Depuis quelques années, des oiseaux de malheur clament à qui veut bien les entendre que le rock est moribond. Cependant, bien qu’elle ait perdu de sa superbe, cette forme musicale n’est nullement agonisante puisque de jeunes musiciens allumés continuent de s’en réclamer. Au Royaume-Uni, la scène post-punk est particulièrement effervescente : Fountaines D.C., Idles, black midi et Black Country, New Road ne sont que quelques exemples de la vitalité de cette jeunesse rock. Il faut dorénavant ajouter Dry Cleaning à cette liste.
Ce qui distingue cette formation de ses semblables, c’est Florence Shaw, sa chanteuse qui ne chante guère. Elle déclame plutôt d’une voix monocorde ses textes frisant l’absurde dans lesquels cohabitent observations du quotidien et clins d’œil ironiques. Il suffit de visionner une prestation live du quatuor pour se faire une idée de l’étonnante dichotomie qui l’anime. Au milieu de trois musiciens rock qui mettent toute la gomme, se tient cette femme qui demeure impassible. Les préconceptions éculées sur ce que devrait être une chanteuse rock en prennent pour leur rhume.
Tom Dowse (guitare), Lewis Maynard (basse) et Nick Buxton (batterie) jouent, quant à eux, un rock bien senti dans lequel ceux qui ne sont pas nés de la dernière pluie reconnaîtront plusieurs références : Wire, Gang of Four, The Fall, Joy Division, Magazine, Sonic Youth… Des formations qui ont fait la gloire des années quatre-vingt et qui alliaient section rythmique électrisante et attaques incisives de la guitare. Le trio d’instrumentistes prend toutefois bien soin de nous resservir ces sonorités avec ses propres épices et surtout, son imagination foisonnante.
Enregistré par le chevronné John Parish, un collaborateur de longue date de P.J. Harvey, New Long Leg fascine de par le contraste qu’on y trouve entre l’attitude placide mais assurée de sa figure de proue peu orthodoxe et la livraison plus dynamique de ses accompagnateurs. Le sentiment d’étrangeté qui s’en dégage est puissamment addictif puisqu’une fois l’écoute du disque terminée, on a envie d’y revenir et d’y revenir encore.