De leur propre aveu, les quatre gars de Mastodon font dans le cathartique. Leur corpus contient sa part d’éruptions ferrugineuses qui remplissent un tant soit peu, par leur fracas volcanique, le vide qui subsiste lorsqu’un être cher rejoint les verts pâturages. Celui à qui les musiciens d’Atlanta rendent surtout hommage ici s’appelle Nick John; c’était leur imprésario, décédé en 2018. La gigantesque Gigantium est particulièrement émouvante à cet égard. La poésie mastodonienne est plus grave et digne que jamais, sur Hushed and Grim. On pourrait parfois la qualifier d’hiératique, tant les récits des narrateurs semblent ponctués de rituels. Ou alors cyclopéenne, dans son évocation de créations et de manifestations qui dépassent largement l’échelle humaine. Une heure et demie de musique, une tonne de riffs, une avalanche de changements de tempo (combien y en a-t-il sur Peace and Tranquility seulement? On notera que cette chanson dure 5 min 55 s… 555, le nombre de l’Ange!) et moult symboles, dont l’arbre qu’on voit sur la pochette, où nichent les âmes ayant perdu leur support corporel. Bref, on n’est pas à Patofville. « La Mort vient, elle porte une faucille et apporte la paix », annonce une voix d’enfant (celle de la fille d’un ingénieur de son, semble-t-il) en prélude à Sickle and Peace, avant que ne démarre un riff funk et du chant soyeux qui pourraient nous faire croire qu’il s’agit d’une nouvelle chanson des Bee Gees… jusqu’à une minute quarante-trois secondes, où ça change d’allure raide pendant trente secondes, et c’est Bee Gees bis, et ainsi de suite. Quinze pièces qui, outre la relativement « linéaire » Teardrinker – qui fait office de tube ces jours-ci –, comportent une infinité de circonvolutions et de nuances. Je n’ose imaginer ce que ça doit coûter à Mastodon en papier à musique, j’espère qu’ils ont une commandite. On remarquera des trucs : la jeune sensation rock sudiste Marcus King prête ses doigts adroits à The Beast; le court solo de synthé aux deux tiers de Skeleton of Splendor, qui rappelle inévitablement celui de feu Rick Wright dans Welcome to the Machine; l’assistance du riffeur Kim Thayil, naguère pilier de Soundgarden, qui enrichit Had It All; la pièce Dagger qui passe en mode Shéhérazade vers les deux minutes. Et tant d’autres trouvailles propices à l’émerveillement, au réconfort et à la stimulation. Car Mastodon existe pour nous prouver, encore, que de l’impétuosité musicale peut naître la catharsis.
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