Vince Staples a lancé en 2024 son 6e album studio. À 31 ans, il n’est plus dans la galaxie des jeunes pousses, il demeure néanmoins parmi les plus pertinents et les plus inspirés. Dark Times, ce pourrait être le titre de toutes les œuvres en 2024, de tous les films, tous les romans, tous les recueils de poésie, de toutes les musiques. C’est le ressenti le plus lucide, le plus clair. Pendant que le capitalisme passe au fascisme et que les modèles autoritaires s’imposent presque partout, il existe encore plus ou moins la moitié des humains sur cette Terre qui ne voient pas les choses ainsi et qui entendent bien l’exprimer. Vince Staples a parfaitement identifié la conjoncture, c’est la trame de cet album de haute volée, tout à fait distinct des autres albums hip-hop, serti d’expériences électronique, séances instrumentales et réparties chorales au service de ses mots excellents. À travers ses propres expériences communicationnelles dans la vie privée comme dans la vie publique, il explore la pénombre recouvrant la conjoncture. Il devrait même en écrire un roman, comme le fait Nick Cave avec sa matière chansonnière. Comme c’est le cas de tous les humains de bonne volonté, sa pensée oscille entre le découragement, l’abandon ou la quête de l’inspiration et de la plénitude. Une compréhension profonde de l’existence n’est pas garante des meilleures œuvres d’art mais elle n’est certainement pas un obstacle à leur réalisation. Le niveau de conscience de Vince Staples est l’un des plus remarquables de la planète hip-hop, sa droiture artistique et la poursuite d’une recherche absolument unique le positionnent parmi les jeunes maîtres du style. En ces temps sombres, les lumières les plus ténues sont les bienvenues, elles ouvrent la voie sur un autre avenir, plus intéressant, plus transcendant, que l’on ne voit pas encore mais qui finira peut-être par triompher.
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