La quarantième présentation du Festival international de musique actuelle de Victoriaville s’est conclue le dimanche 19 mai au Carré 150, au terme d’un ultime concert donné par l’ensemble du guitariste scandinave Kim Myhr. Si cette nouvelle mouture du FIMAV avec Scott Thomson à la barre a attiré moins de mélomanes que l’an dernier, ce qui était largement prévisible (le facteur John Zorn y fut déterminant, tout comme le départ de Michel Levasseur, son fondateur), la nouvelle direction artistique a offert dans l’ensemble une proposition solide, de fort belle tenue, comportant bien assez de beauté et de substance pour que l’impression de satisfaction domine au retour à la maison.
Allons-y pour un résumé du 19 mai
Kim Myhr, Sympathetic Magic.
Le guitariste norvégien Kim Myhr et ses collègues d’Europe du Nord ont fermé les livres du 40e FIMAV, soirée dominicale de mai embaumée par la floraison des arbustes. Plein de guitares, plein de percussions, des claviers, quelques vocalises à l’occasion. Des tempos moyens, des grooves fondés sur des structures simples et linéaires, un travail essentiellement harmonique s’impose. Ça ne frémit qu’à l’occasion, le compositeur et son ensemble recherchent plutôt la plénitude harmonique, appellent à la contemplation. Quiconque cherchait de la densité et de la haute voltige instrumentale serait déçu. Quiconque cherchait à relaxer sous de bonnes ondes s’est contenté de cette offrande au titre évocateur : Sympathetic Magic.
Sélébéyone
Le saxophoniste américain Steve Lehman est à l’origine de Sélébéyone, qui devait marquer le retour du hip-hop dans le giron de la musique actuelle telle qu’on la promeut à Victo. Deux pointures du rap, soit le Sénégalais Gaston Bandimic et l’Afro-Américain HPRIZM (Antipop Consortium) au service d’un projet de groove jazz. On sait que le batteur Damion Reid est parmi les pionniers dans l’intégration du beatmaking hip hop, c’était donc excitant de le voir aux côtés de deux saxos aguerris, le Français Maciek Lasserre et l’Américain Steve Lehman, sans oublier une part importante de sons pré-enregistrés afin de soutenir le beat et les instruments mélodiques. Fort intéressant, mais une performance dans une salle multimédias et une sonorisation plus précise aurait fort probablement changé les impressions mi-figue mi-raisin de cette performance trop lisse pour ce qu’elle était ou ce qu’elle devrait être.
KAVAIN WAYNE SPACE / XT TRIO
Kavin Wayne Space alias RP BOO, est un pionnier du footwork (ou juke) à Chicago, sorte de réponse américaine au drum’n’bass et autres jungle britanniques. Ses rythmes footwork sont frénétiques pour la plupart, assortis de citations puisées dans le R&B, le funk et le jazz groove ett accélérés de manière étourdissante. Autour de lui dans ce XT Trio, le batteur Paul Abbott et le saxophoniste Seymour Wright tentent des choses. De petites choses faut-il préciser, puisque domine cette impression : la proposition rythmique du DJ/ beatmaker est plus considérable que les ajouts de la batterie en temps réel, et c’est idem pour le saxophone alto qui émet des quantités très limitées de notes et sons générés par des techniques étendues. Faut-il préciser que Seymour Wright est un minimaliste extrême dont l’émission limitée de notes est une signature. Pour une performance de près de 90 minutes, voilà qui est plutôt mince de prime abord mais il faudra réfléchir davantage à cette réplique très succincte de minimalisme acoustique à un maximalisme footwork.
Nate Wooley, Columbia Icefield
Le trompettiste, compositeur et improvisateur Nate Wooley a livré un hommage émouvant à son mentor, feu l’excellent trompettiste Ron Miles, mort prématurément en 2022 à l’âge 58 ans. Nate Wooley lui dédie ce projet Columbia Icefield, assemblage de plusieurs pièces composées dans un esprit similaire. Œuvre superbe! L’interprétation est prévue pour quatre : Ava Mendoza à la Fender Jaguar, très douée comme on l’avait noté la veille dans le quartette de guitares de Bill Orcutt; Susan Alcorn, authentique virtuose de la pedal steel guitar comme on pourra le constater au crépuscule du concert. La batterie et la percussions sont assurées par Ryan Sawyer, on retiendra un impressionnant motif tenu aux maracas. Cette heure de musique est extrêmement variée, les niveaux d’intensité suivent de belles courbes, on est captivé par la trame narrative de Nate Wooley. Le grand glacier canadien dont l’œuvre est aussi l’évocation, s’en trouve honoré.
Don Malfon solo
Avant de s’amener à Victo, le Catalan Don Malfon alias Alfonso Muñoz, avait épaté la galerie avec l’album Mutable (Relative Pitch, 2022) parce qu’il y enrichissait substantiellement le champ lexical des saxophones dans un contexte d’improvisation. Vues et entendues à l’Église Saint-Christophe d’Arthabaska, ses explorations sont effectivement remarquables, non seulement avec l’embouchure de l’instrument mais encore bien plus avec l’usage de récipients transformés en sourdine, permettant au musicien de générer une vaste palette de sonorités singulières, peu communes au saxo jusqu’alors. On ne peut affirmer cependant que cette suite d’effets a d’autres attraits que ceux de leur découverte en temps réel.