures que dure Cendrillon. L’écriture de Massenet est très évocatrice, et l’orchestre sait transmettre musicalement l’intrigue, la grandeur de la noblesse, la mélancolie et la magie que recèle cette œuvre.

Le même éloge peut être fait des chanteuses et chanteurs qui se partagent la scène. On retrouve une belle variété de voix, toutes solides et remarquables. On salue particulièrement la diction parfaite du texte en français : on saisit chaque syllabe. Le texte en anglais est projeté au-dessus de la scène, selon l’usage, mais on aurait également bénéficié du texte français, pour pouvoir savourer encore plus l’humour du livret d’Henri Caïn. Cet humour, qui transparaît d’emblée à la lecture du texte de l’opéra, est sublimé par la mise en scène. Les interprètes s’amusent sur scène, et leur jeu d’acteur fait beaucoup rire. On prend des libertés, on exagère parfois le jeu, mais tous ces éléments ont leur raison d’être et ne font que rendre la soirée des plus agréables. La scénographie et les costumes, respectivement dessinés par Vincent Lefèvre et Ginette Grenier, contribuent beaucoup à transporter le public dans le monde magique de Cendrillon.

Les moments très drôles côtoient des moments extrêmement touchant et somptueux. Les scènes mettant en vedette la fée (Kate Fogg) sont à couper le souffle, tant par leur scénographie magique que par la performance de grande qualité de l’interprète. Également, les duos sont pleins d’émotion, qu’il s’agisse des chants d’amour entre Cendrillon (Bri Jones) et le Prince charmant (MacKenzie Sechi), que celui où Pandolfe (Nicholas Murphy), le père de Cendrillon, lui propose de quitter la maison de la vilaine belle-mère pour retourner à leur vie paisible et campagnarde d’antan. Enfin, les moments impliquant les chœurs transportent le public tantôt à la cour du roi, tantôt dans une forêt peuplée d’esprits et de mystères.

Cette soirée exceptionnelle aura su démontrer à quel point les jeunes étudiant.e.s en musique sont prêt.e.s à relever des défis de taille, et leur capacité à briller et à exceller du même coup.

Cendrillon de Jules Massenet, avec Opéra McGill et l’Orchestre Symphonique de McGill, dirigé par Stephen Hargreaves. Représentations supplémentaires le 27 janvier à 19h30 et le 28 janvier à 14h. INFOS ET BILLETS ICI!

Pour connaître la programmation complète de l’École de musique Schulich, c’est ICI!

Crédit photo : Stephanie Sedlbauer

Cédrik St-Onge condense le Verre Bouteille

par Théo Reinhardt

Le 23 janvier au soir, au milieu de la rumeur du Verre Bouteille, j’attends de voir le récent album de Cédrik St-Onge, Osoyoos, mis en concert. C’est grâce à une date supplémentaire ajoutée à son lancement du 5 décembre – et qui a atterri bien loin – que j’ai pu y assister, ayant manqué le premier événement. J’ai bien hâte, et je me demande comment le son grandiose et luxuriant de l’album sera transposé dans cette petite salle.

Sans grande surprise, la scène est bien remplie: l’auteur-compositeur-interprète est accompagné de Marc-Antoine Beaudoin et Bruno St-Laurent, ses copains du groupe Vendôme, ainsi que d’Alexis Leroy-Pleshoyano (Mada Mada), Jérémie Essiambre (La Faune, Cosmophone), Flavie Melançon et Marilyse San James. Difficile de tous les voir en même temps quand on est au fond de la salle, alors on les identifie plutôt par le son de leurs instruments. Après 20 minutes on arrive peut-être à voir, le batteur entre les têtes, un autre 20 et on aperçoit le nez du claviériste. C’est tassé serré, disons.

Le spectacle commence, et ce qui frappe tout de suite avec le premier morceau Un jour à la fois, c’est l’immédiateté. Même les moments plus doux sont canalisés vers une énergie supérieure à celle de l’album. Ce qui donne hâte aux moments forts. Ensuite vient Ce qu’on veut pas entendre, qui confirme ce que la chanson précédente me suggérait. Les grands contrastes de volume de ce morceau en font un des plus envoûtants. À peine dix minutes après que cela ait commencé, je me dis dans ma tête que ce concert est déjà une réussite.

À un moment entre deux chansons, St-Onge demande à la foule de crier le nom de sa grand-mère pour lui enregistrer une vidéo. Évidemment, on s’emporte, et nous voilà en numéro improvisé où tout le monde chante le nom de Josette sur l’air de « olé, olé olé olé… ». Les musiciens, tels de vrais pros, s’y joignent. Une petite folie de 15 secondes. Un plaisir fugace à la soirée.

