Amorveno est prisonnier mais sa bien-aimée Zeliska fera tout pour le faire libérer, quitte à se faire passer pour un homme. Ça vous rappelle Fidelio de Beethoven? Bien vu! C’est exactement le même texte d’origine (de Jean-Nicolas Bouilly), remanié par le librettiste Gaetano Rossi, qui replace ici l’action en Pologne et non dans la France révolutionnaire. La différence majeure, cela dit, est le traitement musical de Mayr, compositeur italianisant que l’on redécouvre avec bonheur depuis quelques années. Mayr marie un orchestre classique, mozartien, avec des élans lyriques belcantistes. Il a d’ailleurs marqué de sa patte la naissance du style flamboyant qui allait faire la renommée de l’un de ses élèves, un certain Donizetti! Mayr, est donc une figure importante de la musique du début du 19e siècle, une sorte de chaînon manquant que notre époque fait bien de faire sortir de l’ombre.
Car, en plus d’être historiquement sensé, cette redécouverte est surtout, et absolument, délicieuse! Ça se laisse écouter tout seul, d’une traite d’à peine 90 minutes que l’on a envie de répéter tout de suite. C’est tout léger (bien plus que Fidelio) et traversé de nombreux traits d’humour, mais sans négliger quelques passages plus dramatiques. Le point le plus fort de cet amor conjugale, cependant, ce sont les mélodies. Mayr en était prodigue et avait un talent certain pour en concocter de très habiles et surtout mémorables. On en redemande.
On remarquera également les récitatifs, accompagnés ici, en plus du clavecin habituel, du violoncelle et d’une contrebasse. Oh, la foison de couleurs et de nuances supplémentaires que cela offre à ces passages souvent secs et arides. Ça fait du bien! Selon les recherches de Hilary Metzger, violoncelliste de l’ensemble Opera Fuoco, l’utilisation du clavecin seul n’était pas la seule solution retenue à l’époque. Au contraire, un éventail plus large de possibilités instrumentales était plus fréquemment utilisé qu’on ne le pensait. Heureuse découverte en ce qui me concerne!
Les voix sont adéquates et même belles pour l’ensemble. Un soprano un peu trop porté sur le vibrato dans les aigus pour Zeliska n’enlève rien à la qualité générale de son interprétation du personnage. Amorveno est un ténor italien léger, ce qui accentue la différence entre ce personnage et celui de Florestan dans Fidelio. Pour le reste, rien à dire sinon que la qualité est d’excellente facture, des solistes secondaires jusqu’à l’orchestre, lestement dirigé par David Stern.
Je ferai remarquer que la prise de son ne m’apparaît pas optimale. Directe, presque crue, elle est réalisée au détriment du potentiel de rondeur de l’orchestre. Un petit bémol dans une partition qui me semble être sommes toutes un must pour tout amoureux de la chose lyrique.