électroacoustique / électronique / expérimental / contemporain

Akousma | Solace tout en drone, sentier complexe, jardins familiers

par Laurent Bellemare

Une pièce sombre et silencieuse, avec de subtils jeux de lumières tamisées intervenant de temps à autre pour appuyer la musique. Sur la scène: personne (ou enfin presque). Les artistes sont derrière la console et diffusent une œuvre déjà entièrement travaillée via une quarantaine de hauts parleurs, immergeant le public dans le son. Gare à celui qui échapperait sa bouteille d’eau ou oublierait d’éteindre son cellulaire.
Cette situation de concert peu conventionnelle est loin d’être neuve pour les amateurs de musiques électroacoustiques et numériques. 

Akousma en est à sa vingtième édition et le festival a une fois de plus mis son orchestre d’enceintes au service des artistes locaux et internationaux. Un vendredi 18 octobre 2024, on avait droit à trois artistes européens et trois artistes québécois. Tous proposaient des esthétiques fort variées, mais presque toujours évocatrices d’une expérience cinématographique. Le sens de la forme musicale, lui, était moins évident à déceler.

Marie Anne

Solace

Seule artiste de la soirée à réellement “monter sur scène”, Marie Anne a saisi son contrôleur et a développé une musique plutôt drone et au lent développement sur Solace. La pièce s’est d’abord construite à partir de percées de sons tenus, lesquels créaient des intervalles tout à fait consonants. Dans une première montée en vague, on aurait cru entendre un pentatonisme dans le jeu des hauteurs, alors qu’un second plan a plutôt fait ressortir une harmonie mineure.

Pour la majeure partie de l’œuvre, on aurait juré n’entendre que des sons de synthèse. Il y avait même, volontairement ou non, de vagues échos aux synthétiseurs de Vangelis dans la trame sonore de Blade Runner. Cette impression s’est par contre transformée peu à peu, alors qu’un crépitement inharmonique évoquant le son de chutes d’eau s’est inséré. Ou était-ce plutôt du bruit blanc? Quoiqu’il en fût, l’aspect référentiel du matériau sonore s’est confirmé vers la fin alors lorsque des chants de grillons sont venus prendre le relais et clôturer le tout.

Bien que massive, la musique entendue peinait à être pleinement immersive. On sentait notamment que les possibilités de l’acousmonium étaient sous-exploitées. Avec une spatialisation plus riche, l’auditoire pourrait sans doute entrer davantage dans le son et mieux en apprécier sa densification progressive.

Atte Elias Kantonen

a path with a name

Avec le finlandais Atte Elias Kantonen, on est passé à un son plus près de l’électroacoustique classique, avec une profusion de micromontage et de sons se déplaçant dans l’espace. D’emblée, son œuvre a path with a name (a reimagined reprise) installait une texture assez particulière, à la fois liquide et industrielle. L’univers sonore y était familier, mais parallèle, comme une abstraction algorithmique de paysages sonores réels. 

Pendant un long moment, on entendait des mouvements allant de droite à gauche et vice versa, un peu à la manière d’une page qui se déchire. Mais le timbre de cette déchirure avait quelque chose de visqueux et métallique. Des scolopendres biomécaniques parcourant des tuyaux d’égouts ? On connaît la valeur subjective de telles associations. Pourtant, il y avait bien quelque chose qui relevait d’une conception sonore de science-fiction dans cette affaire. De toutes les œuvres présentées, c’est elle qui présentait les articulations les plus complexes.Pendant un long moment, on entendait des mouvements allant de droite à gauche et vice versa, un peu à la manière d’une page se faisant déchirer. Mais le timbre de cette déchirure avait quelque chose de visqueux et métallique. Des scolopendres biomécaniques parcourant des tuyaux d’égouts? On connaît la valeur subjective de telles associations. Pourtant, il y avait bien quelque chose qui relevait d’une conception sonore de science-fiction dans cette affaire. De toutes les œuvres présentées, c’est elle qui présentait les articulations les plus complexes.