De retour à la musique. On se réjouit du fait que toutes les chansons soient revigorées, animées par une sensibilité entre les musiciens par laquelle l’énergie se transfère. L’alliage est solide: les chorales sont justes et obsédantes; le jeu des guitares, précis quand il faut; le batteur se permet de jouer avec les rythmes, ajoutant des détails et des nouveaux punchs qui provoquent des cris joyeux. Pour toutes ces raisons et d’autres que je ne saurais nommer, l’expérience de cet album en live s’est particulièrement distinguée d’une écoute du matériel standard. Les chansons Ce qu’on veut pas entendre et Headlights sont particulièrement bien rendues, et le souvenir de leur version vivante teintera désormais toutes mes futures écoutes. Pour un album aux instrumentations riches et grandioses, la petite scène du Verre Bouteille s’est montrée étonnamment plus qu’adéquate pour en rendre justice.

Peut-être est-ce la proximité des artistes sur scène. Peut-être est-ce le fait qu’il s’agissait de mon premier concert de 2024, et que je débordais d’humeur positive à l’idée de recommencer à courir entre les spectacles d’artistes que j’apprécie. Peu importe, cet album aux couleurs chaudes faisait affront au froid extérieur, probablement bien plus cette fois-ci qu’au début de décembre. Pas grand chose de plus évocateur, dans ce cas, que les fenêtres dégoulinantes de condensation qu’on remarque en sortant. Osoyoos et ses créateurs auront été une ravissante boule de chaleur à mon soir du 23 janvier.

Ensemble Tesse et Le Vivier | Briser le moule de l’expérience musicale

par Elena Mandolini

L’année 2024 au Vivier commence par des concerts mettant en vedette la relève de la scène musicale actuelle. Hier soir, l’Ensemble Tesse, nouvellement formé, présentait son premier concert. Pour l’occasion, l’événement a été présenté de manière assez différente : on proposait un concert déambulatoire. Le format de ce concert s’est avéré très agréable, et a permis d’apprécier les œuvres au programme d’une nouvelle manière.

À l’entrée en salle, le public était invité à s’asseoir au sol, sur scène, autour d’une structure qui serait occupée par les musicien.ne.s. Entre chacune des pièces, le public était invité à se lever et à se déplacer. Il y avait également la possibilité de rester debout ou même de se coucher. Le public s’est prêté au jeu, se déplaçant silencieusement autour de la structure aux moments opportuns. Ces mouvements n’ont pas alourdi ni ralenti le concert, au contraire : les musicien.ne.s également se déplaçaient et se couchaient au sol lorsqu’il n’était pas à leur tour de jouer.

Au programme, on nous proposait des œuvres « comprovisées », composées, mais aussi improvisées. La co-création est l’un des objectifs de l’Ensemble Tesse, et il remplit parfaitement son mandat. L’écoute et les dialogues entre les musicien.ne.s sont remarquables. Les œuvres présentées s’apparentent surtout à des études de sonorité, dans lesquelles chaque musicien.ne repousse les limites sonores de son instrument respectif. Il est primordial de souligner la qualité de chaque interprète, tant dans son jeu toujours excellent que dans son jeu d’ensemble.

Chaque pièce permettait à un membre différent de l’ensemble d’être mis en valeur, chaque fois dans des combinaisons instrumentales différentes. Chaque œuvre présentait un univers sonore différent. Même si le concept restait le même, soit des improvisations collectives, la soirée n’a jamais semblé répétitive, et les idées musicales se succédaient judicieusement. Les moments plus méditatifs côtoyaient des passages bruités, rythmés, et parfois d’une grande mélodie.

La proposition du concert a été accueillie avec enthousiasme par le public. La scénographie et l’éclairage contribuaient à mettre les auditeurs et auditrices dans une ambiance d’expérimentation, un peu hors du temps et de l’espace, où tous les cadres étaient brisés et reconfigurés. L’Ensemble Tesse est l’heureuse preuve qu’il est possible de faire les choses différemment tout en offrant une expérience de concert mémorable et agréable. Leurs prochains projets sont à suivre absolument!

Ensemble Tesse

NOAM BIERSTONE (percussions)

AUDRÉANNE FILION (violoncelle)

CHARLOTTE LAYEC (clarinette basse)

OFER PELZ (piano)

MARILÈNE PROVENCHER-LEDUC (flûtes)

GABRIEL TROTTIER (cor)

Pour connaître les prochains concerts présentés par Le Vivier, c’est ICI!

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