À l’écoute d’un album de Meshuggah, on pourrait facilement s’imaginer que les musiciens qui exécutent ces pièces aussi complexes qu’intimidantes sont des « Ingénieurs », ces colosses humanoïdes et glabres qu’on voit dans le film Prometheus. Dans la vraie vie, il s’avère qu’un seul des membres du quintette suédois est chauve. Et que tous affichent cette physionomie patibulaire assez typique de la gent métallique. Meshuggah a intitulé son neuvième album « Immutable ». Cela n’est sans doute pas anodin puisque le groupe y poursuit sa trajectoire immuable dans un cosmos qu’il a lui-même créé. Le son de Meshuggah, comme celui de tous les innovateurs musicaux, provient à l’origine d’une hybridation. Est-ce celle du prog-métal et du métal extrême de leurs coreligionnaires Cynic et Fear Factory, respectivement? On pourrait en débattre ad infinitum dans un forum d’exégètes. Meshuggah a ensuite complexifié – dans le bon sens – et raffiné sa musique, à tel point que celle-ci continue de susciter force émois, trente-cinq après la fondation du groupe. Immutable comporte treize pièces qui totalisent 68 minutes. Difficile, pour le musicophile, de ne pas s’extasier devant l’assemblage des prouesses rythmiques et polyrythmiques du batteur Tomas Haake – également parolier, comme son maître Neil Peart –, des guitares à huit cordes de Mårten Hagström et de Fredrik Thordendal (qui, pour cause de projet solo, n’a pas pris part à la composition des pièces), de la basse sismique de Dick Lövgren et du chant guttural de Jens Kidman. Écoutez The Abysmal Eye, par exemple, pour saisir à quel point Meshuggah peut vous secouer le nerf vestibulocochléaire.
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