Le 21 mars 1902, il y a 120 ans presque jour pour jour, Edward James House Jr. vint au monde à Lyon, un hameau jouxtant la pointe nord-est de la ville de Clarksdale, dans l’État du Mississippi. Le jeune Eddie embrassa la ferveur chrétienne de la maisonnée. Il pratiqua ardemment sa religion et se révéla doué pour le prêche dès l’adolescence. Eddie House détestait le blues, musique irréligieuse par excellence. Il se maria à 19 ans, tâta de l’agriculture, travailla à l’aciérie et exerça divers autres boulots manuels. Au début de la vingtaine il devint officiellement pasteur, d’abord dans une église baptiste, puis épiscopale méthodiste. Or, sa passion grandissante pour la dive bouteille l’éloigna graduellement de sa divine mission.
En 1927 survint une épiphanie : Eddie entendit un compagnon de boisson jouer de la guitare à l’aide d’un goulot de bouteille. Il s’acheta une guitare, puis apprit à en jouer en quelques semaines. Lui qui honnissait le blues, il deviendra l’un de ses plus remarquables praticiens. Il recycla les psaumes qu’il chantait en complaintes mélancoliques, s’accompagnant à la guitare bottleneck. La carrière de bluesman de Son House était lancée mais s’avéra fort laborieuse, surtout à cause d’un séjour de deux ans au pénitencier Parchman Farm. Son House finit par enregistrer neuf pièces sous les auspices de Paramount Records en 1930. Ce fut un échec commercial. Il continua à jouer, tout en gagnant sa vie comme conducteur de tracteur. En 1941 puis en 1942, le légendaire ethnomusicologue Alan Lomax se rendit dans le nord du Mississippi afin d’y enregistrer des prestations de Son House pour la bibliothèque du Congrès.
En 1943, House déménagea à Rochester, New York, où il dégota, entres autres, un emploi dans une compagnie ferroviaire. Son House mit la musique sur « pause » jusqu’en juin 1964, où les bluesophiles Nick Perls, Phil Spiro et Dick Waterman le redécouvrirent à Rochester. Avec Waterman comme imprésario, le bluesman de 62 ans connut une gloire tardive. Waterman fournit à Son House une guitare National à caisse d’acier, du type qu’il avait utilisé au début de sa carrière. Le mythique dépisteur John Hammond demanda à Alan Wilson – guitariste féru de blues qu’on allait connaître à peine une année plus tard au sein de Canned Heat – d’aider Son House à « réapprendre » ses pièces. House décrocha un contrat chez CBS, fit l’objet d’un article dans l’hebdo national Newsweek, prit part à de nombreux festivals folks – dont celui de Newport – et joua en Europe, notamment au Festival de jazz de Montreux en 1970.
Les pièces que l’on entend sur l’album Forever on My Mind ont été enregistrées le 23 novembre 1964 au Wabash College de Crawfordsville, en Indiana, devant une cinquantaine de spectateurs. Ces enregistrements, qui n’avaient jamais été publiés, proviennent de la collection de bandes magnétiques 1/4 de pouce de Dick Waterman, qui a confié à Dan Auerbach (The Black Keys) et aux experts de son studio Easy Eye Sound la tâche de les restaurer. La chanson-titre n’avait jamais été enregistrée auparavant. Son House prit sa retraite en 1974 pour des raisons de santé, puis décéda en 1988 à Détroit, au Michigan. L’album Forever on My Mind constitue un ajout essentiel au patrimoine musical de l’humanité. Rien de moins.
Sources : fiches Wikipédia et notice biographique de Son House fournie par Easy Eye Sound.