C’est un véritable plaisir que de voir un interprète bien connu du public pour ses incursions chez Bach, Chopin ou Schubert (entre autres compositeurs pour le moins « classiques ») se glisser dans une musique contemporaine trop heureuse d’ainsi profiter de la publicité qui vient avec sa notoriété. Si on ajoute à celui du pianiste les noms de Yannick Nézet-Séguin, dirigeant l’Orchestre Philharmonique de Rotterdam, et de Mathieu Lussier, devant Les Violons du Roy, on devrait déjà intéresser par mal de monde chez nous. Et puis, cerise sur le sundae, elles sont bonnes ces trois œuvres ! Left, Alone (2019), de Hans Abrahamsen, est un concerto très réussi, enregistré en 2016 à Rotterdam. L’auditeur pourrait être surpris, en lisant les notes de programme, de constater que dans ce dialogue vif entre l’orchestre et le piano, ce dernier n’est touché que par la seule main gauche du pianiste ! Dans Kuleshov, le compositeur Oscar Strasnoy joue sur les contrastes et les répétitions, inspiré par l’Effet Koulechov, développé au cinéma. Les Violons du Roy sonnent ici comme on ne les a jamais entendus. C’est l’Orchestre symphonique de la Radio de Francfort, dirigé par Tito Ceccherini, qui accompagne le pianiste dans la musique de Gérard Pesson, inspiré par Mauricio Kagel, qui aurait certes pu demander au pianiste de jouer sur le couvercle fermé du piano, comme il le fait ici à la fin de Future Is A Faded Song. Les trois concertos ont été écrits spécialement pour Tharaud et c’était une excellente idée de les réunir. Le pianiste, dont on connaissait déjà l’immense talent, en sort grandi, et on se réjouit d’imaginer qu’il contribuera sans aucun doute à faire découvrir la musique d’aujourd’hui à quelques esprits chagrins qui la croyaient morte depuis 1750.
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