La période de la Révolution française et ses suites, jusqu’à l’Empire de Napoléon et même la Restauration monarchique qui s’ensuivit, est l’une des plus obscures de l’histoire de la musique française. On connaît très peu de compositeurs (encore moins de compositrices) qui y sont associés. Dans nos mémoires collectives, après le baroque Rameau, il faut sauter près d’un siècle, dans le Romantisme de Berlioz pour retrouver un artiste qui nous soit familier. Pourtant, sans être un coffre à chef-d’oeuvres majeurs injustement oubliés, cette page troublée de l’histoire française recèle néanmoins de très jolies pépites et quelques artistes qui méritent une certaine estime.
L’excellent Mathieu Lussier et ses complices Amanda Keesmaat et Christophe Gauthier pensent que c’est le cas d’Étienne Ozi, un bassoniste considéré comme le plus grand de son époque, mort en 1813. Il a créé près de 20 concertos, de sa plume, au Concert spirituel, en plus de nombreux autres de ses collègues. La méthode de basson qu’il a rédigé et publié en 1803 est la première du genre et aussi complète en français. Il a également été l’un des premiers professeurs du tout nouveau Conservatoire de Paris. Bref, un artiste d’une indéniable importance dont on peut légitimement redécouvrir les compositions avec intérêt.
Ici, le trio basson/violoncelle/clavecin de Lussier/Keesmaat/Gauthier nous propose le cycle des Six grandes sonates pour le basson d’Ozi. On y entend une expression teintée d’élégance et de raffinement discursif. Les lignes mélodiques sont claires et nettes, mais plutôt élaborées. La complexité de la musique d’Ozi ne se retrouve pas dans un contrepoint charnu mais plutôt dans une linéarité souvent étendue.
Rien de révolutionnaire dans ces partitions, mais, franchement, un immense plaisir d’écoute pour chaque mélomane un tantinet curieux. Les interprétations sont précises, senties et convaincantes.
Le programme se termine sur une très amusante sonate contemporaine de François Vallières qui n’a pas pu résister à la tentation d’évoquer un autre ‘’Ozi’’, du 20e siècle : Ozzy Osbourne (Ozzyyyyyyyyyyyyyyyyyyy!!!!!). Sa sonate en trois mouvements évoque autant de bijoux du hard-rockeur britannique, avec des titres comme Sinistre « Diary of a Madman »; Passacaille, Solennel : « Mr. Crowley » et Allegro : « Crazy train ». Délectable et irrésistiblement ludique. Avouez que vous aussi vous aviez fait le rapprochement!
Un très bel album de trésors cachés, joué et enregistré avec le plus grand soin.