Ils s’appellent Tom, Helena, Joan ou Jennifer. Ce sont de pauvres âmes infortunées à qui la vie n’a pas fait de cadeaux. Le genre de personnages qu’on pourrait croiser dans un recueil de nouvelles écrites par Raymond Carver. Ils ont plutôt donné leurs noms à des chansons figurant sur le nouvel album de Damien Jurado. Chantre de ceux que Leonard Cohen aimait qualifier de perdants magnifiques, il met sa plume empathique à leur service depuis près de vingt-cinq ans, le fait avec toujours avec autant de doigté, mais demeure pourtant cruellement méconnu du grand public.
The Monster Who Hated Pennsylvania est le tout premier opus à paraître sur étiquette Maraqopa, une maison de disque fondée par Jurado lui-même qui, en plus d’avoir d’avoir écrit et composé tout le matériel qu’il contient, en a assuré la réalisation. Le chansonnier natif de Seattle y est épaulé par le multi-instrumentiste Josh Gordon qui joue de la basse, des percussions et des claviers. Les dix perles qu’ils ont créées sonnent résolument lo-fi, ce qui permet au barde de nous raconter ses histoires en toute intimité. Les morceaux acoustiques que le programme propose (Helena, Minnesota, Joan, Jennifer, Hiding Ghosts, Male Customer #1) sont de purs moments de grâce qui mettent en valeur le savoir-faire de l’orfèvre mélodiste qu’est Jurado. La pièce de résistance de l’album est toutefois Johnny Caravella, chanson de près de six minutes qui raconte les déboires d’un pauvre hère qui n’a ni les souliers, ni le courage nécessaires pour quitter les malheurs qui l’accablent. Sur fond sonore de tension électrique croissante, le chanteur qui habituellement nous susurre sa poésie d’une voix caressante, hausse le ton, emporté par l’émotion. Frissons garantis, chers amis ! Il serait grand temps que vous prêtiez l’oreille à ce que ce type a à nous dire.