Le précédent opus du Jazzlab Orchestra, en 2019, mettait en valeur les compositions du pianiste Félix Stüssi. On le retrouve ici, toujours très habile, mais beaucoup plus discret, tandis que l’octet montréalais se montre prêt à escalader de nouveaux défis. La mission, cette fois : bûcher sur le nouveau répertoire du contrebassiste et chef d’orchestre Alain Bédard, qui se dissimule ici derrière le pseudonyme facétieux d’Auguste Le Prez. Neuf titres que l’on présume datés de la pandémie en solitaire. Loguslabumuzikus (entendez : L’Auguste Lab-us Music-us) met en scène – car c’est ainsi qu’elle s’annonce – « une nouvelle expérience ». Encore une fois, il ne s’agit pas ici de thèmes faciles sur lesquels on improvise à satiété, chacun son tour. Non. Ce sont plutôt des compositions séquentielles volontairement élaborées, avec des arrangements complexes mettant en valeur les cuivres, en particulier le superbe trio de saxophonistes polyvalents Mario Allard, Samuel Blais et Benjamin Deschamps. Pourtant, Jacques Kuba-Séguin (trompette) et Thomas Morelli-Bernard (trombone) sont les premiers solistes à se mouiller dans le morceau d’ouverture, intrigant à souhait, La Grande Sauve Majeure, dont le suspense rappelle l’ambiance d’un vieux polar en noir et blanc. Suit Humor de la secunda noche…, dont le thème a des relents d’un flamenco arabisé. Coréalisé au studio Piccolo par le batteur Michel Lambert et Alain Bédard, l’architecte de ces structures casse-gueule, l’album parvient à être homogène et équilibré sans jamais se répéter. On ressent beaucoup l’admiration mutuelle dans cet ensemble où chacun est fier et conscient de faire partie d’une élite du jazz québécois. Ainsi, la pièce Lunes & marées, avec son ostinato, exprime bien qu’il est temps pour l’auditoire de retrouver son laboratoire. Et vice versa.
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