Ludwig Berger

Garden of Ediacara

Sur Garden of Ediacara, l’Allemand Ludwig Berger dévoilait des tableaux sucrés composés de sons de synthèses et de voix traitées. Le tout était, à tout moment, très harmonieux et de facto tape-à-l’oreille. Les voix, intensément filtrées, donnaient une allure urbaine et déshumanisée à la musique, qui n’empêchait pas cette dernière de ne cesser de captiver l’attention.  

Les voix désincarnées, les rythmes pulsés et les sonorités accessibles faisaient d’ailleurs parfois penser au genre deconstructed club, cette réappropriation expérimentale de l’esthétique dansante. Par contre, il n’y avait pas énormément d’articulations prenantes, ni même de développements formels. Plutôt, on baignait dans des harmonies familières orchestrées avec minimalisme. Bien que l’œuvre ait laissé à désirer quant à sa progression dans le temps, il faut reconnaître que son esthétique était fort réussie et agréable à écouter. On peut s’amuser à imaginer les réactions qu’une telle œuvre aurait suscitées si elle avait été présentée au même festival lors de ses débuts.

Crédits photos: Caroline Campeau

Tout le contenu 360

L’OSM et Abel Selaocoe : De ces soirées où l’on aimerait suspendre le temps

L’OSM et Abel Selaocoe : De ces soirées où l’on aimerait suspendre le temps

Atteindre le ciel : le défi de Francis Choinière pour finir la 10e saison de son OPCM

Atteindre le ciel : le défi de Francis Choinière pour finir la 10e saison de son OPCM

Piknic 3 : Un peu de tout (everything) sous un ciel variable

Piknic 3 : Un peu de tout (everything) sous un ciel variable

Cazzu – Latinaje

Cazzu – Latinaje

Stereolab – Instant Holograms On Metal Film

Stereolab – Instant Holograms On Metal Film

SMCQ | In memoriam Jocelyn Morlock

SMCQ | In memoriam Jocelyn Morlock

Abbey Road, un concerto de Guy Braunstein au Festival Classica

Abbey Road, un concerto de Guy Braunstein au Festival Classica

Mira Choquette – Hier encore

Mira Choquette – Hier encore

Jared Dunn; Anna Gorecka – Gorecki’s World of the Piano

Jared Dunn; Anna Gorecka – Gorecki’s World of the Piano

Cyrille Dubois; Tristan Raës – Dupont : The Complete Songs

Cyrille Dubois; Tristan Raës – Dupont : The Complete Songs

billy woods – GOLLIWOG

billy woods – GOLLIWOG

Model/Actriz – Pirouette

Model/Actriz – Pirouette

Festival des saveurs | Une 4ème édition aux saveurs sociales

Festival des saveurs | Une 4ème édition aux saveurs sociales

Nic Ferron Trio – Multiverse

Nic Ferron Trio – Multiverse

Hayti Lives de Vox Sambou, « devoir de refléter son époque »

Hayti Lives de Vox Sambou, « devoir de refléter son époque »

OSL | Feher et Chang mènent une soirée de découvertes engageante

OSL | Feher et Chang mènent une soirée de découvertes engageante

MIKE & Tony Seltzer – Pinball II

MIKE & Tony Seltzer – Pinball II

TVOD – Party Time

TVOD – Party Time

Plafonds mystiques et architectes soniques : deuxième soirée d’Exposé Noir avec Helena Hauff, Wata Igarashi & Polygonia

Plafonds mystiques et architectes soniques : deuxième soirée d’Exposé Noir avec Helena Hauff, Wata Igarashi & Polygonia

Frangin et frangine d’Arménie aux sources de la grande musique et de leurs racines culturelles

Frangin et frangine d’Arménie aux sources de la grande musique et de leurs racines culturelles

10 ans, ça se fête avec Mahler pour Francis Choinière et son OPCM

10 ans, ça se fête avec Mahler pour Francis Choinière et son OPCM

L’espace est une tête d’affiche : l’histoire d’Exposé Noir

L’espace est une tête d’affiche : l’histoire d’Exposé Noir

Velvet Fog & Hard Techno : Une nuit à Exposé Noir avec Yazzus, Tiga et DJ Tool

Velvet Fog & Hard Techno : Une nuit à Exposé Noir avec Yazzus, Tiga et DJ Tool

JACK Quartet | Escape Rites

JACK Quartet | Escape Rites

Inscrivez-vous à l'infolettre