« Mon avenir est-il dans le passé ? », demandent les Rolling Stones sur le dixième titre de leur dernier album, Hackney Diamonds. Avec la majeure partie de leur discographie sortie avant les années 2000, et plus d’un milliard d’écoutes sur Spotify pour l’emblématique Paint It, Black (1966), la question est légitime.
Certains titres de l’album, Angry et Close To You, sont aussi émouvants que leurs titres le laissent entendre, mais ils ne donnent pas l’impression de générer une atmosphère propre aux Rolling Stones. Cela ne veut pas dire que ce sont de mauvaises chansons : les rythmes de batterie et les riffs de guitare sont inventifs, et il est évident que le chanteur Mick Jagger s’amuse avec ses lignes. Mais quand on sait ce que peuvent faire les Rolling Stones, des paroles comme celles de Mess It Up – « You think I’m really, really, really gonna make your dreams come true/You say you really, really, really, really wanna hear the truth » – font sonner la musique de manière trop générique.
Depending on You et Driving Me Too Hard offrent un style rustique plus attrayant, tandis que Bite My Head Off s’oriente vers un grunge plus contemporain. Cela permet de garder l’album dynamique et montre que le groupe essaie toujours d’incorporer de nouvelles idées 60 ans plus tard. Ici, le problème est plutôt d’adapter le ton aux paroles illustratives – le sentiment de nostalgie de Wild Horses (1971), par exemple, ne fonctionnait que grâce à ses images puissantes.
Il est difficile de ne pas comparer cet album à des succès comme Gimme Shelter (1969) et Sympathy For The Devil (1968). Ces chansons ne se contentaient pas d’associer une instrumentation puissante à des paroles chantées avec force. Elles développaient des mélodies et des rythmes mémorables pour mettre en lumière leurs métaphores. Les Rolling Stones ont toujours été plus efficaces lorsqu’ils conservaient un peu de subtilité, ce qui n’est pas le cas de cet album.
Deux chansons rompent avec ce schéma. Tell Me Straight, étonnamment solennelle et autoréflexive, s’attaque à la notoriété du groupe et à la façon dont l’acte de création fonctionne dans l’ombre d’un corpus musical préexistant aussi renommé. Enfin, l’auditeur a quelque chose à se mettre sous la dent, et pourtant, il ne s’arrête qu’au bout de trois minutes, au sommet de l’investissement émotionnel ! Il s’agit également d’un fade-out anticlimatique impressionnant…
Le titre de Lady Gaga est sans conteste le meilleur de l’album, ce qui est remarquable si l’on considère qu’elle est confrontée à des artistes comme Elton John et Paul McCartney. Elle prête à Sweet Sounds of Heaven ce que Merry Clayton avait déjà prêté à Gimme Shelter : une voix angélique et pleine d’âme qui contraste avec la lenteur et la crudité du chant de Mick Jagger. Le piano, aux mains du légendaire Stevie Wonder, est également un joyau, en particulier lorsque Jagger invite Wonder avec un « Play me something Stevie » décontracté sous la batterie et les voix douces. Et ces riffs de cuivres contrôlés mais passionnés? Cette chanson n’a pas peur d’exprimer à quel point elle est cool, mais elle sait exactement quand elle est allée aussi loin qu’elle le pouvait. Elle génère une mystique si satisfaisante qu’elle rend l’album digne d’être écouté.