Peter Gabriel surfait sur son legs depuis Up, paru il y a 21 ans, soit son dernier album de bonne tenue jusqu’à celui-ci. Il a tourné depuis avec la matière de Up, puis avec la matière d’enregistrements de reprises et autres recyclages de son propre répertoire, puis avec un orchestre symphonique, puis en tandem avec Sting et finalement l’automne dernier avec un concert persillé de chansons inédites – m’a-t-on rapporté.
Longtemps, je fus un vrai fan de Peter Gabriel, préférant de loin sa carrière solo à celle de frontman pour Genesis que je trouvais trop sirupeux à une époque ou le prog théâtralisé faisait des ravages. L’ouverture aux technologies de pointe, l’inclination aux musiques non occidentales (rappelez-vous la participation de Youssou N’Dour aux tournées subséquentes à l’album So) et moins de crémage romantique avaient donné parfaitement raison à Peter Gabriel de laisser Genesis à Phil Collins – devenu un richissime mononk de la power ballade sur la bande FM.
Après Up sorti au tournant du siècle, Peter Gabriel n’avait plus rien à dire, sauf la gestion de ses acquis… ce que font d’ailleurs la plupart des élus de la pop et du rock « classiques ». Rien ne laissait présager cet album double – une même douzaine de titres se décline en « bright side » et en « dark side ». Mais… puisque j’ai maintes fois couvert Gabriel et l’ai interviewé jadis, j’ai finalement cessé de résister.
Cet album résulte certainement d’un travail considérable et d’une jolie récolte de fruits dans le for intérieur. La voix est impeccable. Les arrangements sont soignés, façon pop de chambre ou post prog. Le beatmaking est relativement adapté aux technologies actuelles. Certaines accroches sont efficaces comme à la grande époque, les mélodies soyeuses pour la plupart. Les textes parlent de guérison par l’amour, de quête de la joie et autres thèmes universels que les aînés transforment en mantras pour mieux paver le parcours qui leur reste.
On ne peut vraiment demander mieux à Peter Gabriel qui, malgré ce regain inattendu de créativité, aurait pu bizouner les mêmes chansons avec une facture identrique, deux ou trois décennies plus tôt. Souhaitons-lui donc de profiter de la vie et de combler ses centaines de milliers de fidèles. Sauf exceptions, il ne se feront pas prier pour tripper.