Rhiannon Giddens est une banjoïste afro-américaine, elle contribue à réinventer le folklore des États-Unis, notamment en démontrant la place qu’ont occupé les Noirs dans la musique country. Vous pouvez la voir et l’entendre longuement dans la série documentaire Country Music, de Ken Burns, diffusée sur le réseau américain PBS.
La musicienne issue de la Caroline du Nord multiplie les projets musicaux : en solo, en duo, en groupe. La voici maintenant directrice musicale du Silkroad Ensemble, un groupe fondé en 2000 par le violoncelliste Yo-Yo Ma, qui vise à faire collaborer des musiciens de différentes cultures des cinq continents de la planète. On y entend autant des violons occidentaux que de la flûte chinoise, des tablas indiens, de la steel guitar ou de l’accordéon.
American Railroad raconte en musique la construction du chemin de fer transcontinental américain. Comme au Canada, la voie ferrée y constitue un mythe, mais avec beaucoup de zones d’ombres.
Durant la construction, on a dérobé des terres aux autochtones, on a surexploité les ouvriers chinois et japonais, en plus d’interdire aux familles de ces gens de monter dans le train une fois terminé. Sans parler de l’exploitation des communautés noires. Et des conflits entre Blancs catholiques et protestants. Ce disque raconte tout cela en modifiant des chansons traditionnelles et en composant de nouvelles musiques. Parmi elles, une création de la Franco-Américaine Cécile McLorin Salvant, Have You Seen My Man.
Les douze musicien-nes, parmi lesquels six chantent, sont hyper-compétents et s’amusent longuement à improviser. Rhiannon Giddens mène le tout de main de maître, avec un gant de velours dans une main de fer. C’est un voyage ferroviaire politique qui emprunte de nombreuses voies musicales, avec ou sans aiguillages et traverses. C’est un album qu’il faut écouter en totalité pour en comprendre la complexité, avec une finale très ludique.
En plus de la création musicale, Rhiannon Giddens a créé un balado pour nous faire mieux comprendre le contexte sociopolitique de la fabrication du chemin de fer. Pas sûr que cet opus soit sur la liste de Noël de Donald Trump. Définitivement trop woke pour Paul St-Pierre Plamondon.
Nous nous dirigeons peut-être vers une période aussi sombre que celle décrite dans ce disque. J’espère vraiment me tromper.
Joyeuses Fêtes!