Virtuosité pianistique, harmonies complexes, mélopées chantées en arménien, envolées de synthétiseurs, polyrythmes pesants et atmosphères cinématographiques: tous les éléments qui distinguaient Tigran Hamasyan de ses pairs sur Shadow Theater (2012) se retrouvent décuplés sur The Bird of a Thousand Voices, un nouvel album qui transcende chaque genre auquel il s’abreuve.
Inspiré d’une vieille légende arménienne, l’album se présente comme la trame sonore d’un jeu vidéo réimaginant le mythe du prince Areg. Mais si seule la première pièce du disque The Kingdom fait vraiment l’objet d’un jeu en ligne, stratégie publicitaire certes, tout l’album a le cachet d’une trame sonore en bonne et due forme. On est frappé d’abord par la longueur du disque, près de 76 minutes, puis par la familiarité des motifs qui reviennent à toutes les sauces durant l’expérience d’écoute. Les choses coulent avec fluidité et se succèdent sans ennui.
Plus grandiose encore: la manipulation si naturelle que fait Hamasyan de ses influences diversifiées. On le savait déjà fortement inspiré par les mélodies modales arméniennes et, plus généralement, d’Asie occidentale, en plus d’être friand de métal à la Meshuggah et doté d’une solide formation en jazz. Ce nouvel album est encore toutes ces choses, mais leur produit est un style musical inimitable qui rend le pianiste Arménien d’autant plus unique dans le paysage diversifié du jazz contemporain.
L’authentique originalité n’est plus facile à atteindre en musique, du fait du lourd passé d’innovation contre lequel chaque artiste se bute. Pour Tigran Hamasyan, c’est toutefois un défi relevé. The Bird of a Thousand Voices est un album clair-obscur dynamique et sensible, aussi pesant que berçant et qui fait déjà relever les têtes, pas seulement chez les auditoires jazz.