Le Vivier et l’Orchestre de l’Agora se sont alliés hier soir pour remplir une de leurs missions premières : promouvoir et présenter la musique actuelle sous toutes ses formes. Le programme proposé, dont certaines commandes de l’Orchestre de l’Agora, a su démontrer le large éventail des possibles en ce qui a trait à la composition actuelle. En effet, les trois œuvres présentées, qui mettaient chacune de l’avant un soliste différent, utilisaient toutes un langage musical distinct. Une soirée très réussie, tout en nuances et en énergie!
La première partie mettait en vedette le percussionniste David Therrien Brongo, pour la création du concerto pour percussions Jeux de pouvoir, du compositeur Nicolas Gilbert. L’œuvre se présente comme plusieurs petits tableaux, où le percussionniste soliste circule à l’avant-plan de la salle. David Therrien Brongo démontre une grande virtuosité dans une partition complexe, et l’orchestre qui l’accompagne est précis, laissant beaucoup de place au soliste. Le concerto comporte beaucoup d’humour, ce que tous les interprètes transmettent avec brio : le chef Nicolas Ellis est appelé à quitter le podium pour quelques mesures pour jouer du triangle, puis quelques extraits célèbres d’œuvres orchestrales (dont le Boléro de Ravel) se succèdent rapidement vers la fin de l’œuvre. Avec l’interprétation de cette œuvre, l’Orchestre de l’Agora atteint l’équilibre parfait entre la virtuosité, l’humour et le plaisir de la musique.
La seconde œuvre change totalement de registre. Nous quittons l’énergie débordante pour entrer dans le monde sombre de la poésie d’Émile Nelligan. Ce qui demeure, cependant, est la virtuosité. Le récital des anges, cycle pour voix composé par Ian Cusson, est interprété par la soprano Elisabeth St-Gelais. Ce cycle, à l’origine pour piano et voix, mais orchestré par Cusson pour l’Orchestre de l’Agora, est composé de six poèmes sélectionnés par Cusson pour raconter une histoire sombre, dont le fil conducteur est le regret. Cette œuvre est troublante, et l’interprétation parfaite qu’en fait St-Gelais l’est tout autant. On sent que la salle retient son souffle. L’équilibre entre la soliste et l’orchestre est excellent, les instruments illustrant parfaitement le regret et les doutes tiraillant la protagoniste. La présence sur scène d’Elisabeth St-Gelais est convaincante et nous transporte tout à fait dans l’univers du poète québécois.
La dernière œuvre au programme, de nouveau, offre un contraste marquant avec la précédente. Le Concerto for klezmer clarinet de Wlat Marhulets offre tout ce dont on peut s’attendre d’une œuvre pour clarinette klezmer, et encore plus! Le soliste Victor Alibert démontre une maîtrise impeccable de son instrument. La partition demande de fréquenter le registre aigu la plupart du temps, ce qu’Alibert fait avec aisance et souplesse. La musique klezmer est connue pour être une musique rythmée et de célébration, et c’est tout à fait ce à quoi le public a eu droit pour cette dernière pièce. L’orchestre avait encore de l’énergie à revendre et a tout donné pour cette dernière œuvre. On reconnaît sans conteste la musique klezmer, mais ce concerto va également ailleurs, empruntant beaucoup à la musique de tradition purement orchestrale et fait parfois penser au langage musical des grands orchestres jazz, avec la grande utilisation de percussions (dont la batterie) et de lignes de basses électriques.
Ce concert aura su démontrer la grande variété qui existe dans le répertoire actuel. Bien que les œuvres présentées utilisent un langage musical somme toute assez conventionnel, il était incontestable qu’elles étaient ancrées dans le XXIe siècle. Cette célébration de la créativité a tout à fait atteint son but, grâce à la rigueur musicale de Nicolas Ellis et de l’Orchestre de l’Agora, ainsi que de solistes de haut niveau.