Les bonnes gens de l’étiquette Light in the Attic sont ce qu’on pourrait appeler des débusqueurs de trésors. Parmi les hauts faits de ces précieux archéologues, on peut compter la récente publication de compilations dédiées à la musique japonaise des années soixante-dix et quatre-vingt. Il y eut tout d’abord Even a Tree can Shed Tears qui nous a permis de faire connaissance avec la scène folk nippone,puis Kankyo Ongaku, une anthologie qui nous faisait découvrir des artistes new age et ambient, et ensuite les deux volets de la collection Pacific Breeze qui se concentrait sur la city pop, un genre qui amalgamait soft rock, funk et disco.
Comme son titre le souligne, Somewhere Between se situe à l’intersection des zones musicales que couvraient les deux dernières compilations. Les rythmes accrocheurs et les mélodies sucrées de Pacific Breeze y côtoient les atmosphères plus nébuleuses de Kankyo Ongaku. Les morceaux pop ont une saveur particulière que des arrangements déroutants viennent aciduler, que ce soit, par exemple, la très new wave Arrows & Eyes de Noriko Miyamoto ou la sublime Wedding with God de Sonoko qui clôt le programme. Le versant minimaliste du disque est représenté par des musiciens tels que le compositeur ambient Yoshio Ojima, le plutôt reichien Mkwaju Ensemble ou R.N.A. Organism qui donne davantage dans la minimal wave. Des projets plus difficiles à catégoriser réjouiront les amateurs de curiosités : entre autres, l’imprévisible et bizarroïde chanson de Wha Ha Ha et les ambiances ténébreuses proposées par D-Day.
Les enregistrements retenus pour ce fascinant florilège témoignent d’une période de prospérité économique exceptionnelle au Pays du Soleil-Levant. En effet, ces années fastes avaient permis à des labels farouchement indépendants d’émerger. On pense, par exemple, à Vanity Records, une étiquette DIY basée à Osaka qui est bien représentée sur Somewhere Between. La créativité débridée dont cette anthologie fait état nous permet de prendre la mesure de l’ouverture d’esprit qui régnait alors. Pour nos oreilles occidentales, il s’agit d’une fort belle introduction à un univers que les méandres du ouèbe nous permettront de connaître davantage par la suite.